L’appel universel à la vigilance (1er dimanche de l’Avent)
Textes : Is 63,16-17 ; 64,1.3-8 ; Ps 79 ; 1 Cor 1,3-9 ; Mc 13,33-37
Avec ce dernier dimanche du mois de novembre, nous commençons le temps liturgique de l’Avent ; le temps où les chrétiens se préparent à célébrer Noël, la naissance du Christ. Une nouvelle année liturgique commence, un nouveau cycle de lecture de l’Evangile s’ouvre. C’est l’Evangile selon Marc qui nous accompagnera tout au long de cette année.
Le passage qui nous est proposé aujourd’hui conclut le discours sur le temple, qui annonce la fin de Jérusalem, et qui commence au début du chapitre 13. Le langage, peut-on dire, est du genre apocalyptique, compte tenu de la dimension de catastrophe cosmique qui précède la venue du Seigneur. Mais comme toute littérature apocalyptique, il attire fortement l’attention du lecteur.
En l’espace de cinq versets, l’appel à l’éveil et à la vigilance sonne comme les ondes d’un écho qui se répète. Cela marque une vraie insistance. Le temps dominant des verbes principaux est l’impératif présent. Dès l’ouverture du texte (Mc 13,33a), deux verbes, vraisemblablement synonymes, se suivent (sans conjonction, produisant ainsi un certain relief), se renforcent l’un et l’autre et donnent le ton : regarder (considérer attentivement), veiller (dormir en plein air, dehors). Le verbe regarder attentivement a été employé précédemment en ce qui concerne la venue des faux christs et des faux prophètes que les disciples ne doivent pas croire ni suivre (Mc 13,23). En union avec le verbe veiller, il ne s’agit plus seulement de ne pas dormir, mais en quelque sorte aussi de pouvoir fixer son attention sur les choses qui adviennent pour pouvoir les discerner. Certains manuscrits ajoutent un troisième impératif : priez. L’analogie à une action humaine globale devient plus complète (corps, esprit, âme), dans la mesure où il s’agit de toutes les facultés humaines qui concernent les organes de sens que sont les yeux (veiller), de l’intelligence, donc de l’esprit (considérer attentivement) et de l’âme (prier).
La raison de cet appel à la vigilance est l’ignorance humaine du moment précis (Mc 13,33b). Le verset précédent (Mc 13,32), qui n’est pas lu pour ce dimanche, est explicite et catégorique à cet égard : « Au sujet de ce jour et de cette heure, personne ne le sait, ni les anges dans le ciel, ni même le Fils, sinon le Père ». Le motif est repris deux fois (Mc 13,33.35), ce qui traduit bien son importance, et rythme du fait même le texte. D’un côté, la responsabilité confiée à chacun des serviteurs par le maître qui leur laisse sa maison pour un voyage (Mc 13,34). Ceci nous rappelle la parabole matthéenne des talents que nous avons suivie quelques dimanches auparavant (Mt 25,14-30). Il y a une dimension dramatique qui est traduit par la responsabilité individuelle des serviteurs, avec l’ordre explicite intimé au portier de veiller. De l’autre côté, le retour de ce maître de maison qui est en fait le Seigneur (titre que les Evangiles donnent au Christ ressuscité) qui ne doit pas les trouver endormis, quelle que soit l’heure de la nuit où il arrive (Mt 13,36-37). Tout l’horloge nocturne est déployé avec les différentes veilles (quatre au total). Ici l’aspect dramatique est marqué par l’arrivée à l’improviste du Seigneur de la maison. L’Evangile ne dit pas ce que fera le maître s’il trouve ses serviteurs endormis, mais le lecteur avisé, qui connaît du reste les exigences du métier de sentinelle, comprend et peut imaginer ce qui s’en suit.
C’est ici que ce texte nous déroute quelque peu : il se conclut sur cet appel universel à l’éveil, à la vigilance (Mc 13,37). Cet enseignement du chapitre 13 semble destiné tout d’abord aux disciples qui marchent avec le Maître (Mc 13,1) et qui admirent la beauté des pierres et de l’édifice du temple. Le spectacle qu’on peut observer à partir du Mont des oliviers, en regardant le temple, vaut bien la peine. Mais un enseignement d’une telle envergure ne peut pas se limiter à ce groupe, il faut l’élargir le plus possible. Il est adressé et concerne tout le monde. L’enseignement du Maître traverse alors le temps et l’espace pour rejoindre quiconque se met à la suite du Christ. Le témoignage évangélique devient pour le chrétien d’aujourd’hui le moyen par lequel il entend cette parole du Maître, comme s’il en était le premier auditeur, le premier destinataire. C’est le Christ lui-même qui, par le moyen de cette page d’évangile, nous parle directement.
On parlerait aussi d’une belle inclusion qui marque ce texte : il commence par un impératif (regardez, veillez) et se conclut par un autre impératif (soyez éveillés). L’ordre est ainsi pressant. L’apôtre Paul, auquel cette année a été dédiée, le reprendra dans la première Lettre aux Corinthiens : « Veillez, soyez fermement debout, soyez forts comme des hommes, résister solidement » (1 Cor 16,13). Dans l’attente de la manifestation de ce jour, le Christ a enrichi ses fidèles et son Eglise de dons de l’Esprit à mettre au service de tous pour le bien commun (1 Cor 1,3-9). C’est cette fidélité de Dieu, qui dispense ses dons, qui devient le fondement sûr de toute vie chrétienne individuelle et collective.
Si l’Evangile invite à l’éveil permanent et universel, surtout parce que le moment précis n’est pas connu, la première lecture, tirée du livre d’Isaïe (troisième partie), exprime le grand désir de voir la venue de notre Seigneur et Sauveur. Le bonheur de l’homme, comme on le dirait dans l’expérience mystique, c’est la vision béatifique de Dieu.
Abbé Ildevert Mathurin MOUANGA
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