Dans son incarnation, Dieu nous rejoint dans nos appartenances (14ème dimanche ordinaire – Année B) Textes : Ez 2, 2-5 ; Ps 122, 1-4 ; 2 Co 12, 7-10 ; Mc 6,1-6 Le texte d’Evangile que nous offre la liturgie de ce 14ème dimanche de l’année B, fait suite à celui du dimanche dernier (Mc 5,21-43). Là on nous a reporté deux situations de salut réalisé par la présence du Christ : la guérison de la femme hémorroïsse et le retour à la vie de la fille de Jaïre, le chef de la synagogue. C’est de ces événements que Jésus se rend dans sa patrie. Il sort de là pour se rendre dans sa propre patrie. Il quitte les « autres », pour aller chez les « siens », comme pour paraphraser Saint Jean dans le prologue (Jn 1,11). Bien sûr, les siens dont parle Jean dans son évangile ne sont pas seulement ceux de son village, comme il en est ici. Il faudrait peut-être étendre ces siens de Jean à la nation juive en général mais pas restrictivement à son village. De leur côté, Matthieu et Luc qui semblent avoir le même épisode, parlent explicitement de sa patrie (Mt 13,54) et de Nazara qui serait une autre appellation de Nazareth (Lc 4,16). Tout au moins, le point commun à tous est qu’il s’agit d’une expression d’appartenance. Jésus, vrai homme, appartient à un peuple, à une nation, à un village, etc. Dans son incarnation, Dieu nous rejoint dans nos appartenances et entre en relation avec elles. Jésus sort d’un lieu (Mc 6,1), une maison où il vient de revitaliser la fille de Jaïre, et marche vers sa patrie. Il est la vie par excellence. Il donne la vie en abondance. L’itinérance, par ailleurs, caractérise la mission de Jésus. De cet aspect, on pourrait déjà relever une chose. L’évangélisation exige que l’on se déplace, que l’on aille à la rencontre des réalités qui composent notre société. En se mettant « en marche vers », on peut rencontrer. Ce qui serait une action humaine normale (c’est-à-dire, le fait de marcher) devient aussi service de l’Evangile. Dans cette marche, il n’est pas seul. Il est accompagné de ses disciples. Ceux-ci participent, en quelque sorte, à la mission du maître. Plus tard, ils pourront être envoyés eux aussi pour annoncer le royaume de Dieu à tout le monde. Cette marche de Jésus aboutit au cœur même de l’expression de la foi juive : la synagogue. On peut dire qu’il s’agit d’une véritable rencontre du Christ avec ses propres racines, racines communautaires, racines religieuses, etc. La synagogue est le lieu où les Juifs pieux se rassemblent pour écouter la Parole de Dieu. Après le temple, la synagogue est devenue l’expression de l’identité religieuse juive. Un autre élément qui exprime cette foi, c’est le jour : le sabbat. Ce jour fait d’Israël le peuple qui appartient au Seigneur et qui lui offre un jour sur sept. Ce jour devient jour de repos et d’adoration. En se rendant à la synagogue, Jésus vit sa foi juive jusqu’au bout. Il est même en mesure de prendre la parole au milieu de l’assemblée synagogale comme un vrai rabbi. Il est un Juif authentique. Au cœur de la foi juive symbolisée par la synagogue, il annonce et actualise le royaume de Dieu. Sa présence incarne le royaume. Là où il est, est aussi le royaume de Dieu. La réaction du peuple de Nazareth est ambigüe. D’abord, il est plein d’admiration devant l’enseignement du maître (Mc 6,2b). Puis il tombe dans le scandale à son sujet (Mc 6,3). Cette attitude envers Jésus est rapportée aussi par Luc qui a placé cet épisode au début de la vie publique de Jésus (Lc 4,16-28). La foule passe de l’admiration à l’animosité. On a l’impression d’une superposition de deux traditions, de deux textes. Mais Jésus ne se laisse pas conditionner par les attitudes de ses auditeurs. Il s’étonne du manque de leur foi et poursuit sa route en enseignant dans les villages alentours. Après il se concentrera sur la formation de ses disciples qu’il devra envoyer en mission. Le rejet dont Jésus est objet est une attitude de tous les temps. Encore aujourd’hui, le Christ est rejeté par les siens. Son humanité continue d’être un obstacle aujourd’hui. Il est un homme dont même les parents sont connus, et donc ne peut rien avoir de divin. Et pourtant Dieu continue à proposer son incarnation comme unique manière d’être avec les hommes et gage de salut pour eux. C’est en s’abaissant jusqu’à la condition humaine, de Dieu qu’il était, que le Fils de Dieu a réalisé le salut de l’humanité (Ph 2). C’est dans le mystère de l’incarnation que se réalise aujourd’hui le dialogue entre Dieu et l’homme. C’est à travers le mystère de l’incarnation que se réalise le dialogue de Dieu avec notre humanité et tout ce qui la constitue. Nos convictions religieuses elles-mêmes doivent passer par le prisme de l’incarnation du Christ. Les gnoses de toutes les époques butent devant la réalité de l’incarnation. La foi chrétienne en fait un point d’ancrage et continue de professer que le verbe s’est fait chair et a habité parmi nous (Jn 1,14 ; cf. 1Jn 1,1). En dernière instance, une considération peut être aussi faite. Le Christ ne contraint personne à croire en Lui. Tout ce qu’il fait, c’est s’étonner du manque ou du peu de foi des siens. Et il se dirige vers d’autres localités pour y proclamer la Bonne Nouvelle du royaume de Dieu. Notre refus à l’enseignement du Christ n’empêche pas la prédication de l’Evangile ailleurs, et par conséquent, l’avancée du Royaume. C’est là où nous sommes mis en demeure de croire en l’enseignement de ce Dieu homme qui ne veut que notre salut. Abbé Ildevert Mathurin MOUANGA
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