La foi de l’Eglise s’enracine dans la foi des Apôtres (21ème dimanche ordinaire - Année B) Textes : Jos 24, 1-2a.15-17.18b ; Ps 33 (34) ; Ep 5, 21-23 ; Jn 6, 60-69 Le discours de Capharnaüm atteint son point de résolution. D’un côté, de nombreux disciples, c’est-à-dire ceux qui suivent l’enseignement de Jésus, s’en vont parce qu’ils trouvent cet enseignement trop ardu (Jn 6, 60). De l’autre, les douze restent, puisque Pierre, au nom de tous, a fait la profession publique de foi (Jn 6, 68-69). Le discours sur le pain de vie, ponctué de quelques réprobations, (Jn 6, 41.52), s’est poursuivi en portant toujours à la superficie des réalités profondes qui en appellent à la foi des auditeurs. Cependant, au lieu de ne susciter que de l’adhésion, il pousse également certains auditeurs, scandalisés, à rebrousser chemin. Le refus de l’enseignement du Christ culminera avec le refus de sa personne comme Messie, Fils de Dieu, et qui s’exprime par la crucifixion. Ainsi le refus de continuer de suivre le Christ, qui se manifeste dans cet épisode, n’est que le prélude au refus ultime qui se traduit par la mort sur la croix. La démarche adoptée par l’évangéliste interpelle tout auditeur et tout lecteur. A l’instar des disciples de Capharnaüm, le disciple d’aujourd’hui doit se déterminer pour ou contre Jésus. Il doit choisir soit le courage de la foi, soit la lâcheté de la désertion. Telle est la toile de fond qui a émergé tout au long de l’écoute de cet enseignement. Le texte de Jean semble ne pas être uni, si l’on s’en tient aux protagonistes qu’il met sur la scène. En 6, 26.30, on suppose qu’il s’agit de la foule (Cf. 6, 22) ; en 6, 41 et 52, il s’agit des Juifs ; ici au contraire (6, 60), il est question des disciples, ceux qui normalement suivent le Seigneur. Mais dans le fond, on sent bien l’unité qui est sous-tendu par la thématique du pain. Jean essaie d’exploiter au maximum l’art dramatique et fait intervenir dans son récit le plus de protagonistes possible, aidé à ce propos par la technique du quiproquo qu’il utilise si souvent. La dernière partie de ce récit (6, 60-69) est donc celle où les disciples entrent sur scène. Ce qui les caractérise, c’est la récrimination contre la dureté des propos du maître. Jésus, dans ce chapitre, reçoit aussi le titre de rabbi, maître (6, 25). Ceux qui doivent marcher après le Christ, parfois au prix de la croix à porter (Mt 10, 38 ; Lc 14, 27), se retirent et refusent de marcher après lui (Jn 6, 60). Ce que disait Luc reste vrai : il fallait un renoncement total à soi pour suivre le Christ (Lc 9, 23b). Il se produit ainsi une réaction opposée à celle du début du chapitre, quand, après avoir mangé le pain et en être rassasiée, la foule se mit à chercher Jésus partout (Jn 6, 22-25). Le Christ avait bien raison de signifier qu’ils le cherchaient tout simplement parce qu’il leur avait donné à manger (Jn 6, 26), et non pas par conviction profonde de foi. Le bord du lac de Galilée qui était le lieu de la sequela de Pierre et ses compagnons, comme premiers disciples (Mt 4, 19 ; Mc 1, 17), devient plutôt le lieu de la défection de plusieurs disciples. A ce niveau, on peut donc se rendre compte que le disciple n’est jamais à l’abri de la tentation de faire marche arrière. Pour le dire dans un langage familier, on doit toujours activer et réactiver sa foi. Il faut toujours purifier ses propres raisons de suivre Jésus. Ce n’est jamais un acquis définitif. Le scandale que produisent les paroles du Christ auprès des disciples, l’émerveille. Dans la conception de Jean, il y a plus que le fait de croire en celui que le Père a envoyé, qui est le pain de vie, et qui donne sa chair à manger et son sang à boire pour la vie du monde et pour la vie éternelle : c’est de voir le Fils de l’homme monter là où il était auparavant (Jn 6, 62). Et pourtant il s’agit d’une même réalité de la foi au Fils de Dieu. L’exaltation dans la gloire n’advient pas sans la passion, mort (le sacrifice sanglant du corps et du sang auquel on a fait implicitement allusion précédemment) et résurrection (glorification) du Christ. Il s’agit d’un seul mouvement de l’œuvre rédemptrice réalisée par le Christ. Jean, en fait, ne parlera pas de l’Ascension de Jésus, comme le font les Synoptiques, mais ici il doit y faire allusion. En parlant de l’ascension au ciel, l’Evangile semble se rattacher, par ailleurs, à une certaine tradition biblique selon laquelle des hommes de foi ont été élevés au ciel : Enoch et Elie (Gn 5, 24 et 2R 2, 1-12). Jésus vient d’accomplir et de parfaire ainsi toutes les Ecritures. Il est non seulement élevé au ciel, mais exalté dans la gloire. Or, pour Jean, l’exaltation du Christ dans la gloire commence déjà à la crucifixion, à l’heure où, tout étant accompli, il rend l’esprit (Jn 19, 30). Au demeurant, malgré l’indignation que suscitent ses paroles et la désertion qui s’en suit, Jésus ne cède pas. Il ne se perd pas dans des justifications ou des explications supplémentaires. Bien au contraire ! Aux douze qui restent, il demande si eux aussi veulent s’en aller. La vérité du salut doit aussi être présentée dans toute sa simplicité, malgré la dureté. On ne peut pas « trafiquer » avec le salut, avec la foi, quitte à devenir impopulaire. En outre, l’unique moyen pour être sauvé, c’est d’entrer en communion profonde, intime avec le Christ, cette communion qui est réalisée par le sacrifice de sa chair et de son sang qu’il faut manger et boire. Avec la profession de foi de Pierre à Capharnaüm (6, 68), Jean rejoint la tradition synoptique qui rapporte une profession de foi de Pierre au nom des douze à Césarée de Philippes (Mt 16, 16 ; Mc 8,29 ; Lc 9, 20). Chacun des évangiles a sa version de la profession de foi de Pierre. Matthieu et Jean possèdent le texte le plus élaboré (« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », pour Matthieu). Jean, de son côté, semble plutôt suivre le début du ministère public de Marc : « Tu es le saint de Dieu » (Cf. Mc 1, 24). Cette profession, émise alors par un esprit impur, est comme approuvée par le prince des apôtres. Les évangiles reconnaissent à Pierre la primauté de la profession de foi en Jésus Christ Fils de Dieu. C’est à cette même profession de foi que tout disciple du Christ veut communier, malgré les écueils. C’est à cette tradition de foi fondée sur la foi des apôtres que l’Eglise veut puiser comme à sa source. A l’orée de la 2ème Assemblée Spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique, qui aura lieu en octobre prochain, à Rome, l’Eglise-famille de Dieu de ce continent doit se ressourcer davantage à la foi en Jésus Christ dont le fondement est la foi des apôtres, pour un service du Peuple de Dieu toujours plus dynamique et générateur de vie. Abbé Ildevert Mathurin MOUANGA
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