Nous avons vu son étoile et nous sommes venus l’adorer (Epiphanie du Seigneur) Textes : Is 60, 1-6 ; Ps 71, 1-13 ; Ep 3, 2-6 ; Mt 2, 1-12 Le premier texte de la liturgie de ce jour est tiré de la dernière partie d’Isaïe (56-66). Et cette partie se présente comme le sommet de son message du salut. Au centre, se trouve Jérusalem, capitale de la Judée, mais aussi pôle rayonnant qui attire les peuples du monde entier. Exprimant sa joie, le prophète invite à la joie par l’accumulation des termes comme « lumière » (vv1,3), « gloire »( vv1,2), « se lever, resplendir »(v1,2), « regarder, voir »(4,5), « venir, marcher, se rassembler, apporter »(vv1, 3, 4). La joie de Jérusalem n’est pas seulement celle du peuple élu, mais de tous les peuples de la terre qui viennent à elle, apportant l’opulence des nations. Dans ces lignes, nous entrevoyons l’annonce du Messie qui est Jésus, lumière du monde, qui viendra pour rassembler toutes les nations en un seul peuple. Ce qui était dit de Jérusalem est comme orienté sur le roi caractérisé par la justice, l’attention pour les justes et surtout pour les laissés-pour-compte. Il exercera son pouvoir en faveur des humbles (vv2,12) et du pauvre (vv12,13,13). Tout cela se réalisera parce qu’il aura un véritable pouvoir et jouira des richesses des nations (vv8,10,11). Tout en faisant penser à David, ces lignes dépassent largement son œuvre et oriente plutôt vers le véritable Messie qui sauvera la vie du faible et du pauvre (v13). Dans la deuxième lecture, Paul montre aux Ephésiens que Dieu lui accordé une grâce, pour eux, les païens. Dieu l’a fait connaître maintenant, par l’Esprit, à ses saints apôtres et prophètes qui, comme nous aujourd’hui, sont membres du même corps qu’est l’Eglise. Nous sommes admis au même héritage et associés aux mêmes promesses. Et cela, Dieu l’a réalisé en Jésus Christ, par le moyen de l’Evangile. L’apôtre présente ici une synthèse des deux textes précédents, en révélant leur réalisation en la personne de Jésus, révélation qui doit se poursuivre dans l’Eglise par le biais de l’Evangile. Abordons notre texte par le biais des différents protagonistes, et dans l’ordre : Jésus, Bethléem, la Judée, Jérusalem, l’Orient, les mages, l’étoile, le roi Hérode, les chefs des prêtres, les scribes et Marie, la mère de Jésus. Surtout ne nous égarons pas dans notre interprétation. Le personnage le plus important, c’est bien Jésus, le roi des Juifs, le Messie, le chef, le berger d’Israël, l’enfant. Un ensemble de titres parfois contradictoires, mais qui montrent bien la mission et la grandeur de celui qu’ils indiquent : « Jésus », le « roi des Juifs », celui qui sauvera son peuple de ses péchés(Mt 1, 21). Ces deux titres, en nous référant à Jn 1, 29 et à l’inscription de la croix (Jn 19, 21), nous projettent déjà à la passion et à la mort salvatrice de Jésus. La mention de Marie, mère de Jésus, renforce cette allusion à la croix (Jn 19, 25-27). Jésus est « roi », Hérode aussi est « roi », mais il ne s’agira pas de la même réalité comme le pense Hérode, qui déjà tremble pour son trône. Bethléem, la Judée et Jérusalem sont des noms bien connus dans la bible, mais avec des résonnances bien différentes. Jérusalem, c’est la capitale, le centre religieux du peuple élu, signe de son unité. Le premier texte en a montré la grandeur. Bethléem, par contre, est une petite bourgade de la Judée, sans grand renom, mais qui pourtant a été mentionné par le prophète comme le lieu d’où devrait surgir le Messie (cf. Mi 5, 1). C’est le lieu d’origine du roi David. Ces deux villes incarnent les promesses faites au peuple élu. Le roi Hérode, soumis à l’empereur romain, est le chef terrestre des Juifs. Il symbolise le monde opposé au Messie à cause de ses intérêts politiques, avec leur mélange de jalousies, de soupçons, de mensonges et de cruauté. Les mages et l’Orient symbolisent les peuples étrangers, les peuples païens, les non Juifs. Ils étaient considérés comme des sages, des savants, des personnages importants. Le fait de se prosterner devant l’enfant de Bethléem est une reconnaissance de sa royauté, non seulement sur les Juifs, mais aussi sur eux. Par leurs présents, ils réalisent la prophétie d’Isaïe (Is 60, 6). Alors qu’Isaïe ne parle que de deux présents, Matthieu ajoute la myrrhe, annonce de la passion de Jésus, cause de l’unification de tous les fils de Dieu dispersés (Jn 11, 49-52). L’étoile nous renvoie à la création et au thème de la lumière. Aau service du plan divin, l’étoile est ici désacralisée, dans un monde qui avait parfois tendance à diviniser les astres. Dans la tradition juive, elle a parfois été comparée à un ange qui a guidé les mages. En poussant plus loin la réflexion, l’étoile a été vue comme le symbole de Jésus lui-même, qui est la vraie lumière (cf. Jn 1, 4, 5, 9 ; 8, 12). Les chefs des prêtres et les scribes sont les représentants officiels de la religion juive et de la tradition. Ils ont la possibilité d’orienter les mages de façon juste, mais ils restent malheureusement en dehors du message. Alors que les mages, sur leurs indications, se mettent en marche et trouvent l’enfant et sa mère, les chefs des prêtres et les scribes restent tranquillement à Jérusalem. Les textes de ce grand jour de l’Epiphanie trouvent une grande résonnance dans nos cœurs, dans notre monde, dans le continent africain et dans notre pays, le Congo. Nous avons vécu l’année paulinienne, nous sommes maintenant dans l’année sacerdotale, dans l’actualité de « Deus Caritas est » et le sillage du deuxième synode africain. Le premier synode africain avait parlé de l’Afrique comme de cet homme tombé entre les mains des bandits. Le deuxième synode africain, dans la même trajectoire, interpelle tout le continent : « Afrique, lève-toi, prends ton grabat et marche ». La lumière de l’Evangile est sous nos yeux et entre nos mains. C’est Jésus qui s’incarne dans nos cœurs, dans notre pays, dans nos régions. Nous sommes invités, nous aussi, à sortir de nos ténèbres, à marcher à la suite de Jésus, le Rassembleur, notre étoile, notre Sauveur et notre guide. Chacun et chacune d’entre nous, mais spécialement les prêtres, en cette année sacerdotale, avec les rois mages, soyons des hommes de prière. Rappelons-nous que le Jésus de la crèche est le même qui a donné sa vie pour nous sur la croix, le même qui est présent dans les tabernacles de toutes nos paroisses. Prenons l’habitude de la visite au Saint Sacrement, tous les jours. Ainsi, nous aurons la force de témoigner de l’amour de Jésus qui s’est fait homme, humble et pauvre pour nous. Ainsi, nous pourrons attirer le plus de monde possible à adorer et servir Jésus, comme nous, dans l’Eglise qui, selon Vatican II, est la lumière des nations. Les mages représentent tous les peuples non-Juifs, et donc aussi le peuple congolais. Par la grâce venue par Jésus Christ, nous faisons désormais partie du peuple de Dieu. Jésus se présente à nous comme le Sauveur de tous les hommes, de tous les peuples. Il vient pour nous rassembler dans son Eglise. Nous sommes invités à dépasser, par un dialogue sincère, tout ce qui nous divise, pour que nous soyons capables de porter, ensemble, la Bonne Nouvelle du salut. C’est un défi dont nous devons être conscients et que nous devons relever en 2010.
Mgr Bernard NSAYI Evêque émérite de Nkayi
|