Rôle et importance du prêtre dans le défi pastoral en contexte africain aujourd’hui 1. Le prêtre, qui est-il ? Le sacrement de l’ordre évoque spontanément l’image du prêtre ordonné par l’Evêque, au service de l’Eglise, pour célébrer les sacrements. De son côté, le sacrement de l’Ordre donne au prêtre, non seulement le pouvoir de célébrer l’Eucharistie ou d’administrer les autres sacrements, mais englobe également des réalités plus complexes. Le prêtre est au service du Corps du Christ, et ce Corps, selon l’expression de Saint Paul, n’est pas seulement le corps eucharistique, le pain consacré, mais aussi le Corps ecclésial, la communauté des croyants. 2. Les exigences de l’être fondamental du prêtre « La vie et le ministère du prêtre sont une continuation de la vie et de l’action du Christ ». C’est dire que, ce qui constitue l’identité véritable du prêtre, c’est sa configuration au Christ, à travers sa vie et son ministère. Une triple exigence christologique, ecclésiale et anthropologique, qui doit caractériser l’identité du prêtre. 2.1. L’exigence christologique Dans la multiplicité des activités du prêtre, il y a unicité dans l’accomplissement de ses tâches. Le prêtre doit imiter et suivre le Christ. Il est demandé à celui qui veut suivre le Christ de prendre sa croix, pour marcher à sa suite (Mt 16,2 4-25). Toute vie chrétienne doit se réaliser dans cette démarche élémentaire et fondamentale. Dans cette même démarche, le Christ invite à aller plus loi, en se dessaisissant de sa vie. Et il s’agit ici, non seulement de vendre tout ce que l’on a pour être disponible à suivre le Christ, mais aussi et surtout de chercher, par toute sa vie, à se configurer à lui : être un autre Christ qui consacre et donne totalement sa vie pour le service de Dieu et des frères, en ayant en vue le Christ lui-même comme modèle d’identification. Comme le Christ, le prêtre doit être, par sa vie et son ministère, l’épiphanie du mystère de la Sainte Trinité. Et, de fait, « la grâce et le caractère conférés par l’onction sacramentelle du Saint Esprit mettent le prêtre en relation personnelle avec la Trinité, puisqu’elle est la source de l’être et de l’agir sacerdotal ». De la même manière qu’il y a, à la transubstantiation, transformation des espèces pain et vin en corps et sang du Christ, de même le prêtre est transformé ontologiquement par l’onction sacerdotale. Le prêtre participe au sacerdoce unique du Christ. Nous sommes envoyés (Jn 17, 18 ; 20, 21). Le sacerdoce auquel nous sommes ordonnés l’est par délégation. Nous sommes des sacrements. Nous sommes prêtres pour manifester quelqu’un d’autre, c’est-à-dire le Christ. Le fait de participer au sacerdoce du Christ crée une relation d’amitié entre le Christ et nous. Le prêtre est appelé, dans cette participation, à vivre une relation d’intimité et de confiance. Notre vie n’a de fécondité que dans la mesure où nous nous référons au Christ (Jn 15, 1-8). Tout est dépendance en lui, une dépendance radicale. La relation sacerdotale avec le Christ doit être nourrie par une vie de prière profonde. Sans la prière, on ne peut pas être prêtre. La prière nous permet : · de rectifier notre agir, notre comportement, nos relations avec les autres ; · d’organiser nos programmes pastoraux et de les hiérarchiser par priorité et urgences sur le terrain. 2.2. L’exigence ecclésiale Le sacrement de l’ordre rend le prêtre participant, non seulement au mystère du Christ prêtre, mais aussi serviteur ou, mieux encore, ami, voire, d’une certaine manière, époux de son Eglise. « Les prêtres qui, dans chacune des communautés locales de fidèles, rendent pour ainsi dire présent l’Evêque, auquel ils sont unis dans la confiance et la magnanimité (LG 28), devront être fidèles à l’époux et, comme des icônes vivantes du Christ Epoux, ils devront rendre opérant le don multiforme du Christ à son Eglise ». Ils doivent éduquer les fidèles au sens et à la vie de l’Eglise, en ayant eux-mêmes le sens et en en vivant pleinement. Etant appelé par un acte d’amour surnaturel, tout prêtre doit aimer l’Eglise à la manière du Christ, lui consacrant toutes ses énergies et se donnant dans la charité pastorale qui implique le don quotidien de sa propre personne. Le prêtre doit avoir un cœur et une mentalité missionnaires d’ampleur universelle. Le prêtre doit vivre la dimension missionnaire de son sacerdoce, et la vivre profondément dans un esprit de communion. 2.3. L’exigence anthropologique S’il est superflu de dire que le prêtre ne doit pas oublier qu’il est un homme, il est important, par contre, que tout prêtre ait le sens de l’homme, c’est-à-dire qu’il soit plein d’humanité. Si l’on affirme que « l’Eglise est experte en humanité », il va sans dire que, non seulement cette affirmation ne doit pas rester lettres mortes, mais surtout que l’Eglise devra effectivement faire preuve d’humanité dans son agir pastoral et dans son dialogue avec tout homme. De plus, si l’Eglise, dans sa pastorale, se donne le devoir d’avoir un choix préférentiel pour les pauvres, il est bien évident que le prêtre doit avoir une vie et un esprit qui s’harmonisent bien avec cette option de l’Eglise. La dimension anthropologique du ministère et de la vie du prêtre est d’autant plus importante que notre monde contemporain souffre de carence notoire quant au sens de l’homme. Plus que jamais, le Christ a besoin, dans son Eglise, d’hommes et de femmes qui se dessaisissent de leur vie pour se mettre à sa suite. Le sacerdoce ministériel constitue, dans cet appel du Christ, un don total de sa vie pour qu’elle soit configurée à lui. L’Evangélisation et l’inculturation ont besoin de prêtres qui s’engagent à vivre leur sacerdoce comme un chemin de transfiguration et de sainteté. « Ce sont les hommes de Dieu qui accomplissent les œuvres de Dieu (…) comme le Christ, le prêtre doit se présenter au monde comme un modèle de vie surnaturelle : "c’est un exemple que je vous ai donné, ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi" (Jn 13,15) ». Le Directoire souhaite, à la fin de sa présentation, que tout prêtre se confie à Marie, mère de la confiance. Dans sa vie, Marie fut, en effet, un modèle de cet amour maternel dont doivent être aimés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l’Eglise, coopèrent à la régénération des hommes. 3. Le contexte africain aujourd’hui et le défi pastoral 3.1. Le contexte Le contexte africain d’aujourd’hui n’est plus à démontrer, du fait de la crise qui le caractérise : une société en crise économique, culturelle, morale et sociopolitique. Aujourd’hui, on parle de la crise religieuse ou spirituelle, à cause du foisonnement des sectes. C’est un champ miné par la résurgence des croyances traditionnelles et qui posent problème à l’évangélisation. C’est dans ce champ apostolique que le prêtre est appelé à œuvrer. 3.1.2. Le défi pastoral 3.1.2.1. Ce que l’on attend du prêtre Le prêtre, c’est l’homme de Dieu. Pour certains, le prêtre doit être un bon conseiller, un éducateur. On attend qu’un prêtre soit un ami fidèle et prudent, le guide sûr à qui se confier. Pour répondre à cette attente, le prêtre doit puiser dans le trésor d’une vie spirituelle intense, nourrie et dynamique, par laquelle il se révélera comme l’homme des cinq P. · l’homme de la Parole · l’homme du Pain · l’homme du Pardon · l’homme de la Prière · l’homme de la Paix. a)- Le prêtre, l’homme de la Parole Le prêtre est appelé à être, d’abord et avant tout, un homme de parole, c’est-à-dire qui ne reprend pas sa parole donnée (Cf. Mt 5, 37 : « Que votre oui soit oui »). Etre homme de la Parole relève de la maturité, de la loyauté et de l’honnêteté. Homme de confiance, le prêtre doit savoir où il va, pourquoi il s’engage dans telle ou telle autre direction. Il doit savoir orienter sa liberté et son agir. Il a reçu, comme première mission, l’annonce de la Bonne Nouvelle du salut, c’est-à-dire, l’enseignement de la Parole de Dieu (Cf. Lc 4, 18-19). Le prêtre doit donc être le premier catéchiste de sa paroisse, pour enseigner la doctrine de la foi, proclamer la pensée de Dieu, la vérité qui libère l’homme et qui sauve (2 Co 4, 5). Il nous faut passer de la Parole écoutée, savourée, méditée et priée (lectio divina), à la parole annoncée avec enthousiasme et conviction dans le feu du Saint Esprit. Pour que le ministère de la Parole soit fructueux, le prêtre donnera priorité au témoignage de vie. Comment, toutefois, parviendra-t-il à rejoindre les attentes des hommes ? Le prêtre veillera à puiser dans les Evangiles des raisons de vivre, d’espérer et de retrouver confiance, le goût de croire, l’audace de demander (Mt 7, 7), d’attendre, de se lancer, de risquer à cause de Dieu, car la Parole est d’abord réconfort ; elle est aussi parole de guérison, de pardon, de bénédiction et de résurrection. La parole, dont le prêtre est porteur et annonciateur, est essentiellement parole d’espérance. Il s’agit pour le prêtre d’annoncer une parole qui attire, étonne, guérit, purifie, pardonne, éclaire et libère ; parole qui donne qui aux exclus leur dignité ; parole qui étanche la soif d’amour, de vérité. Une parole qui vivifie, qui reconstruit et apaise ; une parole qui donne courage, une parole qui permet de retrouver confiance : une parole branchée sur le Dieu qui sauve en recréant à neuf. b)- Le prêtre, l’homme du Pain L’Eucharistie est le cœur et le centre vital du ministère du prêtre. Elle est le mémorial sacramentel de la mort et de la résurrection du Christ. Elle est la source et le sommet de la vie chrétienne et de toute l’évangélisation. Elle est principe, moyen et fin du ministère sacerdotal. Il y a une connexion intime entre la centralité de l’Eucharistie, la charité pastorale et l’unité de vie du prêtre. Par l’Eucharistie, Jésus s’est fait pain de vie. Il invite ainsi le prêtre à se faire, lui aussi, pain pour ses frères et sœurs, spécialement pour les pauvres. L’Eucharistie, source où tout prêtre puise sa force et son énergie apostoliques, doit être bien préparée. Ce n’est que de cette manière qu’elle pourra être célébrée dignement. Le prêtre s’appliquera à la vivre comme moment central de sa journée et de son ministère quotidien. De tout cela peut surgir une question, celle de la qualité de nos célébrations eucharistiques. L’Eucharistie doit être à la fois un haut lieu de l’éducation à la foi et une nourriture spirituelle, et non pas un lieu de la morale et de l’exposition de la vie privée du prêtre. Ce pain du Christ, rompu et partagé, fait de chacun de nous et, tout particulièrement du prêtre, pain de vie pour les autres : · pain de la tendresse · pain de la persévérance · pain de la joie · pain du sourire · pain de l’écoute et de l’accueil · pain du discernement · pain de l’humour · pain de la patience · pain du pardon · pain du combat. « L’Eucharistie est la récapitulation de tout le point, à partir duquel, toutes les lignes divergent et vers lequel elles convergent. C’est l’unité de Dieu et de l’homme dans le Christ ; du passé, du présent et de l’avenir de la nature et de l’histoire, de l’accueil et du don de la mort et de la vie ». c)- Le prêtre, l’homme du Pardon Le prêtre de la Nouvelle Alliance est appelé à devenir le disciple par excellence de Jésus, qui est la révélation plénière de la miséricorde de Dieu. En Jésus, Dieu le Père nous accueille, nous invite au pardon, nous réhabilite et nous restaure dans son amour. Le prêtre est envoyé comme témoin de l’amour miséricordieux de Dieu. De par sa vocation, chaque prêtre est signe tangible de cette gratuité et de cette miséricorde bouleversante de l’amour de Dieu. Nous devons revoir et prendre conscience de notre mission et notre place, comme prêtre, dans le sacrement de réconciliation. Nous pouvons toujours nous poser certaines questions simples, relatives à notre ministère : comment recevons-nous les pénitents ? En avons-nous encore le temps ? Qui confessons-nous ? Sommes-nous discrets dans l’exercice de ce sacrement, comme on nous le recommande ? Avons-nous encore le temps de nous confesser ? Nos communautés presbytérales sont-elles des communautés de pardon ? etc. d)- Le prêtre, l’homme de la prière Le prêtre qui prie suscitera, naturellement, la prière de ses fidèles. Le prêtre qui n’échoue pas à sa mission de prière, devient sauveur de ceux qui lui sont confiés par le Bon Pasteur. S’il n’en est pas ainsi, on devient un danger pour ceux que le Christ a confiés à ses soins. A bien voir, n’existe-t-il pas, encore aujourd’hui, des prêtres mercenaires (Cf. Jn 10) ? e)- Le prêtre, l’homme de la paix Du prêtre homme du pardon et de la miséricorde, on attendra toujours qu’il soit un homme de paix, c’est-à-dire un pacifique et un artisan de paix. Pour que le prêtre soit pacifique et porteur de paix, il faut d’abord que s’unissent et s’harmonisent en lui vérité et amour. Quand il n’y a pas de vérité, il n’y a pas non plus d’amour, et vice-versa. Nos communautés sacerdotales brûlent souvent à cause du manque de vérité. La conséquence, c’est la division. Deux prêtres qui n’arrivent pas à s’entendre finissent par scandaliser la communauté, et souvent cela fait impact sur l’évangélisation. Le prêtre doit donc jouir d’un équilibre psychoaffectif, pour être un homme de paix, envers soi-même et envers les autres. La paix doit résider en soi-même, avant qu’elle soit partagée avec les autres. En conclusion, notre réflexion a consisté à réfléchir sur la vie et le ministère du prêtre dans notre contexte congolais, en partant de ce qu’il est en réalité, c’est-à-dire serviteur du Corps du Christ, configuré à Lui. Il a fallu ensuite dégager une triple exigence qu’implique l’être-prêtre : exigence christologique, exigence ecclésiale, exigence anthropologique. C’est au bout de cela qu’est venue la considération du contexte dans lequel le prêtre vit son ministère sous ces exigences. Parole, pain, pardon, prière et paix ont été enfin examinées comme des mailles qui constituent la vie et le ministère du prêtre, les embellissent et leur donnent tout le sens. Au terme de la réflexion, il faut saluer avec un cœur plein de gratitude l’initiative du Saint Père,Le Pape Benoît XVI, d’avoir décrété cette Année du prêtre, à la suite de Saint Jean Marie Vianney. Puisse le saint curé d’Ars intercéder pour tous les prêtres ! Qu’il les accompagne dans leur vie et dans leur ministère ! Abbé Gérard NGOMEKA Curé de la Paroisse St François Xavier de Boundji, Professeur visiteur au Grand Séminaire de Théologie Cardinal Emile Biayenda de Brazzaville
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