Un amour gratuit qui pardonne et relève (11ème Dimanche du temps ordinaire - Année C) Textes : 2 Sm 12, 7-10. 13 ; Ps 31 (32) ; Gal 2, 16. 19-21 ; Lc 7, 36-8, 3. Grâce aux lectures de ce onzième dimanche ordinaire, l’occasion nous est offerte de contempler Jésus qui nous révèle l’infinie miséricorde de Dieu envers tout être humain, quelle que soit sa condition spirituelle. En ce jour qui Lui est consacré, nous faisons la démarche d’aller vers notre Seigneur et notre Dieu, en prenant conscience que c’est Lui qui a toujours l’initiative de cette rencontre, au cours de laquelle il nous redit son amour, en nous délivrant de nos péchés et en nous nourrissant de la Parole et du Pain de Vie. Dans le premier Testament, Dieu se révèle déjà à Israël comme le Dieu de tendresse qui ne cherche pas la mort du pécheur mais qui, patiemment, attend sa conversion, tout en lui donnant la force de se relever. Le roi David, meurtrier et adultère, fit l’expérience de cette tendresse du Seigneur qui lui offrit un nouveau départ alors que lui-même, ayant pris conscience de son péché, ne se sentait plus digne de vivre et de se tenir devant Dieu. Dieu n’approuve pas les actes que le roi a commis, mais il lui pardonne, c’est-à-dire qu’il refuse de réduire la vie de David uniquement à ces actes ; il croit, lui Dieu, que cet homme est capable du bien pour les autres et pour lui-même : « J’ai pardonné ton péché, tu ne mourras pas ». Cette parole, portée à David par le prophète Natan, signifie non seulement que David est toujours aimé de Dieu qui lui fait confiance, mais aussi que David est appelé désormais à défendre la vie de ceux que Dieu lui donne à gouverner. Car, chaque fois qu’il pardonne et relève le pécheur que le sentiment de culpabilité étouffait, Dieu l’appelle à changer de vie, à se convertir. Dans le Nouveau Testament, c’est une femme qui nous est présentée aujourd’hui comme bénéficiaire de l’amour gratuit de Dieu ; une femme, pas n’importe laquelle : une prostituée. Selon la Loi juive, Jésus ne doit pas se laisser approcher par ce genre de personnes qui portent le péché et le mal d’une façon tellement intrinsèque qu’elles polluent la vie de ceux qui oseraient s’approcher d’elles. Mais Jésus n’en a cure ; le lépreux, le publicain, la prostituée ne lui font pas peur et ne lui inspirent aucun mépris. Il se laisse toucher et même caresser par cette femme de mauvaise vie, au point que l’hôte de Jésus se met à douter de lui : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse ». Et pourtant Jésus est un prophète, et même plus qu’un prophète puisqu’il ne porte pas seulement la Parole de Dieu, mais il est lui-même la Parole de Dieu : sa vie dit Dieu et le révèle aux hommes. Et Jésus révèle d’une manière choquante à Simon le pharisien et à tous les convives que Dieu ne saurait créer un dépotoir d’êtres humains qui seraient soi-disant de mauvaise vie. Le Dieu qui a parlé à nos ancêtres, en leur inspirant ce proverbe : « Zala dia bantu ka diena koko » (il n’existe pas de dépotoirs d’êtres humains), nous parle aujourd’hui par son Fils pour nous dire qu’il aime chaque homme, chaque femme, chaque enfant d’un amour gratuit et débordant, à tel point qu’il ne voit même plus la boue de nos péchés, plutôt son amour est tellement débordant et fort qu’il nous lave de nos péchés ; c’est ce que Saint Paul exprime en ces termes : « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20 ). En réalité, il n’ya que le pécheur reconnaissant son péché qui peut connaître ce qu’est l’amour de Dieu, car il mesure l’écart, non l’abîme infranchissable, qui le sépare du Dieu trois fois saint ; il découvre, alors qu’il se bat ou qu’il a renoncé à se battre pour essayer de rétrécir cet abîme, que Celui qui est de l’autre côté vient le rejoindre et lui dit de repartir avec lui vers l’autre bord. Alors l’homme qui se reconnaît pécheur est envahi d’une joie débordante qui le fait s’écrier comme dans le psaume 31 (32) : « Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis !..L’amour du Seigneur entourera ceux qui comptent sur lui. Que le Seigneur soit votre joie, hommes justes ! Hommes droits, chantez votre allégresse ! ». David, la prostituée, toi et moi qui ne sommes ni pires ni meilleurs qu’eux, sommes dans la joie, non pas tant parce que notre péché est enlevé, mais surtout parce que nous sommes aimés de Dieu déjà tels que nous sommes. Dieu n’attend pas que nous soyons parfaits pour nous prendre dans ses bras. Celui qui se croirait juste et sans péché ou qui n’aurait pas conscience de son état de pécheur ne saurait comprendre la folie de l’amour de Dieu. Il n’y a vraiment que le pécheur qui reconnaît ses péchés pour s’émerveiller de l’amour incroyable de Dieu qui fait dire à Saint Paul : «... le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les coupables que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile... Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » (Rm 5, 6-8). Dans cet élan d’émerveillement devant l’amour gratuit de Dieu qui nous devance, une phrase dans l’évangile d’aujourd’hui pourrait nous perturber si nous la prenons à la lettre, sans prendre en compte l’ensemble de l’enseignement du Christ : « si ses péchés, ses nombreux péchés sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour ». Non, la femme n’est pas pardonnée parce qu’elle a aimé Jésus plus que les autres ; le pardon de Dieu est cadeau, gratuit ! Par contre, une fois qu’on a reçu ce cadeau merveilleux, on ne peut plus rester indifférent à l’amour de Dieu, on va se mettre à aimer le Seigneur. Du reste, nulle part dans ce texte, il n’est dit que la prostituée vient demander le pardon, elle cherche sans doute un peu de reconnaissance auprès du grand prophète, elle qui n’en reçoit pas de la part de ceux qui la fréquentent et qui ne lui jettent que quelques pièces après avoir abusé d’elle. Jésus lui offre la reconnaissance, en lui permettant de s’asseoir parmi les gens bien ; mais encore plus, il lui ouvre les yeux pour qu’elle découvre qu’elle a toujours sa place dans le cœur de Dieu, dans le cœur de Jésus qui est Dieu puisqu’il pardonne les péchés, et qui est venu non pour les bien portants et les justes mais pour les malades et les pécheurs, ce que nous sommes tous dans nos assemblées dominicales. Mettons-nous, comme la femme, au pied de Jésus, disons-lui notre amour même imparfait, et surtout accueillons le sien qui nous fait marcher plus loin que nos doutes et nous fait dépasser nos limites. Abbé Olivier MASSAMBA-LOUBELO
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