Veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure (1er Dimanche de l’Avent – Année A) Textes : Is 2, 1-5; Ps 122; Rm 13, 11-14; Mt 24, 37-44 Qu’est-ce que l’Avent? Dépoussiérons nos vieux dictionnaires et creusons. L’Avent vient du terme latin Adventus, c’est-à-dire venue. Habituellement, c’est le temps qui précède la fête de la Nativité de Jésus. Ce temps liturgique du cycle temporal a été conçu par l’Église depuis les origines pour aider les chrétiens à mieux vivre le mystère de l’Emmanuel : Dieu-avec-nous. L’Avent, temps de l’attente et de la veille «Veiller donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître » (Mt 24, 42). Veillez...Ce mot est très riche dans le Nouveau Testament. Il suggère l’idée de ne pas dormir (Mt 26, 38.40); d’avoir le sommeil ôté ou, mieux, de «se tenir prêt» (M t25, 13). Les motivations sont nombreuses : pour prier, pour se garder de l’Adversaire, pour attendre le jour du Seigneur. L’Évangile de Mt 24, 37-44 est pathétique là-dessus. Mettant dans la bouche de Jésus le récit de Noé, il en vient au message qui est le coeur même de l’Avent : le Fils de l’Homme va venir, tenez-vous prêts. Si Jésus invite ses disciples à veiller, c’est qu’il en mesure instamment la gravité. Devant la tentation des somnolences du péché, les disciples doivent veiller. Dans d’autres passages, Jésus les invite à veiller et prier (Mt 26, 41; Mc 14, 38; Lc 21, 36). Mais la raison fondamentale de cette veille est la rencontre salvifique avec lui. En un mot, le temps de l’Avent est un temps pour le Seigneur : temps de l’attente de sa venue. Notons, à ce propos, le suspens du récit et la pesanteur lourde de conséquences qui l’habite. Ces deux traits sont introduits par l’expression jour du Seigneur. Celle-ci a une fonction narrative. Il en va de même pour ses variantes : «Comme les jours... »; «En ces jours... » ; «jusqu’au jour...», «... quel jour va venir...»; « à l’heure...», etc. Le jour est le temps pour veiller, la nuit le temps pour dormir. Du reste, remarquons dans le texte la redondance des expressions ci-après : «...on mangeait, on buvait.., on prenait femme... » (Mt 24, 38). Cette redondance suggère une tautologie répétitive, illustrant l’image même du sommeil de l’insouciant. L’insouciant dort le jour et pèche la nuit. Jésus recommande aux disciples d’éviter l’insouciancce pour ne pas manquer le rendez-vous avec lui. Comment peut-on manquer le rendez-vous avec le Seigneur? La réponse est : lorsque le coeur s’alourdit dans la démesure.
L’Avent, temps de la mesure en toutes choses Un premier dimanche de l’Avent, en l’année 1920, un curé de compagne, prêtre d’un certain âge, avait trouvé la ‘‘formule magique’’ pour expliquer ce temps liturgique. Il prit une bouteille de vin; il en versa un filet dans un verre et criait tout heureux : «voilà l’Avent!». Pris au scandale, les ouailles ruminaient un haro sur le bon Père. On ne dirait certainement pas qu’il avait le vin gai. Il était tout juste un connaisseur de bonnes choses. Puisqu’il avait captivé l’attention de simples gens, il ajoutait avec un sourire aimable : «Tu buvais comme un trou, désormais contente-toi d’un filet...»; il continuait : «...Le Seigneur te donne ce temps pour prendre mesure de toutes choses...Bois mais ne te soule pas la gueule...Mange mais ne sois pas goinfre...Parles mais ne fais pas le cancan ....Ne juge pas une peccadille un cas pendable....». A la fin du sermon, les bravos fusèrent de toutes parts. En peu de mots, le Père Jérémie avait résumé tout Paul. L’un des textes de Paul était celui que la liturgie nous propose aujourd’hui : Rm 13, 11-14. Paul exhorte les Romains enclins à toutes démesures : «Comme il sied en plein jour, conduisons-nous avec dignité : point de ripailles ni d’orgies, pas de luxure ni de débauche, pas de querelles ni de jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ et ne vous souciez pas de la chair pour en satisfaire les convoities» (Rm 13, 13-14). Dans l’attente du jour du salut, un changement de comportement est requis. L’Avent actualise ce salut de Dieu qui vient. Mais il ne s’agit pas d’une simple préparation spirituelle. L’exigence de transformation de vie personnelle et communautaire est très clairement exprimée par Paul. Ce dernier use d’ailleurs d’une expressoin symptomatique : s’arracher au sommeil! La rencontre avec le Seigneur implique une volonté de changement. Ce que renforce l’opposition entre les oeuvres du jour et de la nuit, celles de la lumière et des ténèbres. Ce changement n’est possible que lorsque le croyant accepte de se laisser instruire par Dieu. L’Avent, temps de l’instruction de Dieu Cet aspect est bien visible dans la deuxième lecture d’Is 2, 1-5. Ce texte baigne dans une athmosphère pleine d’enthousiasme. Le contexte précédent est celui des lamentations sur Juda et Jérusalem devenues villes d’infidélité et de moeurs légères (Is 1, 21-28). Mais le Seigneur leur accorde une seconde chance. Les nations aussi en bénéficieront. Voilà pourquoi le prophète presse le peuple à prendre un temps spécial pour monter à la montagne de Yahvé, pour se laisser enseigner à nouveau, pour apprendre à ne plus faire la guerre, pour marcher selon la lumière de Dieu. Ce qui est splendide, c’est le fait que le temps consacré à Dieu a des conséquences pratiques sur l’histoire des nations et la vie personnelle des hommes et des femmes. Il s’ouvre sur une nouvelle ère de paix. Quels messages nous livrent les textes commentés? 1. Le temps de l’Avent reste d’abord et avant tout le temps de notre rendez-vous avec le Seigneur qui vient. La mesure que nous aurons de cette période déterminera la fécondité de notre préparation pour Noël. Ce serait bien dommage si notre préparation se résolvait à la dictature du ‘‘on’’: on planifiera pour les jouets des enfants, on achètera une nouvelle voiture, on construira une nouvelle maison, etc. Dans ce cas, Noël ne sera plus que la fête de l’insouciance de Dieu! La mise en garde de Jésus serait bien réelle. 2. Le temps de l’Avent est le temps de la seconde chance qui nous est donnée pour cultiver la vertu : joie, bonté, bienveillance, douceur, accord avec les autres, etc. C’est un temps d’effort consenti à changer de vie, à entrer progressivement dans une vie autre que celle que nous menons d’habitude : la vie de Dieu. En nous efforçant de garder des relations de vie harmonieuse entre semblables, nous réalisons le projet de Dieu sur l’humanité qui est un projet de paix. 3. Le temps de l’Avent nous fait expérimenter des valeurs spirituelles profondes au plan personnel comme au plan collectif. C’est à juste titre que nous le consacrons à Dieu comme un temps de recul, de prière et de méditation. Abbé Luc Augustin SAMBA
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