Ce qui est faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi (4ème Dimanche du temps ordinaire – Année A)
Textes: So 2, 3-3, 12-13; Ps 145, 7-9. 10; 1 Co 1, 26-31; Mt 5, 1-12 Première lecture: Sophonie Même si l'arrière-fond sociopolitique de cette époque est difficile à définir, nous pensons que le peuple d'Israël vivait un moment difficile. Ses ennemis étaient encore puissants. Mais des signes d'espoir pointaient à l'horizon. Dans cette situation, le prophète invite les siens, avec insistance, à mettre leur espoir dans le Seigneur, à « chercher le Seigneur, la justice et l'humilité ». La suite, en direction d'Israël, revient sur le même thème: le Seigneur ne laissera subsister en son milieu qu'un peuple petit et pauvre qui vivra dans la vérité et la sincérité, puisque l'iniquité, le mensonge et la tromperie disparaîtront. Le Seigneur lui-même s'occupera de lui et personne ne pourra plus l'effrayer. Le prophète rallume et maintient ainsi une étincelle d'espoir qui a son fondement en Dieu seul. Une chose reste à faire: faire la volonté du seigneur pour qu'il manifeste sa puissance et sa fidélité. Mais cela se réalisera, surtout dans un futur plus ou moins lointain et, mieux, dans l'eschatologie qui sera inaugurée par Jésus. Psaume145: le Seigneur fait justice aux opprimés Le psalmiste énumère un ensemble de situations réelles dans lesquelles le Seigneur agira nécessairement, lui qui est attentif à tous ceux qui souffrent: les opprimés, les affamés, les enchainés, les aveugles, les accablés, les étrangers, la veuve et l'orphelin. Une telle énumération revient souvent dans la bible. Ces promesses auront leur réalisation parce que le Seigneur, Dieu de son peuple, est un Dieu juste. Mais le psalmiste insiste sur l'invitation implicite à la justice parce que « le Seigneur aime le juste », c'est-à- dire celui qui fait sa volonté. Deuxième lecture: 1 Co 1 Après avoir évoqué - à l'adresse des Corinthiens- le scandale de leurs divisions, l'apôtre Paul a rappelé la place centrale du Christ qui est mort pour eux et au nom de qui ils ont été baptisés. Il a réaffirmé le sens et le contenu de sa mission : il a été envoyé non pas pour baptiser, mais pour annoncer l'évangile, sans avoir recours à la sagesse du langage humain. Il a terminé en annonçant le thème de la sagesse et du sens de la croix du Christ, point central de son évangile. Dans le passage d'aujourd'hui, il rappelle aux Corinthiens qu'ils ont été appelés par Dieu et doivent, par conséquent, regarder comment cet appel, point de référence de toute la vie chrétienne, se manifeste de façon concrète au sein de leur communauté. Ils doivent se situer et se comporter par rapport à Dieu et au monde. Par trois fois, il rappelle que le choix de Dieu est totalement à l'opposé de celui du monde. Il a choisi ce qu'il y a de fou, de faible, ce qui est d'origine modeste, ce qui est méprisé dans le monde, pour la confusion des sages et des forts… Dieu a agi de cette façon pour que personne ne puisse s'enorgueillir devant lui. Ce qu'il a fait, c'est pour que ses fidèles soient dans le Christ Jésus, parce qu'ils appartiennent à lui, qu'ils sont unis à lui, lui qui a été envoyé pour être leur unique référence, leur sagesse, leur justice, leur sanctification, leur rédemption. Ils n'ont donc pas à chercher ailleurs leur sagesse et leur salut, les deux termes qui sont présentés en premier et en dernier, et qui forment ainsi, avec les deux autres termes, une sorte de solide inclusion dont aucun élément ne doit être négligé. Ces appels de l'apôtre nous concernent tous aujourd'hui. Evangile et conclusion: Heureux les pauvres de cœur Les huit béatitudes présentées par Jésus constituent la référence incontournable de toute la vie chrétienne dont Jésus est le modèle. En effet, il s'est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté. Doux et humble de cour, c'est lui qui console, comme le deuxième consolateur qu'est l'Esprit Saint, et il nous rassasie réellement en nous donnant son corps. Il est la miséricorde et la pureté même. C'est lui la véritable paix, par sa présence de ressuscité, parce qu'il est le Fils de Dieu. Avant nous, il a été persécuté, insulté et accusé. Voilà les valeurs que Jésus exalte et qui sont considérées comme des antivaleurs pour le monde et par rapport à la sagesse du monde. La clé pour comprendre les béatitudes se trouve en fait dans la Trinité, et de façon plus incisive en Jésus Christ mort et ressuscité. Elles constituent comme un résumé de toute la Bible, de tout le Nouveau Testament, de tous les évangiles et surtout celui de Matthieu. Pour en saisir vraiment le sens, nous devons partir de Dieu qui est miséricordieux et saint, lui qui, par son appel, nous insère dans son plan de salut. Voyons au moins trois appels que ces textes nous adressent aujourd'hui. Le premier, c'est de suivre Jésus, lui qui est la lumière, le chemin, la vérité et la vie. Il nous dit ceci: « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière qui conduit à la vie » (Jn 8, 12) ; « Vous êtes la lumière du monde. Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu'en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 14. 16). Le deuxième est l'appel que Jésus nous adresse pour nous rappeler l'être et le cœur même du Père que nous devons chercher à imiter: « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait » ( Mt 5, 48). Le troisième est celui qui nous invite à considérer nos souffrances comme un chemin qui aide à communier à la vie et aux souffrances de Jésus: « Le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » Mc 10, 45) ; « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive » Mt 16, 24) ; « Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï le premier. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartiendrait; mais vous n'êtes pas du monde; c'est moi qui vous qui ai mis à part du monde et voilà pourquoi le monde vous hait(Jn 15, 18-19) », et c'est un chemin de joie (v12). Les béatitudes sont comme une analyse simple et concrète de la vie de tous les groupes sociaux de tous temps et de tous lieux, où nous avons d'un côté les riches, souvent une minorité, et de l'autre, les pauvres, souvent la majorité. Le Christ, comme l'Eglise, a opté de façon préférentielle pour les pauvres et lutte pour la reconnaissance de leurs droits, tous leurs droits, sans jamais oublier que leur premier droit est de connaître Jésus et de recevoir son évangile. Leur sort est appelé à se transformer, ainsi que celui des chrétiens persécutés. Ce changement est à la fois pour aujourd'hui, pour maintenant, comme le montrent les béatitudes selon Luc (Lc 6, 20-28), mais également orienté surtout vers l'eschatologie, vers le bonheur éternel auquel pauvres et riches sont invités en se mettant sur le chemin de la conversion continuelle. C'est dans ce sens que nous invitent les paroles du Cardinal Kasper, lorsqu'il parle des efforts que nous devons déployer pour tirer les conséquences de la Bonne Nouvelle de Jésus et arriver un jour à l'unité pleine de tous les chrétiens. Son évangile peut se résumer à une seule parole: « Convertissez-vous! C'est une parole qui, sans doute, ne nous fait pas plaisir, parce que nous pensons que nous sommes déjà sur la voie juste, et pensons que ce sont les autres qui doivent changer. Selon Jésus, c'est cela notre illusion et le mensonge fondamental sur nous-mêmes. Tous nous avons besoin de conversion. Et la conversion veut dire changer de direction, changer l'orientation de notre vide à 180°, c'est-à-dire ne plus nous orienter sur notre propre "moi", notre propre intérêt et notre propre plaisir, mais nous orienter vers Dieu, selon son commandement et selon sa volonté ». Mgr Bernard NSAYI Evêque émérite de Nkayi
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