Donne-moi à boire (3ème Dimanche de Carême – Année A)
Textes: Ex 17, 3-7; Ps 94 ; Rm 5, 1-2. 5-8; Jn 4, 5-42
Premier texte: les Israélites récriminèrent contre Moïse Ce passage arrive vraiment à point en ce troisième dimanche de Carême, pour trois raisons. Premièrement, il est étroitement lié à Moïse et à la marche du peuple de Dieu dans le désert. Deuxièmement, il rappelle bien les tentations de Jésus au désert. Enfin, il s'adapte bien au terme de pèlerinage qui caractérise la vie de l'Eglise et de chaque chrétien qui, au milieu de bien d'épreuves, est en pèlerinage vers la Patrie céleste. Le désert est toujours compris comme un lieu où il manque beaucoup de choses, en particulier l'eau, comme c'est le cas dans notre texte. Et cela provoque parfois des excès de colère dans le peuple. Ici, Moïse, qui en fait les frais, se tourne vers le Seigneur qui lui donne l'ordre de « frapper » le rocher d'où, effectivement, l'eau jaillit en abondance. Le peuple est satisfait, mais cet épisode est senti par le Seigneur comme une désobéissance. Psaume: aujourd'hui ne fermons pas notre cœur… Voici un psaume qui nous est vraiment familier, puisque nous le retrouvons presque tous les jours dans notre prière du bréviaire. La première partie, la plus longue, est caractérisée par la joie devant le Seigneur, qui est notre Rocher, notre salut, notre Créateur et notre guide. Nous sommes invités à crier de joie, à acclamer, à rendre grâce, à nous prosterner et à l’adorer. La deuxième partie, qui rappelle justement cet épisode du rocher au mont Horeb, a une autre tonalité particulière, puisqu'elle invite à écouter la parole du seigneur, à ne pas fermer notre cœur, comme l'ont fait nos pères au désert. Deuxième texte: le Christ est mort pour nous, pécheurs Comme toujours, l'apôtre Paul nous présente, de manière condensée, un message trinitaire, centré sur la personne de Jésus Christ. Par lui, Dieu a fait de nous des justes par la foi. Par lui, nous sommes en paix avec Dieu. Par lui, nous avons accès au monde de la grâce et nous espérons avoir part à la gloire de Dieu. Et notre espérance est fondée sur l'amour de Dieu qui a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. Tout est centré sur la personne de Jésus Christ, preuve tangible de l'amour de Dieu pour nous, puisqu'il a accepté de mourir pour nous alors que nous étions encore pécheurs. Ce que le psaume nous a dit devient ici notre propre prière, adressée à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur et notre Dieu, qui vit et règne avec le Père, dans l'unité du Saint Esprit. Evangile et conclusion: donne-moi à boire Cette page d'évangile peut être divisée en quatre parties : (1) La soif de Jésus, vv.5-15; (2) Jésus prophète, vv.16-26; (3) La nourriture de Jésus, vv.27-38; (4) Jésus, Sauveur du bonde, vv.39-42. La première partie présente la rencontre de Jésus avec la samaritaine qui vient chercher de l'eau. Nous sommes au puits de Jacob, Jésus est fatigué, et il est environ midi. De façon naturelle, Jésus demande à boire. Devant cette demande, la femme est surprise pour deux raisons: lui est juif, et elle, une femme samaritaine; lui est un homme, et elle, une femme. Entre Juifs et Samaritains existait une véritable hostilité. Jésus passe outre et inverse le sujet, mettant sa personne en avant. Si la femme savait qui est celui qui lui demande à boire, c'est elle qui aurait demandé à boire, et il lui aurait donné de l'eau vive, c'est-à-dire l'Esprit Saint. Pensant seulement à l'eau du puits, la femme explique l'impossibilité pour Jésus de puiser de l'eau puisqu'il n'a rien pour puiser. Alors Jésus explicite sa pensée, en parlant de l'eau qui « deviendra une source jaillissant en vie éternelle ». A ce point, Jésus excite le désir de la femme pour cette eau particulière. La deuxième partie, qui se déroule en deux temps, aboutit d'abord à la reconnaissance, par la femme, de Jésus comme prophète, puis comme Messie. Justement au moment où la femme est vraiment prête à accueillir Jésus comme Messie, elle reçoit cette bouleversante révélation: « Moi qui te parle, je le suis ». Dans la troisième partie, il s'agit de la nourriture de Jésus: « Faire la volonté de celui qui l'a envoyé » (v.34). Les disciples, qui étaient partis chercher de la nourriture, arrivent. Ils sont surpris de le voir parler avec une femme (v.27). Cette incise indique que, dans ce désert, au bord d'un puits, la causerie d'un homme avec une femme éveille le soupçon à caractère sentimental. Mais les disciples passent à l'urgence du moment et disent à Jésus de manger (v.31). De là, Jésus passe à un discours missionnaire, avec une allusion au semeur et au moissonneur. Le semeur, c'est bien sûr Jésus, et les moissonneurs, les disciples. Mais dans une perspective plus vaste, au niveau de l'Eglise, il s'agit des différents agents pastoraux qui se succèdent au sein de l'Eglise. Pour Jésus, comme pour ceux qui seront envoyés, l'essentiel c'est de « faire la volonté de celui qui l'a envoyé », celle du Père. Avec la quatrième partie, nous arrivons vraiment au sommet. Grâce à la rencontre avec Jésus, la samaritaine, après avoir reconnu le Messie en Jésus, va en parler aux hommes restés à la ville qui viennent à Jésus et, à la fin, reconnaissent en lui « le Sauveur du monde » (v.42). Arrivés presque au milieu du Carême, nous rappelons la centralité de Jésus dans l'histoire du salut, dans la vie de l'Eglise et dans celle de tout croyant. L'eau vive dont il est question ici, nous rappelle à la fois notre baptême et l'Esprit Saint, comme le souligne le pape Benoît XVI dans son message de carême. Avec le baptême, nous entrons dans le combat contre les forces du mal, comme l'ont montré les tentations de Jésus (Cf. 1er dimanche). L'Esprit Saint nous rappelle aussi la mort de Jésus sur la croix où, de son côté transpercé, ont coulé l'eau et le sang (Cf. la transfiguration, 2ème dimanche). Et aujourd'hui, tous ces thèmes nous invitent à approfondir encore plus notre rencontre avec Jésus Prophète, Messie et Sauveur du monde. La demande de Jésus, « Donne-moi à boire » (v.7), exprime la passion de Dieu pour tout homme et veut susciter en notre cœur, le désir du don de « l'eau jaillissant en vie éternelle » (v.14): c'est le don de l'Esprit Saint qui fait des chrétiens de « vrais adorateurs », capables de prier le Père en esprit et en vérité (v.23). Seule cette eau, qui nous est donnée par le Fils, peut assouvir notre soif de bien, de vérité et de beauté, et irriguer les déserts de l'âme inquiète et insatisfaite « tant qu'elle ne repose pas en Dieu ». De façon spéciale, demandons à Dieu la grâce de la foi et de la prière. Mgr Bernard NSAYI Evêque émérite de Nkayi
|