Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… (30èmeDimanche ordinaire - A) Textes : Ex 22, 21-27; Ps18; 1Th1, 5-10; Mt22, 34-40. Chaque jour, nous posons des actes d’amour. L’on fait souvent cas de l’amour conjugal, des actes d’amour les plus ordinaires, en famille ou en milieu sociétal restreint, tels que l’école, le milieu de travail, le milieu du jeu, etc. L’amour dont parle Jésus inclut certainement tous ces aspects. Mais Jésus ne se réfère pas seulement à l’amour comme à un pur sentiment ; il l'inscrit dans une mise en situation d'aimer, en un mot dans une praxis. Qu’est-ce que cela veut dire? A lire l’Évangile de Mathieu (Mt 22, 34-40), on voit tout de suite que l’enjeu porte sur le rapport de l’amour à la loi. Dans cette péricope, Jésus n’évoque pas l’amour comme simple épanchement du cœur. Il va plus loin : aimer est un commandement. Le langage de Jésus se veut direct : l’amour désigne une personne à aimer. Cette personne est d’abord et avant tout Dieu. Jésus renvoie ainsi explicitement à la tradition du Deutéronome (Dt 4, 37; 6, 5; 10, 12, etc.). L’amour désigne l’attitude de Yahvé pour son peuple Israël. Le peuple, à son tour, répond à cet acte d’amour par l’obéissance à la loi (Dt 5, 10; 7, 9). La tradition prophétique, depuis Osée jusqu’à Jérémie, aura les mêmes accentuations. A la nuance, l’insistance de Jésus radicalise ce premier commandement. Il s’agit d’aimer Dieu de « tout cœur, de toute son âme et de tout son esprit ». Une telle insistance permet de mieux comprendre l’acte d’aimer comme une totalité. Ce qui revient à ceci : on ne peut aimer Dieu à moitié. Cela va sans dire, en d’autres termes, aimer Dieu, c’est l’aimer comme le Vivant à jamais, au sens que Paul lui donne dans la seconde lecture (1Th1, 5-10). Le Dieu de Paul est Celui qui se démarque de l’idole. L’idole est muette. Dieu, au contraire, nous envisage et nous introduit dans une communion d’amour, d’esprit et de cœur. Voilà pourquoi nous pouvons l’adorer, lui rendre hommage et, finalement, l’aimer d’un amour sans réserve. Par ailleurs, le rapport à Dieu est corollaire d’un autre rapport : le prochain (Mt22, 39). Qui est le prochain ? La réponse nous est donnée de façon claire dans le récit du Bon Samaritain, en Lc 10, 29-37. Le prochain est quelqu’un de connu; un sujet humain bien spécifié; quelqu’un qui a un visage. Cette précision vaut son pesant d’or. Elle indique un trait de continuité entre l’enseignement de Jésus et celui des prophètes. Autant dire tout de suite, dans l’Évangile de Mathieu, l’amour du prochain est une détermination concrète. L’on perçoit assez subtilement l’idée que Jésus ne donne aucune définition de l’amour mais confronte son auditoire à une mise en situation d’aimer. L’amour est amour quand on le pratique, c’est-à-dire qu’on aime ou on commence d’aimer vraiment. Pour Jésus, aimer le prochain n’est pas simplement un mot ; c’est tout l’affect humain extériorisé, pour soi-même et pour l’autre; en fait, il s’agit d’aimer une personne humaine à part entière. La première lecture d’Ex22, 21-27 semble plus explicite sur la question. Elle fait miroiter une saisie du prochain sous la triple catégorie de la veuve, de l’orphelin et du pauvre, remplacé quelquefois par l’étranger. La conviction fondamentale est la suivante : Dieu prend parti du pauvre. A ceci, on reconnaît le vrai amour du prochain; celui-ci implique une idée de défense, de protection et de compassion. Le vrai sens de la relation que Jésus établit entre les deux commandements de l’amour tient à cette requête. Dans ce cas, on doit aimer le prochain parce que Dieu, le premier, l’aime et nous commande de l’aimer autant. Il y a deux messages à tirer de ces textes, messages qui répondent à la question ci-après : comment faut-il aimer davantage ? 1. Nous aimons davantage quand nos fermetures à l’amour deviennent des tremplins vers un amour plus grand, amour de ce Dieu connu en Jésus Christ comme Source de tout amour. La foi nourrit quotidiennement nos actes d’aimer, dans ses échecs comme dans ses réussites. Aimer est ici une école; une telle école demande du temps et de la patience; elle inclut de façon déterminante une vie de prière. Un cœur qui ne prie pas ne peut vraiment aimer. Une vie de prière constante développe un amour authentique de Dieu. Et l’amour authentique de Dieu devrait normalement conduire à l’amour authentique du prochain. 2. Nous aimons davantage quand nous donnons un visage à l’amour. En Jésus Christ, nous sommes toujours en situation d’aimer - situation toujours personnelle et altéritaire. A l’inverse, les situations impersonnelles d’amour - situations dans lesquelles nous refusons tout risque d’aimer - peuvent parfois nous entraîner à une sécheresse du cœur. C’est ici le grand défi de l’amour chrétien qui nous fait aimer sans réserve des visages par milliers. Dans un monde où règnent l’indifférence et l’inattention, il nous faut réapprendre à aimer des personnes concrètes, celles que nous rencontrons tous les jours. Abbé Luc Augustin SAMBA
|