Homélie de S.E.R. Mgr Andrés Carrascosa Coso Nonce Apostolique au Panama à l’Ordination épiscopale de S.E.R. Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou Premier Évêque de Dolisie
Dolisie le 25 Août 2013 Excellence, Monseigneur le Nonce Apostolique au Congo et au Gabon, Excellences, Messeigneurs, les Évêques, Successeurs des Apôtres, Cher frère appelé à l'épiscopat, Mgr Bienvenu Manamika Excellences, les autorités nationales, départementales et locales Chers prêtres, chers religieux, chères religieuses, chers séminaristes Invités spéciaux, en particulier la famille de Mgr Bienvenu, Chers frères et sœurs, tous, dans le Seigneur L'Eglise qui fait son pèlerinage sur la terre du Niari vit aujourd’hui l'expérience de la succession apostolique. Dans cette ordination épiscopale de Mgr Bienvenu Manamika nous n’exaltons pas un homme, mais en réalité nous célébrons Jésus-Christ, l'Unique, l'Eternel Prêtre, Pasteur et Guide de nos âmes. Nous, les personnes humaines, passons sur la terre, mais le Christ demeure et continue de guider son Église. Il est vivant et présent parmi nous et il est le même hier, aujourd'hui et demain, pour toute l'éternité! Permettez-moi d'abord de remercier S.E. Mgr Daniel Mizonzo pour les 11 ans de sa vie dédiés au ministère épiscopal dans ce territoire. Il continue à Nkayi. Que le Seigneur récompense ses efforts en faveur de l'Eglise de Jésus-Christ! Nous célébrons un dessein de Dieu. Dieu montre son amour pour ce peuple par la décision du Saint-Père François d’ériger le nouveau diocèse de Dolisie en lui donnant, en même temps, un pasteur et Dieu exprime un projet d'amour sur Mgr Bienvenu en le choisissant pour une mission qui exige le don total de sa vie. Un nouveau diocèse, souhaité depuis longtemps, signifie la maturité et demande l’engagement de tout le peuple de Dieu, évêque, clergé, consacrés et fidèles, à développer davantage l’œuvre de l’évangélisation, à vivre selon les enseignements de l’Évangile et à annoncer ce qu’on vit. Je vous exhorte à être à la hauteur de ce dessein de Dieu! Un jour, il y a un bon nombre d'années, le jeune Bienvenu a entendu la voix du Seigneur qui l’appelait à être prêtre: “Viens, suis-moi”. Le Maître nous rappelle: “Ce n’est pas vous qui m'avez choisi, c’est moi qui vous a choisi”. Le grand théologien suisse Hans Urs von Balthasar, créé cardinal par le pape Jean-Paul II mais mort avant de recevoir le chapeau de cardinal, a écrit ces paroles à propos de sa propre vocation, lorsqu’il a entendu l'appel de Dieu: “Tu n'as pas à choisir quoi que ce soit, tu as été choisi. On te donnera la vocation comme une tâche à développer. Tu n’as besoin de rien. On a besoin de toi”. Après des années de préparation au séminaire, le jeune Bienvenu a été ordonné prêtre par Mgr Barthélemy Batantou, Archevêque de Brazzaville. Ayant exercé le ministère presbytéral pendant 20 ans, le pape François, au terme des consultations nécessaires, a été l'instrument dont Dieu s’est servi pour appeler l’abbé Bienvenu à être successeur des Apôtres comme évêque du nouveau diocèse de Dolisie. Le pape Benoît XVI, dans une homélie, s’était demandé: “Comment doit être un homme à qui on impose les mains pour l’ordination épiscopale dans l’Église de Jésus Christ?” Et il répondit: “Il doit être avant tout un homme dont l’intérêt est tourné vers Dieu, car c’est seulement alors qu’il s’intéresse vraiment aussi aux hommes. Nous pourrions aussi le dire en sens inverse: un évêque doit être un homme à qui les hommes tiennent à cœur, un homme qui est touché par les situations des hommes. Il doit être un homme pour les autres. Toutefois, il peut l’être vraiment seulement s’il est un homme conquis par Dieu. Si pour lui, l’inquiétude pour Dieu est devenu une inquiétude pour sa créature, l’homme” (Benoît XVI, Homélie dans l'ordination épiscopale, Basilique Saint-Pierre, 6 Janvier 2013). Le service des autres comme évêque, le service de veiller sur toute la communauté diocésaine, ne pourra être fait que par celui qui se laisse guider par le Seigneur et en témoigne par sa propre manière de vivre. Le Pape François, il y a quelques semaines, a déclaré: “Nous ne pouvons pas paître le troupeau de Dieu si nous n’acceptons pas d’être conduits par la volonté de Dieu là aussi où nous ne voudrions pas, si nous ne sommes pas prêts à témoigner du Christ par le don de nous-mêmes, sans réserve, sans calculs, quelquefois au prix de notre vie”. Et le Pape a poursuivi: “Souvenons-nous en bien tous: on ne peut pas annoncer l’Évangile de Jésus sans le témoignage concret de la vie. Qui nous écoute et nous voit doit pouvoir lire à travers nos actions ce qu’il écoute de notre bouche et rendre gloire à Dieu! Il me vient à l’esprit en ce moment un conseil que saint François d’Assise donnait à ses frères: prêchez l’Évangile et, si c’était nécessaire, aussi par les paroles. Prêcher par la vie: le témoignage. L’incohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait, entre la parole et la façon de vivre mine la crédibilité de l’Église” (Pape François, Homélie à la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, le 14 Avril 2013). Le rite de l'ordination épiscopale que Dolisie vivra pour la première fois dans l’histoire est très ancien et riche en contenu et en signification. Le chant du “Veni Creator Spiritus” nous rappelle que Celui qui agit et consacre est l'Esprit de Dieu. Aucun homme ne peut faire d’un autre homme un prêtre ou un évêque, mais c'est Dieu lui-même qui consacre. La prostration sur le sol, comme dans l'Ordination sacerdotale mais d’une manière encore plus profonde, nous donne la conscience que nous ne sommes que argile. C'est un signe de notre engagement total à Dieu, tandis que dans la Litanie des Saints toute l'Église se confie aux prières de nos frères et sœurs qui sont déjà arrivés à Dieu et qui intercèdent pour nous devant le trône du Tout-Puissant. L'imposition des mains par les évêques consécrateurs, selon la tradition qui remonte aux temps apostoliques, signifie la transmission de l'Esprit Saint et incorpore dans le collège des “successeurs des Apôtres”. Le livre des Évangiles qui est imposé sur la tête, puis remis au nouvel évêque rappelle le devoir d'être le premier “auditeur de la Parole de Dieu”, de l’intérioriser, de la rendre vie de sa propre vie. L'évêque doit être le premier à accueillir, à croire et à mettre en pratique ce que le Seigneur a enseigné et l'Eglise a transmis, et il a le devoir de l'enseigner aux autres. L’évêque consécrateur oint la tête du nouvel évêque avec le Saint-Chrême. Dans le Baptême et la Confirmation, par le Saint-Chrême, le Christ nous a configuré à Lui et nous a rendu membres de son Corps mystique. À l'ordination sacerdotale, les mains de l’abbé Bienvenu ont été ointes avec le Saint-Chrême. Maintenant l’onction de la tête signifie que l'Esprit de Dieu prend possession de tout l'homme qui est oint et le rend un autre Christ-Tête du Corps, un instrument de Dieu ayant la responsabilité du Peuple de Dieu. “Christ” est la traduction grecque du mot hébreu “masiah” (Messie), qui signifie «oint». Il s’agit, donc, d'être comme Jésus, de vivre comme Jésus, d’être Tête et Pasteur, comme Jésus. L'anneau épiscopal, cher frère, signifie que tu as pris un engagement, que tu es Époux de l'Église, à laquelle tu dois rester fidèle jusqu'à la mort. Chaque jour, cet anneau te rappellera la nécessité d'une fidélité totale. En lui remettant la mitre, on dit au nouvel évêque que brille en lui “l’éclat de la sainteté” pour être digne de recevoir la couronne de gloire quand le Christ, le Prince des Pasteurs, se manifestera. La crosse que tu recevras, cher frère Bienvenu, est un signe de l'autorité du pasteur qui doit prendre soin, veiller et protéger son troupeau, le guidant sur les voies de la sainteté. Ce n'est pas un signe de pouvoir, dans le sens normal du terme, ou de suprématie. C'est un signe du service, du souci pour les fidèles, d’être un guide. Comme le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, le nouvel évêque pourra dire: "Personne ne m’enlève la vie, je la donne de moi-même" (Jn 10, 18). Mgr Bienvenu: tu pourras dire comme le Serviteur de Yahvé et comme le Christ: “L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction et m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres” (Lc 4, 18). Le Pape François nous a rappelé que “l’huile précieux qui oint la tête d’Aaron ne se contente pas de parfumer sa personne mais se diffuse et atteint toutes les ‘périphéries’. Le Seigneur le dira clairement: son onction est pour les pauvres, pour les prisonniers, pour les malades, pour ceux qui sont tristes et seuls. L’onction, chers frères, n’est pas destinée à nous parfumer nous-mêmes, ni davantage pour que nous la conservions dans un vase, parce que l’huile deviendrait rance … et le cœur amer... On reconnaît un bon prêtre à sa façon d’oindre son peuple ; c’est une preuve claire. Quand nos fidèles reçoivent une huile de joie, on s’en rend compte : lorsqu’ils sortent de la messe, par exemple, avec le visage de ceux qui ont reçu une bonne nouvelle. Nos fidèles apprécient l’Évangile annoncé avec l’onction, lorsque l’Évangile que nous prêchons, arrive jusqu’à sa vie quotidienne, lorsqu’il touche aux extrémités de la réalité, lorsqu’il illumine les situations limites, les ‘périphéries’ où le peuple fidèle est exposé à l’invasion de ceux qui veulent saccager sa foi. Les fidèles nous en remercient parce qu’ils ressentent que nous avons prié avec les réalités de leur vie quotidienne, leurs peines et leurs joies, leurs peurs et leurs espérances. … C’est ainsi que nous devons faire l’expérience de notre onction, son pouvoir et son efficacité rédemptrice: aux ‘périphéries’ où se trouve la souffrance, où le sang est versé, il y a un aveuglement qui désire voir, il y a des prisonniers de tant de mauvais patrons” (Pape François, Messe chrismale, Basilique Saint Pierre, le 28 Avril 2013). Aujourd'hui, le ministère épiscopal se présente devant nos yeux. Le mot “ministre” vient du latin “minister”, qui signifie serviteur. Devenir un serviteur de tous par amour. Un jour, mon cher frère Bienvenu, tu as reçu le ministère diaconal. “Diakonia” signifie service. Ministère signifie service. Le jour où tu as été ordonné prêtre, personne n’a tiré de toi le ministère diaconal. Même aujourd'hui, je ne l’enlève pas. L'épiscopat n'est pas un pouvoir, mais un service. “N’oublions jamais que le vrai pouvoir est le service et que le Pape aussi pour exercer le pouvoir doit entrer toujours plus dans ce service qui a son sommet lumineux sur la Croix”, a dit le Pape François le jour de l’inauguration solennelle de son pontificat (19 mars 2013). Et il a insisté dans son homélie pour la solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul, parlant de ce dernier: “le fait de s’exposer en première ligne, de se laisser consumer par l’Evangile, de se faire tout à tous sans se ménager qui l’a rendu crédible et qui a édifié l’Eglise… Vous tous, nouveaux archevêques et évêques, vous avez le même devoir : vous laisser consumer par l’Evangile, vous faire tout à tous. Le devoir de ne pas vous ménager, de sortir de vous-même au service du saint Peuple fidèle de Dieu”. Je prie le Seigneur, cher frère Bienvenu, de t’accorder la grâce de ne jamais oublier que tu es un serviteur, parce que dans le service de tous par amour réside ta véritable autorité : d'être pour ton peuple, pour le diocèse de Dolisie, présence de Jésus-Christ; c’est dans ce service que tu trouveras ton seul bonheur. “Comme pèlerin de Dieu, l’évêque doit être d’abord un homme qui prie. Il doit être en contact intérieur permanent avec Dieu; son âme doit être largement ouverte vers Dieu. Il doit porter à Dieu ses difficultés et celles des autres, comme aussi ses joies et celles des autres, et établir ainsi, à sa manière, le contact entre Dieu et le monde dans la communion avec le Christ, afin que la lumière du Christ resplendisse dans le monde” (Benoît XVI, Homélie dans l'ordination épiscopale, Basilique Saint-Pierre, 6 Janvier 2013 ). Et l'union avec Dieu va faire grandir en toi une véritable liberté intérieure, qui donne à l'évêque le courage de ne pas se laisser guider par les opinions dominantes quand elles sont loin du plan de Dieu. Ta responsabilité en tant que bon pasteur, sera d’orienter le troupeau, de le guider dans les voies de Dieu, et même de corriger sa trajectoire à l'approche d'un terrain dangereux. Et ça coute ce que ça coute, en sachant que tu seras critiqué par une mentalité “mondaine” lorsque tu décideras de rester fidèle au Seigneur et de ne pas te plier au goût du temps. Mais “qui craint le Seigneur n'a peur de rien”, nous enseigne la Parole de Dieu (Ecclésiastique 34,14). Cher frère Bienvenu: Aujourd'hui, tu es appelé, d'une manière spéciale, comme évêque de l'Eglise Sainte de Dieu, à être, au milieu du monde, témoin du Ressuscité, entièrement entre les mains du Christ, pour donner corps visible à sa présence invisible parmi nous. Tu es appelé à être, comme Lui, maître, pasteur, bon samaritain, témoin de l'amour de Dieu, porteur de Sa miséricorde et porte ouverte sur la vie éternelle. La croix pectorale que tous vont voir sur ta poitrine doit être pour toi une invitation à mourir à toi-même pour être présence vivante du Seigneur Ressuscité. Le Pape François, dans son récent discours aux nonces apostoliques il y a quelques semaines, a tracé un profil très clair de ce qu'il attend de chaque évêque et ces paroles signifient un programme pour ta vie: proche des gens, père et frère, doux, patient et miséricordieux; aimant la pauvreté, d’abord intérieure comme liberté pour le Seigneur mais également extérieure comme simplicité et austérité de vie, sans une psychologie de «prince», pas ambitieux, mais capable de «surveiller» le troupeau, de le garder uni, de “veiller” sur lui, de faire attention aux dangers qui le menacent. Aujourd’hui je te demande, au nom de Dieu, de protéger ton troupeau du danger du tribalisme et du régionalisme! Cher peuple du Niari, comme famille de Dieu, comme Église Catholique, universelle, n’acceptez pas de tomber dans la tentation du tribalisme, qui fait oublier que chaque prochain –peu importe son ethnie- est un enfant de Dieu! Ton ministère épiscopal, Mgr Bienvenu, est un service d’enseignement (l´évêque est maître dans la foi), un service de sanctification (l’évêque est le grand prêtre du diocèse), un service de gouvernement du peuple de Dieu (l’évêque est le Pasteur). Ton ministère épiscopal est un service d’unité: unité avec le Pape et l’Église universelle, unité avec le collège des évêques, Successeurs des Apôtres, unité à créer et à vivre avec le presbyterium, la vie consacrée et les fidèles du diocèse, la portion du Peuple de Dieu qui t’est confiée. J’exprime mes félicitations à l’Église qui vit au Niari pour ce nouveau diocèse. Je vous invite à vivre dans une manière toujours plus fidèle à l’Évangile. Je vous encourage à tout mettre en œuvre pour bâtir ensemble cette communauté diocésaine de Dolisie dans la foi et dans l’amour, à vivre l’unité dans la diversité. La diversité qui se compose dans l’unité. La diversité est bonne, la diversité nous enrichit, mais… à condition de la vivre dans le respect et dans l’amour de celui qui est différent. Un jardin est plus beau s’il est composé de fleurs différentes, mais s’il y a un seul type de fleur… le jardin est… moche, ennuyeux… La construction de la communauté diocésaine a besoin de la contribution de tous et de chacun des membres de ce diocèse. Je me rappelle que pendant mon ordination épiscopale, cher Mgr Bienvenu, j’avais une conscience aiguë de mes propres limites, et de la grandeur du défi auquel Dieu m'appelait. C’est pour cela qu’aujourd'hui je demande à toutes les personnes ici présentes de prier intensément pour toi, cher frère, pour que tu aies la grâce de renouveler ton «oui» au Seigneur et de placer dans ce “oui” ta volonté de donner la vie pour tes diocésains et pour l'Evangile. Que Marie, la femme qui a dit “oui” et a fait confiance à Dieu, l’humble servante qui a su sortir d’elle-même pour vivre dans l’amour de Dieu et du prochain, la mère des disciples de son Fils, la Reine des Apôtres, protège ton cœur et accompagne ton ministère épiscopal. Amen.
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