Un témoignage de l’Abbé Ildevert M. Mouanga sur ses 15 ans de vie sacerdotale L’Augustinien (le bulletin de liaison de la Commission diocésaine de la jeunesse et de l’enfance) s’est rapproché de l’Abbé Ildevert Mathurin Mouanga, prêtre du diocèse et professeur de Bible au Grand séminaire de Théologie Emile Biayenda, à l'occasion de la célébration de ses 15 ans de vie sacerdotale, pour recueillir ses sentiments. L’Augustinien : Bonjour M. l’abbé. Nous vous souhaitons un heureux jubilé. Qu’est ce que 15 ans de sacerdoce représentent dans la vie d’un prêtre, et quels sont les sentiments qui vous habitent en ce moment ? L'Abbé Ildevert Mathurin Mouanga : Les sentiments sont très confus, à telle enseigne qu’il peut être difficile de prendre la parole, en cette circonstance. On aurait bien voulu entendre encore la voix de l’évêque qui affermit dans la foi, comme ce jour là, où il nous avait imposé les mains pour nous faire participer au sacerdoce du Christ, comme ses collaborateurs. Mais je pense aussi que l’évêque aurait bien voulu écouter ses prêtres, ce qu’ils diraient au bout des quinze ans. On aurait bien voulu se taire et laisser tout simplement cette parole de Dieu nous travailler, transformer notre cœur. Et pourtant, il nous faut bien dire quelque chose ! Ah, c’est parfois comique, la vie ! Je pense à un épisode de la vie du Bienheureux Pape Jean Paul II qui, devant une foule de jeunes à l’arène de Vérone, en Italie, était bien embarrassé s’il faillait qu’il prenne le texte qu’il avait préparé pour la circonstance, ou improviser des paroles en s’inspirant de l’atmosphère qui s’y dégageait. Alors, il finit par avouer à ces jeunes, non sans humour, d’avoir une tentation à laquelle il voulait bien céder et se demandait en même temps comment un chrétien, qui prie toujours le Seigneur de ne pas le soumettre à la tentation, pouvait bien se laisser tenter. La Parole de Dieu que nous venons d’écouter veut encore nous plonger dans la radicalité du choix de notre vie, qui consiste à suivre le Christ. Et, pour nous autres, c’est une suite toute spéciale, à travers l’exercice du ministère sacerdotal auquel le Seigneur nous a appelés et auquel nous nous sommes engagés il y a quinze ans. La catéchèse du Deutéronome veut partir de l’expérience fondamentale qui fait d’Israël un peuple : la libération d’Egypte par la main puissante de Dieu, et l’assemblée de l’Horeb au cours de laquelle Israël a entendu de ses propres oreilles la voix de Dieu du milieu de la feu ; expérience extraordinaire, étrange, mais surtout unique, et unique fondement de la vie du peuple que le Seigneur s’est choisi. Ce rappel n’a pas d’autre but que d’aboutir à l’exhortation à savoir, à méditer dans son cœur, qu’il n’y a que le Seigneur qui est Dieu au ciel, sur terre, et qu’il n’y en pas d’autre ; et que lui obéir, suivre ses commandements, c’est obtenir le bonheur et la vie. La base de cette expérience n’est rien d’autre que l’amour insondable de Dieu dont le peuple doit toujours prendre conscience. Dieu est capable d’amour pour les hommes. Dieu est amour, nous dira Saint Jean. 1 Le Deutéronome veut ainsi affirmer, confesser, enseigner qu’il n’y a que Dieu qui donne sens à la vie de l’homme, que c’est Dieu qui est le sens de la vie de l’homme. De sorte que, s’il vient à y manquer, la vie de l’homme perd son sens, elle perd son orientation fondamentale, elle perd ses repères de base. Elle devient comme un avion qui a perdu les balises qui lui indiquent la piste d’atterrissage, comme une boussole qui n’indique plus le nord : cette vie-là erre dans tous les sens. Saint Augustin, qui a fait l’expérience d’une telle vie, n’hésitait pas à confesser : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur n’est pas en paix tant qu’il ne repose pas en toi ». Sans toi, Seigneur, notre vie n’a pas de sens, notre vie n’a pas de consistance. Viens remplir notre vie de ta présence. En ébauchant, par ailleurs, les bases d’une religion monothéiste, le Deutéronome veut aussi mettre le cœur de l’homme en garde contre la recherche insatiable de divinité. Israël lui-même en avait fait l’expérience au désert. Il se fabriqua un veau d’or auquel il donna toutes les attributions du Seigneur. « Israël, dirent-ils, voici tes dieux qui t’ont fait sortir de la terre d’Egypte » (Ex 32, 4). Notre désir fondamental de Dieu peut se pervertir en recherche de divinités de substitution, en création de dieux à notre image et ressemblance, des dieux qui répondraient à nos capricieux désirs de pouvoir, de puissance, de richesses, etc. Dans la prière sacerdotale de Jean, le Christ prie pour que ses disciples aient la vie éternelle. « Or la vie éternelle, poursuit-il, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). Devant la tentation de la recherche d’autres dieux qui combleraient des éternels vides de notre existence, fais-nous connaître, confesser, aimer et servir, Seigneur, toi, l’unique vrai Dieu. 2 L’Augustinien : Quelles ont été les peines et les joies que vous avez rencontrées ? L'Abbé Ildevert Mathurin Mouanga : C’est en repartant à la source, en revisitant son origine, cette expérience aussi bien terrible que fascinante qu’Israël retrouve le sens de sa vie, ce qui le constitue fondamentalement. Notre origine se trouve aussi sur la croix, celle que nous devons prendre chaque jour, en renonçant à nous-mêmes pour suivre le Christ. En fait, c’est l’unique croix, disons mieux, c’est l’unique croix qui sauve. Et cette croix devient la mienne, toutes les fois où je fais l’effort de la communion avec le Christ et, de manière toute spéciale, dans ce noble mais combien exigeant ministère sacerdotale où nous sommes configurés au Christ tête et pasteur. Dans ce sens, il ne saurait y avoir de croix du Christ qui ne serait la croix de ses frères et sœurs, ni de croix d’un frère ou d’une sœur du Christ qui ne soit aussi la croix du Christ lui-même. Et donc, aucun frère, aucune sœur ne porterait sa croix, sans que le Christ ne la porte avec lui. Mais, que de fois, Seigneur, il nous a manqué l’audace de Paul : « Pour moi, non, jamais d’autre fierté que la croix de notre Seigneur Jésus Christ ; par elle, le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde » (Ga 6, 14). Que d’idéologies, aujourd’hui, sont propagées sous un fallacieux label de chrétiennes, enseignant le refus de la croix, sous prétexte que Dieu ne nous a destinés qu’à la gloire, qu’à la victoire. Y aurait-il de gloire du Christ sans croix du Christ ? Y aurait-il de victoire du Christ sans croix du Christ ? Et pourquoi alors devrait-il y avoir de victoire chrétienne sans croix chrétienne ? C’est un non sens ! Seigneur, apprends nous à accepter notre croix, à la porter et à marcher résolument à ta suite, en renonçant à nous-mêmes, parce qu’il n’y a pas de salut possible pour nous sans ta croix qui est aussi notre croix.3 1 – Nous sommes à toi, tu nous as fait. Ton amour seul nous suffit. Reçois nos vies, reçois nos dons. Tout vient de toi, notre Père. 2 – Nous voici, Seigneur, pour te louer, pour t’aimer et pour te servir. Reçois nos vies, reçois nos dents. Tout vient de toi, notre Père. 3 – Je me donne à toi, je m’offre à toi. Prends mon amour et ma liberté, car tout est tien, tout t’appartient. Tout vient de toi, notre Père. Propos recueillis par L’Augustinien
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