L'Eglise Kânda dia Kintuâdi : une intuition riche et enrichissante A la session d’ouverture de l’année pastorale 2013-2014, à Kinkala, nous, ouvriers apostoliques du diocèse de kinkala, avons essayé de mieux comprendre l’expression choisie par nos anciens pour dire la réalité Eglise dans notre culture. Ceux-ci avaient opté pour le terme de Kânda dia kintuadi. Et nous nous sommes finalement demandé si cette expression traduisait réellement le mystère Eglise. Après plusieurs interventions, nous nous sommes rendus bien compte que ce choix a été un don. Car, à vrai dire, nous n’avons pas trouvé mieux. C’est ainsi que nous avons voulu creuser en profondeur, pour une bonne appréhension de cette expression. En effet, le kânda est une organisation sociale faite des mécanismes que tout le monde observe, consciemment ou inconsciemment. En pays lâdi, sûndi, gângala… ou, mieux, chez le peuple Kôngo, le kânda vit grâce aux rapports entre ses membres (bisi kânda) et à ses liens séculaires tissés, dans la trame de l'histoire, par les ancêtres avec d'autres clans par alliance, (bankwêzi) ou avec des clans voisins. L'héritage, qui est venu de Kôngo dia Ntotila, a sans doute connu des modifications sur le cheminement migratoire. Cependant, il en reste quand même une base, une vraie sève, une mamelle de survie identitaire, comme, par exemple, le régime matrilinéaire. Ainsi, comme dans chaque groupe culturel, plusieurs situations font l'objet de conflits dans le kânda, d'où la difficulté de trouver un kânda où se vit vraiment la communion. C’est pourquoi le kânda dia Kintuadi est une expression puisée, non pas du kânda humain « car celui-ci est entaché de tant de déficiences », ais du kânda divin, de la Sainte Trinité, ce vrai kânda de communion incommensurable: « Soyez un, comme le Père et moi nous sommes un » (Jn 1, 17.21-23). On peut alors comprendre que l’Eglise Kânda dia Kintuadi est la famille de communion, ce peuple que Dieu rassemble des quatre coins du monde, pour être, dans le Christ, comme un sacrement, c’est-à-dire un signe et un moyen de communion ou l’union intime des hommes avec Dieu et des hommes entre eux (Cf. Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Eglise, n°1). Cette famille de communion est donc composée de fidèles du Christ, le peuple sacerdotal constitué par lui (Ap 1, 6 ; 5, 10), pour lui offrir un sacrifice spirituel (1 P 2, 5). Et puisque dans chaque famille chacun a sa place et son rôle, de sorte que tous soient utiles, ainsi les laïcs reçoivent-ils une grande importance dont ils doivent toujours avoir conscience. Il résulte que la hiérarchie est au service de ce peuple. C’est dans ce sens que la vie consacrée, qui n’est pas un troisième ordre dans l’Eglise, reçoit elle aussi sa place comme perfection de la charité et témoignage du royaume à venir dans le monde. Dès lors, on peut se poser la question de savoir comment appartenir à une telle famille, quel est le mode d’accès au Kanda dia kintuadi et quelles sont les obligations et devoirs qui enécoulent ? L’appartenance au Kânda dia kintuadi, en lien avec l'appartenance à un clan, à une famille Le clan (kânda) st fait d’hommes et de femmesui se reconnaissent d'un même ancêtre, (mukuluntu) et ayant une matriarche commune (luvila). Clan (kânda, au singulier, et makânda, au pluriel) a aussi pour sens, la pomme de la main. Et puisque les traces de la pomme de la main arient, celles du clan aussi varient selon qu'on est issu de la même mère ou non. Et l’on dit chez les peuples Kôngo (issu du Kôngo dia Ntotila), « kânda diêto di mosi, mênga ma mosi twê : nous sommes du même clan, du même sang). En effet, le lien de sang dans un kânda, chez les Kôngo, est très déterminant et contraignant. Ont le même sang que ses parents : sœur (mpangi ya m’kento, kibusi), frère (mpangi ya bakala, nkazi), mère (ngudi), oncle (ngwa nkazi), neveu ou nièce (mwana nkasi), etc. Appartenant au même clan, le membre du clan Kôngo a un devoir. Un devoir moral d'assister, en tout temps et en tout lieu, ses parents consanguins. Ne pas le faire renverrait à un reniement pure soi-même et de ses origines, c’est-à-dire de ton identité. D'aucuns se disent être envoûtés ou ensorcelés pour n'avoir pas respecté ou honoré ce lien naturel. Le luvila est fait de sœurs qui sont nées d'une même mère et ont donc le (s) même (s) oncle (s) (mfumu, ngwa nkazi, mama nkazi : le chef, la mère-frère, qui est le frère aîné ou cadet de maman). Le ngwa nkazi st souvent le chef du clan (mfumu kânda). Les mères donnent des descendants et descendantes qui se diront être du même luvila. On est, en vérité, de la même mère génitrice, la même souche (luvila lumosi). Cette nomenclature structurale du clan, chez les Kôngo, est à l'image de celle de Mama Ngunu, aux origines de Mbanza Kôngo. On dit ainsi que Mpanzu, Nzinga et Nsaku étaient du même luvila. C'est pourquoi, membre d'un même Kânda dia kintuadi, ce lien de sang est remplacé par le lien de l'eau du baptême (luvila lumossi mu batêma), d'où les mêmes devoirs envers les bisi kânda parce qu’ayant un même ancêtre. Et l’ancêtre de ce clan (Kânda), 'est le Christ, qui est lui-même plus qu’un ancêtre parce que proto-ancêtre. Ceci étant, le peuple Kôngo, comme tous les peuples africains, reconnait l'existence d'un être suprême théoriquement transcendant, mais en réalité immanent, à la fois omniprésent et omniscient. Et tre est source et principe de vie. Sa dénomination varie selon les ethnies, et plus d'un millier de mots foisonnent d'un bout à l'autre du continent pour suggérer la richesse de ses attributs. Son acte de création s'étend sur tout l'univers (monde visible et invisible) que certains peuples décomposent en zones terrestre, céleste et souterraine. Cet ensemble est parcouru de forces émises et maîtrisées par lui. Cet être suprême est le Dieu Tout-Puissant (Nzambi’a Mpungu, Nkua Tulendo, Mampungu). Les peuples Kôngo, comme les Grecs, ont une conception polythéiste de la religion ou de Dieu. Ils ont adoré plusieurs dieux. Les ngânga et les ngunza devraient être considérés comme des prêtres de ces nombreux dieux qu’ils adoraient. Et pour désigner les prêtres du Dieu Tout-Puissant, qui est au-dessus de tout ce qui existe, ils ont utilisé ngânga nzambi, au lieu de presbytre ou ancien (mukuluntu). Ce qui l’aurait placé dans une certaine hiérarchie qui impliqueraite soi des discriminations, au lieu de le maintenir dans la neutralité, c'est-à-dire accessible par tous. Faire usage de Eglise Kânda dia kintuadi , c’est aussi reconnaitre que de cette affirmation découle aussitôt un appel à la fraternité et à la solidarité humaine : « Soyez un comme le Père et moi, nous sommes un » (Jn 1, 17.21-23). Il ne s’agit pour personne de l’emporter sur son semblable, de prendre des revanches, mais de tendre à une communion voulue par le Christ, travailler ensemble, cor unum et anima una, à cette grande œuvre qu’est l’édification du Kânda dia kintuadi. La Trinité devient à la fois une inspiration et une pression de l'idée de fraternité qui doit exister entre tous les hommes, puisque tous doivent se retrouver et prendre part au banquet messianique, en formant un seul et même Temple de Dieu. Abbé Daleb Venceslas MPASSY Prêtre du diocèse de Kinkala
|