Le croyant attend son salut de Dieu

 

 

Solennité de la Croix glorieuse

Textes : Nb 21,4-9 ; Ps 77 ; Phil 2,6-11 ; Jn 3,13-17

 

 

Le livre des Nombres reporte l’expérience du passage d’Israël au désert, lors de sa libération de l’esclavage d’Egypte par la main de Dieu, avant d’entrer dans la terre promise. Cette expérience est fondamentalement marquée par la précarité de la vie du peuple hébreu et par l’intervention du Seigneur. Devant l’épreuve de la faim et de la soif, Israël récrimine contre le Seigneur qui l’a fait sortir d’Egypte, et de son serviteur Moïse. Survient alors l’épreuve des serpents à la morsure brulante. Il s’adresse à Dieu de l’en délivrer, et celui-ci le libère. Le peuple se repent, demande à Moïse qu’il intercède pour lui, et le Seigneur les sauve par le serpent d’airain que Moïse élève sur un mât. La tradition johannique lira cet épisode comme une préfiguration du Christ élevé sur la croix, ressuscité des morts et élevé au ciel (Jn 3,13-15).

 

 

Le Psaume 78 (77) résume toute cette expérience, en la faisant précéder du désir de transmettre aux générations futures les œuvres de la miséricorde de Dieu, lui qui comprend que l’homme n’est que chair (un être fragile) et qui oppose aux dérives humaines sa compassion miséricordieuse.

 

 

L’hymne aux Philippiens (Phil 2,6-11) qui, probablement, est une hymne des premières communautés chrétiennes, parcourt le processus de la kénose, l’abaissement du Christ qui, de même nature que Dieu, n’a pas gardé jalousement ce rang divin, mais au contraire s’est anéanti jusqu’à la mort ignominieuse de la croix. En conséquence, devant ce Christ qui s’est abaissé, tout genou doit fléchir, toute langue doit proclamer la seigneurie de celui qui nous sauve par son dépouillement, par sa souffrance.

 

 

Le texte d’Evangile qui nous est proposé, est un extrait du dialogue entre Jésus et Nicodème que Jean rapporte au chapitre 3. C’est un texte qui contient une confession de foi dans le salut de tout homme par le Christ, fils unique de Dieu, descendu du ciel et monté au ciel. Il s’agit d’une affirmation d’une densité théologique formidable, laquelle reflète déjà l’expérience de la profession de foi post-pascale de l’Eglise primitive ou du moins de la communauté johannique.

 

 

Deux grands moments ponctuent ce texte, des moments qui ont en commun la conséquence du salut de tout homme qui croit (Jn 3,15.16b) :

1° l’élévation du fils de l’homme à la manière de l’élévation du serpent d’airain au désert (Jn 3,13-15),

2° l’envoi du fils unique de Dieu par amour et pour le salut du monde (Jn 3,16-17). Cette conséquence possède une emphase d’actualisation ; elle n’est pas rejetée dans un futur utopique, mais dans une actualité active.

 

La foi en celui qui est descendu du ciel, parce qu’il y était dès le commencement (Jn 1,1), et qui est remonté glorieusement au ciel (après sa passion, mort et résurrection) est vivement sollicitée pour pouvoir obtenir le salut. Ce salut est en acte aujourd’hui. Pour cela le texte use du participe présent du verbe croire. Par sa venue en ce monde, ce monde que Dieu aime tant (Jn 3,16), le Christ a inauguré le temps du salut qui s’épanouira pleinement à la parousie. L’acte culminant de ce salut déjà inauguré est l’élévation sur la croix. C’est là que Dieu a donné la preuve suprême de son amour pour le genre humain. C’est aussi là qu’il fixe rendez-vous. En outre, il nous faut ici affirmer que l’usage du vocable monde (cosmos) n’est pas négatif. Il est objet de l’amour de Dieu, un amour qui crée et qui sauve.

 

 

Jean affirme l’avènement, la réalisation de ce salut dans l’Evangile en se connectant à la tradition du désert (Nb 21) ; là où Israël a fait l’expérience de la récrimination contre Dieu et en même temps de sa repentance en vue du salut ; là où Israël a fait l’expérience de la guérison de la morsure des serpents (action salvifique de Dieu) en regardant seulement le serpent d’airain que Moïse avait élevé sur l’ordre de Dieu.

 

 

Ainsi, le salut se réalise quand on prend le temps d’élever son regard, qui est symbole de l’élévation de toute sa vie,  vers Celui qui a été suspendu entre ciel et terre. Déjà dans la tradition de la prière juive, on rencontre le motif des yeux levés vers le lieu du salut (Ps 121), en attente du salut. Le croyant espère son salut de Dieu vers qui il élève ses yeux, son âme, sa vie. Le Même Jean reportera dans l’épisode de la crucifixion de Jésus la phrase de Zacharie 12,10 : « ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé ». Ici Jean emploie un verbe synonyme qui signifie lever les yeux, corrigeant ainsi le texte de la Septante.

 

 

C’est en contemplant le crucifié que l’homme obtient le salut. Alors, notre voix peut élever l’acclamation bien familière du chemin de la croix : « Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons, car tu as sauvé le monde par ta sainte croix ».

 

                                                                                                         Abbé Ildevert Mathurin MOUANGA