Il s’en alla dans un lieu désert, et là il priait |
Il s’en alla dans un lieu désert, et là il priait (5ème dimanche ordinaire – Année B)
Texte 1 = Jb 7, 1-4. 6-7 : « Je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube »
Par sa profondeur, sa valeur, son originalité et son actualité, le livre de Job, que nous classons parmi les documents à caractère sapientiel, peut être considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature et de la pensée universelles. Dans ce passage, Job se présente devant le Seigneur en gémissant sur son sort. Pour vivre, il doit travailler dur comme un saisonnier dont le travail est précaire, ou même comme un esclave qui n’a pas de liberté. Il souffre en gagnant durement sa vie. Les jours et les mois sont comme du néant. Voilà pour le jour (vv1-3a). Mais ce n’est pas mieux la nuit. Quand il dort, il ne sait pas s’il va se lever le lendemain. Et la nuit est pleine de délire, sans repos. Les jours passent vite et les nuits, avec leur lot de tracas, semblent trop longues (vv3b-6).
C’est, en apparence, comme un cri de désespoir que Job lance vers le Seigneur. Mais plutôt que celui de la « patience », c’est un texte immergé dans la « persévérance ». En effet, Job, qui se plaint et défend farouchement son innocence, conserve au fond de lui une surprenante sérénité. Il n’a jamais accusé son Dieu, se plaçant déjà dans la ligne de Jn 9, 2-3 : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? » Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui.» Et le tout se termine avec une lueur d’espérance par un appel.
Cette expérience de Job rejoint la nôtre : en effet, les difficultés, surtout en ce temps de crise généralisée, ne manquent pas dans notre vie. En temps d’épreuves personnelles ou communautaires, même si nous n’avons pas l’innocence de Job, n’oublions jamais le livre de Job et Jn 9, pour mieux nous situer devant Dieu et devant les souffrances de toutes sortes. Laissons-nous éclairer par ces paroles : en souffrant et en mourant par amour sur la croix, Jésus « a donné sens à notre souffrance, un sens que beaucoup d’hommes et de femmes de chaque époque ont compris et ont fait leur, expérimentant une sérénité profonde, même dans le chagrin de leurs épreuves physiques et morales.» (Benoît XVI, 01 / 02 / 09)
Texte 2 = Ps 146 (147): Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce
Ce psaume, qui semble contredire la première lecture, en est pourtant la suite logique. Il s’ouvre et se ferme par une invitation au chant, à la louange, à l’action de grâce (vv1 et 7). La raison est très simple : Dieu n’abandonne pas ses créatures, surtout celles qui sont le plus dans le besoin. Le fait qu’il dénombre les étoiles indique qu’il « est grand, plein de force et que son intelligence est infinie.» C’est le centre du psaume. Il n’est donc pas étonnant qu’il agisse efficacement, comme le montrent les versets 3c et 6. Ici, également, nous nous reconnaissons dans ce qui est dit et nous sommes invités à mettre notre confiance en un Dieu aussi présent et aussi puissant, qui « guérit, panse », en même temps qu’il « soutient les humbles et abaisse les infidèles.»
Texte 3 = 1 Co 9, 16-19. 22-23 : Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile
Dans ce passage, l’apôtre Paul parle de l’annonce de l’Evangile à laquelle il se consacre et continue de se consacrer (vv16, 16, 18, 18, 18, 23), gratuitement (v18), en toute liberté (v19) et avec générosité (vv18, 19). En parlant ainsi, l’apôtre défend sa qualité d’apôtre, comme tous les autres apôtres, même s’il n’a jamais rencontré physiquement Jésus. Il est vraiment apôtre, parce que, par grâce de Dieu, lui aussi est témoin de Jésus ressuscité (cf. 1Co 9, 1 ; 2Co 15, 8). Il exerce avec compétence son apostolat, sans user des droits que l’Evangile lui confère. Pour cela, il se fait tout à tous. C’est vrai que l’ouvrier a droit à son salaire, mais certains agents pastoraux, pensant trop à l’argent, tombent parfois, malheureusement, dans la cupidité.
Texte 4 = Mc 1, 29-39 : Allons ailleurs, pour y proclamer aussi l’Evangile
Nous pouvons diviser cet évangile en quatre parties : Jésus guérit la belle-mère de Simon (vv29-31) ; le soir, il guérit les gens et chasse les démons (vv32-34) ; de grand matin, il prie (vv35-38) ; il continue à prêcher et à chasser les démons (v39).
Quand Jésus apparaît officiellement, et pour la première fois, à la synagogue, il enseigne avec autorité (Mc 1, 22. 27), il guérit un homme possédé d’un esprit impur (cf. Mc 1, 23-27 ; 7, 20-23), il commande à l’esprit impur de se taire et de sortir (Mc 1, 25). C’est ainsi que Marc présente l’essentiel de la mission de Jésus, le Saint de Dieu.
Ici, nous avons les mêmes éléments, mais présentés autrement. Comme plus haut, nous avons une guérison individuelle, mais ici elle est physique, celle de la belle-mère de Simon. Là, il avait guéri un homme, et ici une femme : il est venu pour tous. La guérison, symbole de libération (aux vv23-26) revêt ici le caractère d’un double symbole. D’abord symbole de la résurrection, car le verbe grec utilisé ici pour « faire lever » (v31) est le même que celui utilisé pour la résurrection de Jésus (Mc 16, 6). Ensuite, nous avons le symbole de « service ». Jésus vient nous libérer pour que nous nous mettions debout et que nous nous mettions au service de Dieu et des autres (cf. v31).
Le soir, on lui apporte les malades et les démoniaques. Il guérit de nombreux malades, chasse de nombreux démons. Il ne laisse pas parler les démons, parce qu’ils le connaissaient (vv32-34). Il s’agit, ici, de guérisons collectives. Le texte insiste bien sur le fait qu’il chasse de nombreux démons, comme au v39. Et, comme au v25, Jésus ne les laisse pas parler. Nous retrouvons ici cette interdiction faite par Jésus aux démons qui le connaissent et reconnaissent en lui le Messie, celui qui vient pour les perdre. Il s’agit ici du « secret messianique ». Comme en Mc 8, 30, Jésus ne veut pas le révéler tout de suite. En effet, il ne sera révélé réellement que lorsqu’il sera sur la croix, car il est le Messie qui est entré dans la gloire par sa passion et sa mort sur la croix. Il est vraiment le Messie, mais un Messie qui sauve par sa mort sur la croix. Cet aspect, qui est capital, risquait d’être occulté par les miracles et par les paroles intempestives des démons.
De grand matin, il se lève, il sort, il va dans un endroit désert et, là, il prie (v35). Ce verset, vraiment central, est d’une très grande importance. Nous pouvons parler ici d’un « deuxième secret messianique », le secret qui explique ceci : il « enseigne avec autorité, il donne un enseignement nouveau, plein d’autorité, il guérit les malades et il chasse les démons. Il était un homme de prière, en communion permanente avec son Père, dans la puissance de l’Esprit Saint. C’est tellement vrai que Marc a placé ce passage en inclusion, entre « guérir, chasser les démons » (v34) et « prêcher et chasser les démons (v39).
Au centre de sa vie et de son action se trouve la prière dans laquelle il puise, chaque jour, la lumière -pour connaître la volonté du Père- ainsi que la force nécessaire pour enseigner et guérir. Et cela, il le fait partout, à la synagogue, à la maison et dehors, dans toute la Galilée (v39). Il parcourt tout le pays. Voilà un condensé de ce que doit être notre mission.
Conclusion : Par sa présence, par sa vie, par sa parole, par ses guérisons et ses exorcismes, Jésus est venu inaugurer le royaume de Dieu. A nous maintenant, de suivre ses pas et d’aller, nous aussi, dans l’Eglise et dans le monde porter la Bonne Nouvelle de l’Evangile, par notre témoignage de vie et par notre parole, en puisant chaque jour de nouvelles énergies dans la rencontre avec Jésus, dans la prière, dans les sacrements et l’écoute du magistère de l’Eglise.
Mgr Bernard NSAYI Evêque émérite de Nkayi
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