Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes

 

Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes (5ème dimanche de Carême – Année B)

 

   

  

Jer 31, 31-34 : Je conclurai avec la maison d’Israël une alliance nouvelle

   

Ici, de façon solennelle, par la bouche de son prophète, Dieu nous révèle le dynamisme et le sens profond de l’alliance, de sa relation avec son peuple. C’est l’histoire bouleversante d’une marche commune, au cours de laquelle Dieu reste maître de la situation, parce qu’il est fidèle, tandis que les hommes rompent souvent cette alliance par leur fautes, par leurs péchés. Ici, après la rupture, Dieu promet de conclure avec la communauté d’Israël et la maison de Juda, une alliance nouvelle (vv31.32.33). Par cette alliance nouvelle, Dieu agira surtout de l’intérieur, au fond d’eux-mêmes, dans leur cœur, dans leur être. Il leur donnera la connaissance. Ils connaitront Dieu : alors lui, sera leur Dieu, et eux seront son peuple. Ce sera une nouvelle aventure parce qu’il pardonnera toutes leurs fautes (vv33-34). Cette promesse d’une alliance nouvelle s’est réalisée en Jésus-Christ pour notre salut, pour que nous puissions connaître notre Dieu et nous mettre à son service.

   

Ps 50, 3-4.12-15 : Rends-moi la joie d’être sauvé

   

Nous nous trouvons ici dans un psaume de pénitence. En toute humilité, le fidèle reconnaît ses tords, ses fautes, ses péchés (vv2 et 3).  Cette attitude est fondamentale pour la sincérité de notre relation à Dieu. Elle permet à Dieu d’exercer sur nous sa miséricorde en nous pardonnant, en nous purifiant. C’est de cette façon qu’il réitère en quelque sorte son œuvre créatrice ou plutôt qu’il la continue, pour créer en nous un cœur pur, un esprit neuf. Avec le psalmiste, nous implorons vraiment la miséricorde du Seigneur, pour qu’il nous rende « la joie d’être sauvé » et que nous puissions continuer autour de nous son enseignement afin de faire revenir à lui ceux qui se sont éloignés de lui (v15).

    

He 5, 7-9 : Il a appris, par ses souffrances, l’obéissance

     

L’auteur de la lettre aux Hébreux nous présente le Christ dans la profondeur de sa filiation divine. Il a été vraiment pour nous, devant Dieu, le Grand Prêtre, l’Intercesseur, le Médiateur. Dans son amour pour son Père et pour nous, il s’est sacrifié, il s’est soumis, il a obéi, nous traçant ainsi le chemin à suivre pour être sauvés. Il a prié, il a supplié, il a souffert et il est mort. C’est de cette façon qu’il nous conduit au salut éternel (v9). Nous avons ici comme un écho de l’hymne de la lettre aux Philippiens (Ph 2, 1-11). C’est une invitation à contempler Jésus, à l’imiter et à prendre au sérieux, nous aussi, notre filiation divine, réalisée par la foi depuis notre baptême, et renforcée, pour beaucoup d’entre nous par leur ordination sacerdotale ou leur consécration religieuse.

     

Jn 12, 20-33: Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes

    

Nous sommes en chemin et, avec les Grecs de l’Evangile, nous aussi, nous montons à la fête, pour célébrer la Pâque de notre Seigneur. En cette cinquième semaine de carême, deux semaines avant la fête de Pâque, notre regard se fixe plus résolument sur la personne de Jésus, et particulièrement sa glorification, c’est-à-dire sa mort  et sa résurrection.

   

L’évangile de ce dimanche est comme une théophanie qui nous ramène aux bergers de Bethléem, aux mages venus d’Orient, au baptême de Jésus, aux apôtres de la transfiguration et nous oriente déjà vers la passion, la mort, la résurrection, l’ascension, la pentecôte et l’eschatologie glorieuse.

   

Il se présente donc comme un condensé de tout le message de carême avec son objectif, son but, la résurrection de Pâques. Les Grecs représentent les non Juifs, les peuples étrangers, les peuples païens. Et ils vont d’abord trouver Philippe, de Bethsaïde, une localité au nord-est de la de Galilée, dans une région considérée comme païenne. André, lui aussi, est de la Galilée. Ils sont comme les mages, partis de loin et venus à Bethléem pour odorer Jésus et lui rendre hommage. C’est comme au baptême de Jésus, où le Père s’était également manifesté et avait parlé. C’est comme à la transfiguration. Là, Jésus était apparu dans sa gloire, révélant sa véritable identité et anticipant sa passion-mort, qui serait une dure épreuve pour les apôtres.  

   

Les Grecs, comme les mages, se mettent en route, en direction à la fois de Jésus et de la Pâque de Jésus. Pour arriver à Jésus, ils passent par l’intermédiaire de Philippe. Celui-ci ne va pas directement à Jésus, mais en parle à André. Et c’est ensemble qu’ils en parlent à Jésus. La réponse de Jésus parlant de la glorification est surprenante, comme l’était d’ailleurs le moment de sa transfiguration. De même que la transfiguration annonçait et préparait la passion et la résurrection, de même, l’arrivée des Grecs jusqu’à Jésus indique le moment  de « son heure », parce que, enfin, l’évangile est annoncé aux païens. La parabole du grain de blé qui meurt et donne beaucoup de fruit est une annonce claire de sa mort prochaine (v24). Par cette mort arrivera la vie éternelle (v25). Le verset 26 fait écho à un autre passage : « Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon » (Mc 10, 45). Mais ici, Jésus montre qu’en parlant de lui, il parle également de tous ceux se mettront à sa suite.

    

Servir Jésus et le suivre, ce n’est pas seulement entrer en relation avec lui, mais c’est aussi se lier au Père qui l’a envoyé et que lui-même sert. Voilà pourquoi le Père l’honorera. Mais tout passe par « l’heure » fixée justement par le Père. L’heure de la passion et de la mort. Une heure terrible, celle pour laquelle Jésus est venue et par laquelle il sera glorifié. Et, comme au moment du baptême, une voix, à l’intention de la foule – où se trouvent aussi les Grecs -  se fait entendre pour confirmer cette glorification.

    

Dans ce qui va se passer - sa passion et sa mort -, se réalisera le jugement du monde et plus précisément celui du prince de ce monde qui « sera jeté dehors ». Sur la croix, Jésus « sera élevé de terre », sera exalté, comme le dit si bien le passage  aux Philippiens. Cette élévation sur la croix est étroitement associée à la résurrection et à l’ascension. Ici, Jésus nous introduit déjà dans le mystère de sa passion et résurrection, que nous allons vivre bientôt dans la Semaine Sainte, et spécialement le Vendredi Saint. Ce que Jésus va vivre est la réalisation du plan du Père. Il est à la fois le Fils qui se soumet par amour, à la volonté de son Père. Et il est à la fois le Grand Prêtre qui intercède pour nous. Par son obéissance et ses souffrances, il nous conduit au salut éternel (He 5,9).

   

Notre évangile, qui a été écrit bien après la mort, la résurrection et l’ascension de Jésus, bien après la Pentecôte, est un témoignage de la communauté johannique. Elle vivait sans doute la persécution ou, du moins, elle devait, selon les avertissements du Maître, s’attendre à subir les persécutions et même la mort. Tout ceci est également valable pour nous, qui avons décidé de suivre Jésus. Mais la mort n’aura pas le dernier mot, elle est seulement le chemin par lequel nous fait passer le Père avant de nous accueillir dans sa gloire. Nous sommes invités à méditer et à contempler le mystère de la croix. Ce mystère est une réalité difficile à accepter, comme nous l’a montré l’apôtre Pierre (Mc 8, 31-33). Demandons à Dieu la grâce de le comprendre et de l’accepter, parce qu’elle est le passage pour notre salut et notre glorification. C’est seulement de cette façon que nous comprendrons, en Jésus, le sens de nos souffrances.

       

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi