Ils étaient comme des brebis sans berger

 

Ils étaient comme des brebis sans berger (16e dimanche ordinaire - Année B)

 

 

 

Jérémie 23, 1-6 : Je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis

 

La mission de Jérémie, à cheval entre le 7e et le 6e siècle, se situe dans une période très tourmentée, qui marquera durement la vie du prophète lui-même. Le passage qui nous concerne, prenant appui sur le thème du pasteur, se concentre principalement sur l’aspect religieux. Dès le début, au  v1, le Seigneur parle contre les pasteurs qui ne s’occupent pas de leurs brebis, lesquelles, négligées, périssent, se dispersent et s’égarent (vv1-2). Dans la deuxième partie, le Seigneur lui-même prendra la place des mauvais pasteurs. Ainsi, rassemblées, ramenées dans leurs pâturages, elles seront fécondes et se multiplieront. Elles ne seront plus apeurées et accablées parce que le Seigneur leur donnera des pasteurs qui les conduiront (vv3-4). La troisième partie (vv5-6), toujours dans la ligne des deux précédentes prend, avec la mention du roi David, une tournure plutôt messianique. La promesse qui visait plutôt les pasteurs, se focalise sur une personne, un germe juste, qui régnera en vrai roi, agira avec intelligence et exercera le droit et la justice. Une des réalisations les plus importantes de ce roi sera l’unité entre Juda et Israël. Seul Jésus, Fils de David, réalisera véritablement ce rêve messianique. C’est lui, le roi juste, le Prince de la paix, qui mourra pour rassembler non seulement le peuple élu, Juda et Israël, mais encore tous les enfants de Dieu dispersés (Jn 11, 49-52).

 

 

Psaume 22, 1-6 : Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien

 

Ici, le psalmiste présente le Seigneur comme son berger, avec qui il ne lui manque rien. En bon berger, il le fait reposer, le mène vers les eaux tranquilles, le fait revivre et le conduit sur le juste chemin (vv1-3). Après cette présentation très sereine, voici une deuxième partie dans laquelle apparaît le thème des dangers qui menacent la vie du psalmiste. Mais ici encore, il ne craint aucun mal, parce que le Seigneur est avec lui. A partir de ce verset 4, le passage au style direct, orienté vers le Seigneur, consolide la confiance du psalmiste. En effet, la présence du Seigneur guide, rassure, lui assure la victoire devant ses ennemis (v5). Mais tout cela n’est qu’une route qui mène vers le véritable but : habiter la maison du Seigneur (v6). Dans les tourmentes de toutes sortes que nous traversons dans notre vie, dans nos familles, dans notre pays, dans notre monde, nous pouvons faire nôtres les paroles du psalmiste.

 

 

Ephésiens 2, 13-18 : C’est lui, le Christ, qui est notre paix

 

Notre Dieu et Père, bon berger pour nous, continue l’œuvre de son amour par son Fils Jésus, qui nous a rendus proches par son  sang et qui est notre paix. Dans ce passage, l’apôtre Paul, conformément à son génie, présente un condensé de l’histoire du salut, œuvre du Père (vv13 et 18), du Fils (vv13-18) et du Saint Esprit (v18).  Au centre, nous avons le Christ qui a versé son sang pour nous sur la croix (vv13 et 16), pour être notre paix et notre unité. Cela ne concerne pas seulement les hommes, tous les hommes, mais encore et surtout Dieu et les hommes, parce que le Christ refait notre unité avec le Dieu de l’alliance (vv13c et 16). C’est ainsi que, faisant tomber le mur de la haine et tuant la haine en sa personne, il est vraiment notre paix (vv14. 15. 17. 17. 17). Dans un monde qui donne le spectacle désolant des divisions de toutes sortes, dans nos vies, dans nos familles, dans nos pays, dans notre société, dans notre monde, dans notre Eglise, ce passage de Paul, à situer principalement sur le plan spirituel, constitue tout de même pour nous tous, une invitation à œuvrer pour que nous puissions être des agents d’unité et de paix.

 

 

Marc 6, 30-34 : Ils étaient comme des brebis sans berger

 

L’évangile de Marc, que nous pouvons situer entre 65 et 70, a vu le jour dans un contexte également tourmenté. Les conséquences des persécutions, surtout celle de Néron, sont encore bien présentes dans les esprits. Le danger de la dispersion, des divisions et du découragement est donc une réalité. C’est avec cet arrière-fond que Marc nous présente Jésus, le bon pasteur qui, par sa présence et son enseignement, ensemble avec ses apôtres, rassemble et conduit les hommes vers le Père. Ecoutons la présentation de Marc.

 

Nous sommes toujours dans le cadre de l’alliance voulue par le Père et qui se réalise par Jésus, présent au milieu de nous. A son tour, Jésus s’associe les douze apôtres pour collaborer avec lui. Après une première tournée missionnaire, ceux-ci se réunissent auprès de lui. Ils lui rapportent ce qu’ils ont fait et enseigné. Notons bien ces mots qui nous indiquent deux faits importants. Le premier fait est que les apôtres ne sont pas fermés sur eux-mêmes. Ils sont conscients que le travail qu’ils ont réalisé est un travail en collaboration avec Jésus qui les a envoyés après leur avoir donné des instructions. Ils ont donc le devoir de se référer à lui, à la fois pour faire un partage avec lui, pour approfondir leur formation auprès de lui et prendre des forces nouvelles – parce que sans lui, ils ne peuvent rein faire (Jn 15, 5). Le deuxième fait est l’indication du contenu de leur mission : faire et enseigner. Difficile de préciser le contenu de ces deux verbes, mais nous pouvons les comprendre comme la mise ensemble continuelle de deux réalités : agir et parler,  action et parole. Marc souligne l’importance de l’enseignement, car ce verbe est le même qui conclut ce passage (v34). FAIRE et ENSEIGNER constituent les deux éléments constitutifs de la mission.

 

Après que les apôtres aient fini leur compte-rendu, Jésus leur demande de venir à l’écart, dans un endroit désert, et de se reposer un peu. Nous avons ici, un autre élément constitutif de la mission : savoir se détacher de ses brebis, savoir se retirer dans un endroit désert, savoir se reposer, prendre le temps de manger. Ces deux versets (31 et 32), sont à méditer, car ils sont un véritable enseignement.

 

Les hommes dont nous devons nous occuper dans notre ministère seront toujours nombreux, et même envahissants parfois, comme le montent les versets 31, 33 et 34. Quand ils nous ont trouvés, ils ne nous lâchent plus, et ils ont raison, puisque nous sommes là pour être à leur service. La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Nous avons déjà, en toile de fond, une invitation à prier pour qu’il y ait toujours des pasteurs, mais des pasteurs selon le cœur de Dieu, qui savent se retirer « dans un endroit désert ».

 

La finale est d’une importance capitale, parce qu’elle nous met devant Jésus, le vrai berger, en fait le seul berger. Tous les autres collaborateurs, qu’ils soient apôtres, évêques, prêtres, ne sont que des collaborateurs, des serviteurs. Les apôtres « partirent dans la barque » avec Jésus ; ils sont bien ensemble, et ils arrivent bien ensemble (v32). Et pourtant, au v34, Marc ne présente pas un groupe, Jésus et les apôtres, mais uniquement Jésus. C’est lui qui débarque, lui qui voit, lui qui est saisi de pitié, lui qui se met à instruire longuement. C’est lui seul qui montre comment « avoir pitié des foules ».

 

Les textes de ce dimanche nous invitent à mettre Dieu au centre de notre vie, que nous soyons évêques, prêtres, religieux, religieuses, fidèles laïcs. Mais cette invitation concerne de façon spéciale les évêques et les prêtres, car ce sont eux qui ont le devoir de l’enseignement au sein du peuple de Dieu. Pour être à la hauteur de la mission qui est la leur, ils doivent toujours savoir que les personnes auxquelles ils sont envoyés ne sont pas leur propriété. Ce ne sont pas leurs chrétiens à eux, ce sont les brebis de Dieu, ses fils et filles. Pour les conduire à lui, ils doivent rester en profonde communion avec Jésus, qui est celui qui les envoie, qui les soutient et qui les éclaire. Ils sauront donner une grande place à la prière et aux retraites.

 

 

 

+ Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi