La multiplication des pains : une préfiguration de l’Eucharistie

 

La multiplication des pains : une préfiguration de l’Eucharistie (17ème dimanche Ordinaire)

 

 

Textes : R 4, 42-44 ; Ps 144 (145) ; Ep 4, 1-6 ; Jn 6,1-15.

 

 

L’Evangile de Marc que nous lisons pendant les dimanches de l’Année liturgique B, cède la place à l’Evangile selon Saint Jean pour ce 17ème dimanche. Le contexte est le suivant : dans l’Evangile de Marc, le constat de la misère des foules (Mc 6,34) est suivi du miracle de la multiplication des pains (Mc 6,35-44). Jésus nourrit les foules d’abord avec sa parole, avec son enseignement (v. 34b), puis avec le pain (vv. 35-44). Ces deux réalités mises ensemble, nous ramènent au schéma de la célébration eucharistique formée essentiellement de deux moments : la liturgie de la parole et la liturgie de l’eucharistie. Le Christ s’occupe de l’homme dans sa totalité, corps et esprit. Le Christ veut sauver l’homme dans sa totalité.

 

Par ailleurs, l’épisode de la multiplication des pains se trouve au moins une fois chez tous les évangélistes (Mt 14,15-21 ; 15,32-39 ; Mc 6,35-44 ; 8,1-9 ; Lc 9,10-17 ; Jn 10,1-13). On peut donc admettre que c’est un fait qui a marqué la mémoire de la communauté chrétienne naissante. Et si à cela s’ajoute la référence à la dernière cène, au cours de laquelle Jésus a institué l’Eucharistie, cet épisode prend encore de l’ampleur. La multiplication des pains devient une préfiguration de l’Eucharistie. Il en résulte donc une conscience encore plus vive que le Christ, en tant que nourriture, est le soutien de toute vie humaine aussi bien corporelle que spirituelle. Au miracle de la multiplication des pains, Jean ajoute une référence discrète à l’approche de la Pâque (Jn 6,4), la fête juive qui commémore la libération d’Egypte. La dernière cène, elle aussi se déroulera dans un contexte pascal (Mc 14,1). Ceci porte à comprendre la multiplication des pains comme un acte (un signe, pour reprendre le vocabulaire johannique) de salut. Une telle relecture nous permet de nous situer dans un contexte comme le nôtre en vue de travailler aussi pour ce pain, en lui donnant tout son caractère salvifique.

 

L’épisode se déroule au bord du lac de Galilée, qui est très connu des lecteurs du Nouveau Testament et des disciples. C’est là que Pierre et ses compagnons ont été appelés pour se mettre à la suite de Jésus. Et c’est aussi là que les premiers disciples exerçaient leur métier de pécheurs. C’est donc aux abords de cet endroit dont la valeur nutritionnelle est sans conteste que se déroule le miracle de la multiplication des pains. D’ailleurs la mention des poissons renvoie bien au Lac. Mais désormais, ce n’est plus au lac qu’il faut se tourner pour trouver la nourriture, mais à Jésus qui donne le pain qui devient nourriture de vie éternelle (Jn 6,27). Désormais ce n’est plus le lac de Galilée qui nourrit Pierre et ses compagnons, mais la présence de Jésus. La prière que Jésus enseignera aux disciples comportera, du reste, la demande pour le pain (Mt 6,11 ; Lc 11,3). Le chrétien reçoit sa subsistance avant tout de Dieu dont la providence est sans limite. Et l’homme qui y travaille collabore à l’œuvre de Dieu qui nourrit l’affamé.

 

Jean montre un Jésus maître de la situation, conscient de la présence de la foule. Il lève les yeux et voit la multitude (Jn 6,5). Il sollicite la collaboration des disciples. On peut donc noter l’intervention de Philippe et d’André. Le miracle advient aussi avec eux. Le garçon qui a les cinq pains d’orge et les deux poissons contribue énormément lui aussi. Le Christ opère le miracle non sans la collaboration de l’homme. Chacun donne du sien. Mais au centre se trouve le Christ. Alors que l’homme montre ses limites, Dieu peut encore. Le miracle advient justement lorsque l’homme ne peut plus rien. Dieu agit au-delà de la capacité humaine. Tout miracle de Jésus dans l’Evangile montre cette double réalité : la limite de l’homme et la toute puissance divine. L’homme collabore, certes, mais c’est toujours à la limite de ses moyens. Mais lorsqu’il met ses limites même à la disposition de Dieu, celui-ci peut y accomplir une merveille.

 

On mange autant qu’on veut, on se rassasie et il y a encore des restes (Jn 6,12-13). Ce qui frappe dans les récits de la multiplication des pains, c’est aussi le motif de la récupération des restes. Rien ne se perd. Rien ne se gaspille. De ces restes on ne dit jamais dans l’Evangile ce qu’on en fait. Tout ce qu’on sait, c’est qu’on les ramasse. L’épisode de la multiplication des pains veut aussi nous enseigner contre le gaspillage de l’abondance de la grâce de Dieu. Il peut être une tentation tout à fait humaine d’abuser même de la grâce de Dieu. La multiplication des pains ne se marie pas avec le gaspillage de pain. Ce que le Seigneur donne dans sa providence, même si c’est avec notre collaboration, mérite d’être bien administré, de sorte que rien ne se perde. Le Christ agit ainsi avec les pains, comme avec les hommes. Il ne veut rien perdre de ceux que le Père lui a donné (Jn 17,12). La multiplication des pains interpelle aussi notre conscience sur la bonne gestion des dons de Dieu.    

 

 

Abbé Ildevert Mathurin MOUANGA