La foi s’appuie sur une personne : Jésus-Christ

 

La foi s’appuie sur une personne : Jésus-Christ (18ème dimanche du Temps ordinaire – Année B)

 

Textes : Ex 16, 2-4.12-15 ; Ps 77 (78) ; Ep 4, 17.20-24 ; Jn 6, 24-35.

Le texte d’Evangile qui nous est proposé ce dimanche, extrait de Saint Jean, est une suite de celui du dimanche dernier. Mais les deux textes sont séparés par un autre épisode (Jn 6,16-23) : les disciples se dirigent en barque vers Capharnaüm, et Jésus les y rejoint dans la nuit. Au matin, les foules les retrouvent à Capharnaüm. C’est là que se déploie le grand enseignement sur le pain venu du ciel dont la conséquence est l’abandon de nombreux parmi les disciples. Pierre, quant à lui, au nom des douze, réussira à émettre sa profession de foi en Jésus Christ qui a les paroles de vie éternelle (Jn 6,26-71). La liturgie nous fait méditer le début de cet enseignement. C’est une page très émouvante qui s’ouvre. Jean manipule bien, ici comme ailleurs, la technique du quiproquo pour développer le message du Seigneur. Le discours atteindra son climax avec l’autorévélation de Jésus comme le pain de vie (Jn 6,35a).

Le premier moment de cet épisode est la recherche de Jésus.  La foule veut vraiment le retrouver et donc se met à sa recherche. Les versets précédents le montrent bien (Jn 6,22-23). Le Christ, qui parcourrait les routes de la Palestine pour annoncer et actualiser le Royaume de Dieu, devait vraisemblablement exercer un attrait sur les hommes. Ainsi on peut le chercher jusqu’à ce qu’on le trouve. Mais, également, il se peut que cette recherche ne soit pas aussi authentique qu’on le croirait. La suite le révèlera (Jn 6,26). De même, dimanche dernier, l’Evangile s’arrêtait sur le fait de vouloir enlever Jésus pour le faire roi, mais celui-ci se retira tout seul vers la montagne (Jn 6,15). Il y a eu donc une raison de chercher Jésus. Mais ce sera à Jésus lui-même de la purifier. En même temps, il faut noter la difficulté qu’ici il ne s’agit plus du tout de royauté, alors qu’on l’a retrouvé. La peur serait donc passée. Au contraire, Jésus reprend le devant de la scène pour donner un de ses plus grands enseignements retenus par les Evangiles. La Parole de Dieu nous invite alors à mettre la lumière sur notre propre sequela Christi. Dieu se laisse trouver par ceux qui le cherchent. Mais il reste toujours nécessaire de voir pourquoi on le cherche.

Manger le pain est au cœur de cet évangile. Il a d’abord le sens de nourriture du corps, que l’on mange et dont on se rassasie (6,26). Mais, dans ce sens, c’est aussi une nourriture qui se détruit (6,27a) ; une nourriture sans consistance, sans substance. Alors on le relativise. Il ne doit pas être à absolutiser. Par ailleurs, ce pain servira d’analogie à une autre nourriture qui, elle, ne passe pas mais reste pour la vie éternelle (6,27b). La vie éternelle, de son côté, est un concept d’un grand intérêt pour Jean (Jn 3,15). Elle représente le salut du cosmos apporté et actualisé par le Christ. C’est de ce pain dont le Christ dira enfin de lui-même qu’il est le pain de vie (6,35). C’est finalement pour ce pain que l’on doit travailler (6,27). Voilà le point vers lequel Jean veut emmener le lecteur de cet évangile. Ce pain est celui que donne le Fils de l’homme lui-même. En lisant cela, nous ne pouvons pas ne pas faire une connexion avec l’institution de l’Eucharistie (qui manque chez Jean), où le Christ dira en prenant le pain et en rendant grâce : « Ceci est mon corps » (Mt 26,26). On peut dire que Jean fait vivre l’ambiance de l’institution de l’Eucharistie par ce discours sur le pain de vie.

Le Christ est ici présenté avec une analogie fort curieuse : « Celui que le Père a marqué d’un sceaux » (6,27c). Le sceaux est symbole d’authentification, mais il est aussi synonyme de secret. Jésus est l’image authentique du Père. Comme il le dira lui-même à Philippe : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9). Il est la représentation authentique du Père. Et en raison de cela, il se donne comme nourriture qui vient du Père et qui communique cette vie du Père. Il se donne comme subsistance de la vie de l’homme. En outre, il est celui qui connaît le secret de Dieu et de l’homme et qui le révèle. C’est lui qui apporte la révélation définitive du Père des cieux. Saint Jean de la Croix dira que l’on ne doit plus chercher une autre révélation en dehors du Christ. Le livre de l’Apocalypse présentera Jésus, l’agneau de Dieu, comme celui qui descelle le sens de l’histoire (Ap 5-6). C’est lui qui a été jugé digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux (Ap 5,9-10.12). C’est ainsi que le croire en lui devient important, indispensable comme moyen de travailler à l’œuvre de Dieu (Jn 6,29 ; 1Jn 3,23). Tout ce que l’homme a à faire pour participer au don absolu et définitif du salut, est d’accepter, de croire que le crucifié Jésus est celui que Dieu a envoyé, révélant l’amour de Dieu sans restriction envers tous les hommes. Celui que Dieu a marqué de son sceaux (6,27) est le même qu’il a envoyé (6,29), en qui on doit croire. La foi chrétienne s’appuie sur cette base solide, la personne de Jésus-Christ, fils de Dieu qui est mort et ressuscité. Elle n’est pas une croyance en une idée éthérée de Dieu, ni même sur un idéal de vie. Elle est foi en une personne qui nous révélé Dieu, Jésus-Christ, le Fils de Dieu. La foi a une connotation historique.

Lorsque le discours touche précisément l’exigence de la foi en celui que le Père a envoyé, juste en ce moment surgit la contestation de la foule qui, probablement, a compris le fond du message. Alors elle va chercher la comparaison avec Moïse, celui dont le livre de l’Exode dit qu’Israël crut en YHWH et en Moïse son serviteur (Ex 14,31). En fait, dans la tradition vétérotestamentaire c’est l’unique homme pour qui on confesse l’acte de foi dû à Dieu seul (Cf. Ex 20,1-3 ; Dt 5,6-8). Et l’épisode que l’on prend de ce Moïse, c’est précisément celui de la manne, le pain venu du ciel (Ex 16 ; Cf. Ps 78,24). Mais là encore, on ne saurait prendre Moïse, le serviteur du Seigneur, pour le Seigneur même qui a donné à manger le pain venu du ciel. Ainsi, que ce soit pour la manne au désert, que ce soit le pain véritable qui vient du ciel, il n’y a que Dieu qui le donne. La manne devient par conséquent une préfiguration de ce vrai pain qui descend du ciel. Dieu est la substance par excellence de la vie de l’homme sur la terre. C’est lui qui donne la vie à ce monde sans vie véritable. Ainsi qui croit en lui, reçoit la vie.

Cet Evangile nous permet, en prolongeant la réflexion commencée dimanche dernier sur la nécessité de travailler aussi pour le pain qui rassasie la faim corporelle dans notre contexte de non développement, de préciser que le premier pain qu’il faut donner au peuple de Dieu, consiste à renforcer sa foi au Christ. C’est lui que le Père a envoyé pour rassasier toute faim et étancher toute soif. Avec une foi au Christ bien enracinée, nourrie par la Parole de Dieu et les sacrements, soutenue par la tradition vivante de l’Eglise, on peut alors travailler aux autres œuvres de Dieu. On peut lutter contre la faim, contre la pauvreté qui en est à la base. Mais la foi au Christ dans notre contexte africain est indispensable. Le Pape Benoît XVI n’hésite pas de le mentionner à la conclusion de sa récente Lettre Encyclique, Charité dans la vérité, que seul un humanisme ouvert sur la transcendance peut générer un vrai développement de chaque homme et de tous les hommes (Cf. Charité dans la vérité, n. 78). C’est un défi qui est lancé à l’Eglise d’Afrique à la veille de la deuxième Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique.  

 

 Abbé Ildevert Mathurin MOUANGA