Le destin du Fils de l’Homme est celui de servir, et non d’être servi

 

Le destin du Fils de l’Homme est celui de servir, et non d’être servi (29ème Dimanche ordinaire - Année B)

 

Textes : Is 53, 10-11 ; Ps 32/33, 4-5.18-20.22 ; Hb 4, 14-16 ; Mc Mc 10, 35-45

 

La liturgie de la Parole de ce 29ème Dimanche ordinaire montre un aspect très unifié, centré sur la figure du Christ serviteur souffrant du Seigneur (1ère lecture), prêtre qui sait compatir à nos infirmités (2ème lecture), et serviteur de tous jusqu’à « donner sa vie en rançon pour la multitude » (Evangile). Avec cette prémisse, nous allons suivre le fil conducteur christologique qui unifie les trois péricopes, distinctes à l’origine par leur perspective et leur finalité.

Le texte de la 1ère lecture est un recueil des fragments du célèbre quatrième chant du serviteur du Seigneur, œuvre de ce prophète anonyme après l’exil, conventionnellement appelé le second Isaïe. Au centre de la scène émerge un personnage mystérieux, appliqué à Jésus Christ par la tradition. C’est une présence vivant dans un monde mort et affligé par le péché humain. C’est un homme défiguré, qui entre dans la société, mais il est méprisé par elle, parce qu’on interprète sa souffrance comme une punition divine, et donc on craint la contagion. Mais la mort n’est pas le but définitif vers lequel aboutit cette vie de souffrance innocente. Au contraire, la mort fait fleurir le mystère de la fécondité contenu dans le rejeton. Il « justifiera la multitude » en les sauvant avec sa souffrance, et on peut contempler Dieu même dans la gloire de l’exaltation finale. Sa vie et sa mort ont été un sacrifice d’expiation pour nous. Son « être serviteur » a été notre justification et notre réconciliation avec Dieu.

Même le destin du Fils de l’Homme est celui « servir, et non d’être servi », selon l’expression utilisée par Jésus en Mc 10, 45. Le verset est significatif surtout pour la théologie du salut qu’il propose. Contre la conception des fils de Zébédée, ancrée à un messianisme de revendication de pouvoir, Jésus oppose la proposition d’un messianisme d’immolation et de don total de soi à Dieu. C’est cette « coupe », c’est-à-dire le sort que Jésus offre à ceux qui veulent le suivre. Même si à ces disciples encore immatures et « fils de tonnerre » (Lc 9,52-55) Jésus offrira la même « coupe » et le même « baptême » de sang, au lieu de leur assurer des places d’honneur dans le règne messianico-politique, il leur remettra un destin de sacrifice et de disposition à l’égard des frères. C’est le sens de toute autorité chrétienne. L’autorité que Jésus communique à ses disciples n’est pas domination mais une « qualité donnée par Dieu pour un service ».

Le don total de soi du Christ pour le salut de l’humanité est exprimé dans l’homélie aux Hébreux, sous le schéma sacerdotal qui est typique de la réflexion de cette œuvre difficile et significative de la première théologie néotestamentaire. Sous le symbolisme spatial (« entrer dans les cieux »), l’auteur veut révéler le mystère profond de la Pâques du Christ, qui est le fondement de la libération et du salut. Le Christ « a pris » notre humanité en se faisant « proche » de tout homme, en y partageant la même réalité, mais le Christ « est entré » dans les cieux, c’est-à-dire la sphère divine à laquelle il appartenait par nature, et c’est vraiment par ces deux passages qu’il peut se sauver. Il est proche de nous pour nous récupérer à Dieu, et il est éloigné pour nous sauver. Cette fonction médiatrice est par excellence sacerdotale, et c’est ainsi qu’il devient notre ami, notre prêtre parfait. L’humanité pécheresse s’adresse à Lui, certainement pour retrouver non pas un « trône », c’est-à-dire un dominateur souverain, mais un « trône de grâce », c’est-à-dire un Seigneur sauveur.

A la lumière de ces textes que propose la Sainte Eglise à notre méditation, nous pouvons tirer deux leçons pour nous mettre résolument à la suite du Christ. La première est que le salut est le fruit de l’amour plus que des sacrifices. Le disciple du Christ ne doit pas se lier à des privilèges et à des mérites ; il ne doit pas fonder la vie spirituelle sur un bilan volontariste de bonnes œuvres pour obtenir en échange la vie éternelle, mais il doit se donner lui-même dans la fraternité et dans l’amour dont les lois ne sont pas économiques mais liées aux « raisons du cœur ». La seconde est celle du code de l’autorité et de la responsabilité chrétienne qui est opposée à celui de la politique basé sur la domination, sur la suprématie et, souvent, sur l’exploitation. Toute responsabilité dans les divers degrés de la hiérarchie de l’Eglise doit être, au contraire, service, humilité, joie, épanouissement de l’autre, et pour le bien du prochain.

L’amour de Dieu nous demande d’être à notre place, qui sera toujours la première place, si nous sommes dans la volonté du Seigneur. Que le Seigneur nous donne d’être des serviteurs fidèles, des serviteurs inutiles.

 

                                     Abbé Camille BIEMOUNDONGHAT

                                     Professeur de Théologie dogmatique au Grand Séminaire E. Biyenda de Brazzaville