La charité est la seule manière de distinguer le jour du Christ

 

La charité est la seule manière de distinguer le jour du Christ (2ème dimanche de l’Avent - Année C)

 

Textes : Ba 5, 1-9 ; Ps 125 (126), 1-6 ; Phil 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6

 

L’Eglise nous donne de lire, en ce deuxième Dimanche de l’Avent, des textes qui nous mettent dans une atmosphère de fête et de joie, dans l’attente du Seigneur. Le livre de Baruch témoigne, du début à la fin, d’une joie intense même aux heures sombres de la captivité. Cette péricope qui fait l’objet de notre première lecture est extraite d’une homélie prophétique construite dans le style du prophète du second Isaïe, de retour de l’exil de Babylone. A travers une collection dense de symboles et d’impératifs joyeux, Baruch 5 veut lancer un message de confiance et d’espérance. La vie et le bonheur sont encore possibles après l’amertume et l’obscurité. Naturellement, c’est une phrase, reproduite par Is 40,3-4, qui lie de manière idéale ce passage de Baruch avec la lecture évangélique : « Car Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en toute sécurité dans la gloire de Dieu » (Ba 5, 7).

Maintenant, la phrase est reprise par le Baptiste, l’annonciateur de l’Avent : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées » (Lc 3,4-5). La péricope de Luc consacrée au Baptiste est significative surtout la définition des  cartes politique (les gouverneurs et les procureurs) et religieuse (les grands prêtres Anne et Caïphe). C’est dans le cadre de l’histoire humaine, avec l’enchevêtrement de ses misères et de ses puissances, que la parole de Dieu « investit » le dernier prophète, le Baptiste, et s’incarne ensuite dans le Fils Jésus-Christ. Et cette parole ne retournera pas vers Dieu sans résultat, mais elle passera à travers l’histoire en la transformant. Exactement comme l’avait écrit le second Isaïe dans la dernière page de sa prophétie : « Comme la pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange, ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission » (Is 55, 10-11).

Pour pouvoir déchiffrer et percevoir cette présence de Dieu dans les dynamismes souvent incompréhensibles et décourageants de l’histoire, il faut nécessairement la voix du prophète. Pour découvrir derrière les traits communs et inévitables d’un homme appelé Jésus, résidant à Nazareth et « fils du charpentier », le Fils de Dieu qui est entré dans notre communauté des hommes, il faut nécessairement la voix du prophète Jean Baptiste. En recueillant l’écho de l’antique prophétie, il montre du doigt le sens profond de l’histoire. Une route rectiligne est en train d’être tracée sur les abimes de l’absurde et les montagnes de l’orgueil et de l’idolâtrie. Et cette route conduit au salut offert par Dieu en Jésus. En effet, Luc, contrairement à Marc et Matthieu, continue la citation d’Isaïe, en ajoutant : « Tout homme verra le salut de Dieu » (Lc 3, 6). Les yeux de tous s’ouvriront et pourront, sous l’ancien et immense cours du temps, pressentir que c’est la main de Dieu qui agit et qui sauve.

Mais le Baptiste, de manière ininterrompue, proclame en anticipant la prédication du Christ ; il est indispensable que tout homme reçoive « le baptême de conversion pour le pardon » (Lc 3, 4). On est invité à une nouvelle manière de vivre, c’est-à-dire la conversion de notre manière d’agir et de penser pour que le Sauveur envoyé par Dieu soit finalement visible. C’est dans cette perspective que s’inscrit la deuxième lecture de ce jour extraite de la Lettre aux Philippiens. Dans cette Lettre, Paul nous enseigne que la seule manière de distinguer le jour du Christ, c’est-à-dire son irruption dans l’histoire, c’est la charité (Phil 1, 9). C’est la charité, l’instrument précieux, qui permet de comprendre par intuition le sens de l’histoire et de la vie. La célèbre phrase de Blaise Pascal, « travailler pour bien penser : voici le principe de la morale », pourrait être lue dans cette perspective. C’est seulement avec la formation d’une nouvelle mentalité (metanoia), c’est seulement avec une nouvelle connaissance de Dieu alimentée par l’amour, c’est seulement avec la manière de penser droite et profonde que l’homme réussira à voir « le jour du Seigneur » (Phil 1,6.10), à contempler « le salut de Dieu » (Lc 3,6), à écouter « la voix de celui qui crie dans le désert : préparez la route du Seigneur ! » (Lc 3,4).

Avec Saint Paul demandons, la grâce de l’intelligence du cœur, de la clairvoyance qui nous fera discerner ce qui est essentiel, pour « marcher sans trébucher vers le jour du Christ… » (Phil 1,10).

 

                                                                                                                  Abbé Camille Biemoundonghat