Cette parole de l’écriture, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit

 

Cette parole de l’écriture, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit (3ème Dimanche ordinaire – Année C)

 

Textes : Ne 8, 1-10 ; Ps 18, 8-10. 15 ; 1Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4. 14-21

 

Esdras lisait et le peuple comprenait (Néhémie)

Tenant compte de l’incertitude des dates de l’histoire, ce document pourrait être daté des années 350 avant JC, longtemps après l’édit de Cyrus (538), qui favorise le retour des Juifs dans leur pays et permet le début de la reconstruction du temple de Jérusalem. Le passage de ce dimanche suppose le temple déjà reconstruit où, dans l’émotion et la joie générales, a lieu la lecture de la loi de Moïse, un des piliers du judaïsme.

 

Ici, les points de référence sont « Esdras » (prêtre et scribe, ch.7, 73 ; ch. 8, vv1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9), « le peuple » (7, 73 ; 8, 2, 3, 5, 6, 9) et la « loi » (ch.8, vv1, 2, (3), 3, (5), 7). Tout se passe dans le cadre du calendrier liturgique, au cours du premier jour du septième mois, pendant la fête du septième mois, une des plus grandes fêtes du peuple (ch.7, 73 ; 8, 3, 9).

 

Les moments les plus importants sont ceux de  la lecture du livre de la loi, la prière (v6) et le repas de fête (v10), dans une atmosphère de grande joie (v10). Notre liturgie de l’Eglise Catholique nous invite à donner une grande place à la lecture et à la méditation de la Parole de Dieu. Dans sa structure, elle s’est beaucoup inspirée de la liturgie juive.

 

La joie du Seigneur est notre rempart (Psaume)

Ceci peut être vu comme une hymne à la loi du Seigneur (sa charte, ses préceptes, son commandement, ses décisions, vv8, 8, 9, 9, 10). Elle vient du Seigneur qui est « notre rocher et notre défenseur, vv15). Que pouvons-nous faire de plus sinon lui adresser une prière d’action de grâce (v15) et lui demander de nous exaucer.

 

Vous êtes le corps du Christ, vous êtes les membres de ce corps (1 Corinthiens)

Partant de la comparaison du corps et des membres qui le composent, l’apôtre Paul continue à développer sa pensée pour inviter les Corinthiens à l’unité dans leur communauté. Tout son message concerne en fait « le Christ », « Dieu », « l’Eglise » et « les chrétiens » qui la composent, sans oublier « l’Esprit Saint » dont il a déjà été question, abondamment, dimanche dernier avec les vv3. 4-12. 13. 13. Mais ici, c’est surtout le Christ qui est en exergue (vv12. 27). Une bonne compréhension de notre passage exige la référence fondamentale et originelle (dans le sens de source, fondement et origine) à la Trinité, source de toute unité.

 

C’est cette unité dans et avec la Trinité, que l’Eglise et chaque chrétien, membre du corps du Christ qu’est l’Eglise, sont appelés à vivre. C’est elle qui rendra crédible leur témoignage. C’est pour elle que Jésus a accepté de mourir et de prier. Et elle est étroitement liée à l’amour, que Paul va développer dimanche prochain (1Co 12, 31-13, 13). En référence aussi à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, cet appel à l’unité est d’une grande actualité pour nous aujourd’hui, en tous lieux et  à tous les niveaux : universel, mondial, national, familial, régional, local, ecclésial, diocésain, paroissial. Nous pouvons même dire que la globalisation en représente un des aspects.

 

Cette parole de l’écriture, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit (Luc)

Ce passage se situe après le baptême de Jésus et la présentation de sa filiation qui va de Joseph à Adam (cf. Lc 3, 21-22 et 23-38). Ainsi, Jésus est inséré solidement dans le plan de Dieu, au sein d’une famille et d’un peuple bien déterminés. Et, de façon plus précise, nous sommes avec lui, en Galilée – pays des païens- et à Nazareth, le lieu où il a grandi.

 

Luc, simplement disciple de Paul, n’a pas vécu avec Jésus. Il a beaucoup entendu parler de lui et s’est vraiment intéressé à son histoire. Plusieurs ont écrit sur les événements qui se sont passés parmi eux. Leurs sources, ce sont ceux qui « furent les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la Parole » (vv1-2). Après « s’être informé de tout depuis les origines », il a décidé, lui aussi, d’écrire « à l’intention de Théophile, afin qu’il se rende bien compte de la solidité des enseignements reçus » (vv3-4).

 

Après Lc 1, 19-56 ; 2, 8-20. 41-52 et 3, 21-22, nous arrivons à une autre théophanie, solennelle, qui inaugure le ministère de Jésus, qui se résume par ces mots : « Il enseignait dans les synagogues des Juifs » (v15). En effet, il est le Verbe fait chair, venu habiter parmi nous (Jn 1, 14), et nous  pourrions préciser « en Galilée, à Nazareth » (cf. vv14. 16). Il ne donne pas n’importe quel enseignement, mais, comme le dit Marc, il s’git d’un « enseignement donné avec autorité », accompagné de signes, conformément à ce qu’avait annoncé le prophète Isaïe (Lc 4, 18-19). Il se passe ici, dans la synagogue de Nazareth, ce qui s’est passé autrefois à Jérusalem avec Esdras et Néhémie. Là-bas, le peuple avait accueilli, avec joie, la loi du Seigneur. Ici, par contre, l’accueil sera plutôt froid, si bien que Jésus n’y fera pas beaucoup de miracles.

 

Quand il commence son ministère, l’Esprit Saint, le même qui était annoncé en Isaïe, est présent avec sa puissance (cf. v14). Parce que le Seigneur l’a consacré par l’onction, Jésus a été envoyé porter la Bonne nouvelle aux pauvres » (cf . vv17-18), pour apporter la consolation à son peuple, parce que, comme cela est suggéré (cf Jn 14, 16 ), il est le premier consolateur, témoin d’un Dieu de miséricorde. Cet aspect est bien souligné par la manière dont Luc cite Isaïe, en omettant la partie suivante qui ferait penser à un Dieu vengeur : « et un jour de vengeance pour notre Dieu » (Is 61, 2).

 

Jésus n’est pas venu abolir la loi et les prophètes mais porter à l’accomplissement tout ce qu’ils ont dit à son sujet : « N’allez pas croire que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes mais accomplir » (cf. Mt 5, 17). Voilà pourquoi il dit solennellement : « Cette parole de l’écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit »

 

Tout le plan du salut et le programme de sa réalisation est une initiative de l’amour miséricordieux du Père. Sa concrétisation passe par Jésus-Christ, avec la puissance de l’Esprit Saint. C’est le mystère d’un seul Dieu en trois personnes, la Trinité, qui se déploie dans celui de l’Incarnation et de la Rédemption. C’est fondamentalement un mystère d’amour, d’unité, de communication, de puissance, de communion et de collaboration. Jésus est venu sur terre pour  nous révéler ce grand mystère et nous y faire entrer, et l’Eglise, comme chaque chrétien, est appelée à en témoigner par les actes et par la parole au milieu du monde.

 

Aujourd’hui, la mission que Dieu nous confie, surtout à nous les prêtres,  au sein de son Eglise, c’est d’accomplir, dans notre peuple et dans notre monde, cette même parole de l’écriture. Et la Parole, c’est Jésus lui-même. Nous devons donc relever ce défi : être les témoins de sa libération, de son amour, de l’unité dans la diversité, et de la collaboration, comme le  disent  1Co 12 et la dernière encyclique de Benoît XVI, Caritas in Veritate.

 

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi