Aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays |
Aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays (4ème Dimanche ordinaire – Année C)
Textes : Jer 1, 4-5. 17-19 ; Ps 70, 5-6. 7-8. 15. 17. 19. 23 ; 1Co 12, 31-13, 13 ; Lc 4, 21-30
Je fais de toi un prophète (Jerémie) Jérémie, l’un des prophètes qui préfigure le mieux la passion de Jésus, présente ici sa vocation. C’est une consécration, qui a commencé bien avant avent même sa conception. Le Seigneur se présente ainsi comme maître de notre histoire, de l’histoire de chacun de nous, de notre passé (v5), de notre présent (vv5. 17. 18. 19 et de notre avenir (vv17. 19).
Sa consécration rend l’homme apte à remplir sa mission. Celle de Jérémie est d’être prophète non pas pour un peuple, mais pour les peuples. C’est une ouverture à l’universalité. Dieu donne la force nécessaire. Le prophète aura à lutter avec les gens de son propre peuple. Mais ils ne pourront rien contre lui, parce que le Seigneur est avec lui pour le délivrer. Noter la force des paroles du Seigneur, avec trois verbes au présent (vv5. 18. 19)
Seigneur mon Dieu tu es mon espérance (Psaume) Le psalmiste exprime ici sa confiance en Dieu, son Seigneur. En effet, par tout ce qu’il a déjà fait (v15. 19), il s’est confirmé comme un appui, un soutien (v5), un secours, une force (v7). Voilà pourquoi cette prière est en même temps une louange au Seigneur (vv8. 19).
L’amour ne passera jamais (1Corinthiens) Voici un des passages les plus beaux de l’apôtre Paul sur l’amour ou la charité. Puisque « Dieu est Amour, Deus Caritas est » (cf. 1Jn 4, 8 ; Benoît XVI), nous pouvons dire que Paul fait ici l’éloge de Dieu qui est Amour, Amour manifesté en Jésus, avec la puissance de l’Esprit Saint. Parmi les dons de Dieu, celui qu’il faut chercher à obtenir, c’est le don le meilleur, c’est-à-dire la charité (1Co, 12, 31)
Il commence par un style très fort avec l’emploi de la première personne du singulier et l’opposition entre ce qui peut être considéré comme important : parler toutes les langues de la terre et du ciel (v1), être prophète, avoir la science des mystères et une foi puissante (v2), distribuer toute sa fortune, se faire brûler vif (v3). Sans l’amour, tout cela ne sert à rien.
Il continue en affirmant, de manière positive, que l’amour va de pair avec la patience et le service (v4). Puis, il présente ce qu’il n’est pas : la jalousie, l’orgueil, la malhonnêteté, l’égoïsme, la colère, la rancune, le sadisme qui doit être remplacé par la vraie joie toujours liée à la vérité (v6). Comment ne pas faire le lien avec la dernière encyclique du Pape Benoît XVI, Caritas in Veritate ? Il conclue, ici, avec quelques caractéristiques : supporter tout, faire confiance en tout, espérer tout, endurer tout (v7). Comment ne pas relier ceci avec la deuxième encyclique de Benoît XVI, Spe Salvi ?
Après cela, il dit que « l’amour ne passera jamais », alors que les prophéties, le don des langues, la connaissance passeront, parce que ce ne sont que des réalités partielles, incomplètes, imparfaites (vv8-12). Aujourd’hui, la foi, l’espérance, la charité demeurent, mais la plus grande des trois, c’est la charité (v13).
Aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays (Luc) Les prophètes en ont fait la dure expérience. Jésus a vécu cela pendant toute sa vie, et surtout par sa passion. Tous ceux qui se mettent à la suite de Jésus font également l’expérience de ce rejet et de toutes les souffrances qui en découlent. Mais pourquoi ce rejet ? C’est un véritable mystère qui s’explique en partie, mais en partie seulement, par le manque de foi, le manque d’acceptation de la volonté souveraine de Dieu et par l’égoïsme de groupe.
Dieu est libre de procurer de la nourriture à une veuve de Sarepta, et pas aux veuves d’Israël. Il est libre de guérir Naaman, un lointain syrien, et pas les lépreux qui sont en Israël. Jésus est libre d’accomplir des miracles à Capharnaüm, et pas nécessairement à Nazareth (v23). Pour que le prophète Elie accomplisse le miracle de la nourriture pour la veuve de Sarepta, il a fallu qu’il soit vraiment un homme de foi et que cette veuve fasse preuve d’une grande foi et d’une grande confiance en la parole du prophète. Ainsi, le miracle, qui est en réalité un miracle de libération de la mort, a pu se réaliser. Pour que le prophète Elisée guérisse Naaman, il a fallu qu’il soit un homme de foi. Mais de la part de Naaman, il a fallu, sur le conseil de ses serviteurs, un acte d’obéissance et d’humilité.
Il semble que les hommes de Nazareth n’ont pas pu supporter le fait que Jésus rappelle deux miracles qui indiquent la liberté souveraine de Dieu, qui fait des miracles, non seulement en faveur d’Israël, le peuple choisi, mais également en faveur des païens – comme la veuve-, et des ennemis d’Israël – comme le Syrien, Naaman. Et cela lui vaut la peine de mort. Mais comme son heure n’est pas encore arrivée, « il passe au milieu d’eux et va son chemin » (v30).
En cette année sacerdotale, quelques mois après le deuxième synode pour l’Afrique, il est bon que nous puissions approfondir notre foi en un Dieu qui est amour, liberté, miséricorde et puissance. Il appelle qui il veut. Et ceux et celles qu’il appelle, il leur donne une mission précise à réaliser. Cette mission, qui est aussi appel à l’universalité, est toujours difficile et peut conduire à la mort. Les difficultés de l’envoyé ne viendront pas nécessairement du dehors, mais également des gens de son propre peuple qui ne supporteront pas qu’il fasse ce que Dieu veut de lui, ou le fasse aussi à des personnes qui ne font pas partie de son peuple.
La parole de libération, annoncée dans Isaïe et reprise par Luc (4, 21), est vraiment une bonne nouvelle pour les pauvres et pour tous ceux qui souffrent. Mais cette Bonne Nouvelle est toujours accompagnée de souffrances, de persécutions, de rejets de toutes sortes.
Ce que nous entendons ici, au niveau du peuple de Dieu, se vérifie également aux niveaux de nos réalités humaines, comme nos familles, nos paroisses, nos communautés et nos associations paroissiales, nos diocèses, nos pays, notre continent. Si tant de choses ne marchent pas ou marchent mal, si nous assistons à tant de divisons et de rivalités, c’est parce qu’il nous manque l’amour, la charité, telle que nous la présente l’apôtre Paul dans la deuxième lecture. Faisons l’effort de sortir de nos intérêts individuels et de groupe, pour rester vraiment ouverts comme les fils d’un même Père : cela nous permettra non seulement d’aller vers les autres, mais aussi d’accueillir les autres chez nous.
Mgr Bernard NSAYI Evêque émérite de Nkayi
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