Celui-ci est mon Fils

 

Celui-ci est mon Fils (2ème  Dimanche de carême - Année C)

 

 

Textes : Gn 15, 5-12.17-18 ; Ps 26, 1. 7-9.13-14 ; Ph 3, 17-4, 1 ; Lc 9, 28b-36

 

 

Le Seigneur conclut une alliance avec Abraham (1ère lecture)

 

Ce passage complexe prend son unité dans le dialogue entre Dieu et Abraham. « L’histoire d’Abraham (Gn 12-25) commence d’une façon abrupte par une parole divine. Yahvé appelle Abraham à tout quitter et à partir sur la seule foi aux promesses concernant une terre et une descendance » (cf. Gn 12, 1-3 ; PDB, p. 5). Nous pouvons considérer le v6, parlant de la foi d’Abraham, comme fondamental, puisqu’il permet à Dieu de lui promettre, une fois de plus, une descendance (vv5. 18) et un pays (vv7. 18). Mais plus fondamental est le Seigneur lui-même. Le rituel de l’alliance (vv10-17) rappelle une pratique courante dans l’Ancien Orient. Alors que les deux parties passaient entre les moitiés des animaux, ici, seul Dieu, symbolisé par le feu, passe entre, montrant que c’est lui qui est le seul garant de cette alliance. Le sommeil mystérieux qui s’empare d’Abraham fait penser à celui que Dieu fait descendre sur Adam (cf. Gn 2, 21), et annonce que Dieu va réaliser une action importante. Le rappel de la sortie d’Our en Chaldée fait penser au style dans lequel sera présenté ce qui se passera avec la sortie d’Egypte, des siècles plus tard.  C’est cette confiance et cette foi d’Abraham vis-à-vis de Dieu que nous sommes invités à imiter.

 

Le Seigneur est ma lumière et mon salut (psaume)

 

Nous avons ici un psaume qui chante la grandeur du Dieu qui est lumière et salut. Avec lui, il n’y a ni crainte ni tremblement (cf.v1). Pourtant, le psalmiste, qui semble en difficulté, supplie le Seigneur de lui venir en aide. Il n’y a aucun doute dans sa prière puisqu’il termine par une profession d’espérance. Nous aussi, quand nous nous trouvons parfois dans des situations difficiles, n’hésitons pas de nous tourner vers le Seigneur, pour implorer son aide.

 

Nous sommes citoyens des cieux (2ème lecture)

 

Vers l’an 53 après Jésus Christ, l’apôtre Paul écrit aux Philippiens, pour leur rappeler qu’ils sont citoyens du ciel, disciples du « Seigneur Jésus Christ qui transfigurera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » (v20-21). Cette lettre à la communauté de Philippes, caractérisée par une grande tendresse, ne manque pas de paroles dures quand il s’agit de corriger certaines déviations concernant à la fois la doctrine et la conduite. Après l’interpellation des vv17-19, en style direct, l’auteur passe à la deuxième partie où il exprime l’aspect communautaire de notre foi et de notre espérance. Nous croyons en Jésus, mort et ressuscité, entré dans la gloire avec son corps glorieux, après être passé par la passion et la mort sur la croix. Il est notre tête, nous sommes son corps, les membres de son corps. Or, le corps ne peut pas être séparé de sa tête. Par le baptême, nous sommes déjà au ciel avec lui, nous avons donc le devoir de tendre vers les choses du ciel, et non vers celles de la terre (cf. v19).

 

Ces lignes sont d’une poignante réalité, tant pour l’époque où Paul écrit que pour notre temps. Dans toute communauté chrétienne, il y a des contre-témoignages qui ne font pas honneur au Christ et à son Eglise. C’est à chacun et à chacune d’entre nous de se mettre, en toute sincérité, devant le Seigneur pour voir en quoi sa vie et son témoignage sont en contradiction avec les engagements de son baptême, de son mariage, de sa consécration religieuse ou de son ordination sacerdotale.

 

Celui-ci est mon Fils (évangile)

 

Jésus, après avoir annoncé sa passion (v22), a dit à ses disciples que celui qui veut le suivre doit également prendre sa croix et le suivre (cf. v23). C’est juste après cette annonce que se situe cette scène de la transfiguration, une véritable épiphanie dont sont témoins Pierre, Jean et Jacques. La clé de compréhension de cette page se trouve dans la passion, qui vient d’être annoncée et qui se réalisera effectivement par la suite. Une telle interprétation est corroborée par la comparaison avec les récits correspondants de Mt et Mc, qui présentent les trois témoins dans un ordre différent (cf. Mt 17, 1 ; Mc 9, 2). Chez Luc, Pierre et Jean sont présentés avant. Or, ce sont ces trois qui ont été associés au moment crucial de l’agonie de Jésus (Mt 26, 37 ; Mc 14, 33). Remarquons que la prière est présente ici dans le récit de Lc (vv28. 29), comme dans celui de la passion (cf. Mt 26, 39. 41. 42. 46 ; Mc 14, 32. 35. 38. 39). Elle est nécessaire pour ne pas entrer en tentation. Autre référence importante, le sommeil, qui accable les disciples, est signe de la faiblesse de la chair et justifie la nécessité des la prière (cf. Mt 26, 41 ; Mc 14, 38). Ce sommeil est très présent chez les disciples (cf. Mt 26, 40. 43. 45 ; Mc 14, 37. 40. 41). La nuée est signe de la présence de Dieu, renforcée par la voix (Mt 17, 5 ; Mc 9, 7 ; Lc 9, 34-35), comme au baptême (cf. Mt 3, 13-17 ; Mc 1, 9-11 ; Lc 3, 22). Or, le baptême est présenté par Jésus come un équivalent de sa mort (cf. Mc 10, 38).

 

Le texte de Luc peut être divisé en cinq petites unités : 1) la présentation du contexte et des protagonistes, avec une insistance manifeste sur la prière. Jésus étant l’acteur principal (vv28-29). 2) Apparition de Moïse et Elie (v30 ; Mt 17, 3), avec un ordre différent chez Mc 9, 4, qui, dans la tradition juive, sont considérés comme ressuscités, puisqu’on n’a jamais retrouvé leurs corps. 3) Passion et résurrection sont comme deux faces de la même médaille (vv31-32). 4) La présence de Dieu, symbolisée par l’idée de la tente, la nuée et la voix. La confirmation de la filiation divine de Jésus et sa supériorité sur Moïse et Elie dont Jésus vient continuer et réaliser de façon définitive la mission. Nous devons l’écouter (vv33-35 ; Mt 5, 17-19 ; Mt 5-7 ; Jn 1, 14-18). 5). La valeur du silence pour mieux assimiler le plan de Dieu (v36).

 

Nous sommes au temps de Carême, « les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu » (Psautier). Ce combat, comme nous l’avons vu dimanche dernier, Jésus l’a mené et en est sorti victorieux. Mais cette victoire, il l’a payé à un prix très cher, celui de sa propre vie. Il est mort et ressuscité, et il est entré dans la gloire du Père, où il nous attend désormais. L’évangile nous demande d’accueillir la présence glorieuse et lumineuse de Jésus au mont Thabor, pour contempler sa divinité. Cela doit nous réjouir et renforcer notre courage. Il arrive que, dans notre vie, apparaissent des moments qui ressemblent à la transfiguration, où nous éprouvons vraiment la présence réconfortante de Dieu.

 

Comme Pierre, nous aurions souhaité que cela dure toujours. Mais ce n’est qu’un moment passager, annonce d’un moment beaucoup plus merveilleux, la gloire de la résurrection. Mais, avent d’arriver là, nous devons, comme Jésus et avec lui, passer par la passion qui conduit à la résurrection. La transfiguration est un moment offert par Dieu pour nous aider à surmonter le scandale de la croix. Ce récit de Luc, et des autres évangélistes concernant la passion, nous aident à  considérer la vie présente et le temps de Carême, comme un temps de rude épreuve et de lutte contre les tentations diverses. Comme Jésus l’a fait aux moments de la transfiguration et de la passion, intensifions notre rencontre avec Jésus par la prière, l’adoration et la méditation de la Parole de Dieu. Ainsi nous arriverons à la fête de Pâques, transfigurés avec Jésus.

 

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi