Jésus nous demande de nous convertir

 

 

Jésus nous demande de nous convertir (3e dimanche de Carême – Année C)

 

Textes : Ex 3, 1-8. 10. 13-15 ; Ps 102, 1-8. 11 ; 1Co 10, 1-12 ; Lc 13, 1-9

 

 

Dieu envoie Moïse (1ère lecture)

 

A propos de ce passage complexe, nous parlons de théophanie et de vocation dans le cadre d’un lieu célèbre, l’Horeb, la montagne de Dieu, ou encore Sinaï. C’est le Seigneur qui vient à la rencontre de Moïse dans le cadre de son activité ordinaire de berger. Tout commence par le mystère – un buisson qui brûle sans se consumer (vv2-5) - et finit par le mystère – une révélation voilée du nom de Dieu (vv13-14), mais qui se réfère tout de même à des données bien ancrées dans la foi religieuse des Hébreux. Il est le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob (vv6a. 15). Il est celui qui est : dans la richesse de la langue hébraïque, cela embrasse aussi bien le passé, le présent que le futur. Cela a été son nom et sera son nom pour toujours (cf. v15).

 

Autant Moïse se rattache à ses ancêtres, autant il l’est à son peuple qui se trouve dans de grandes souffrances et qui crie vers lui (cfv7). Maintenant, le Seigneur lui demande de se lier à lui, le tout-puissant, pour qu’en son nom et avec son aide, il aille libérer son peuple (cf. v8). Dans un premier temps, Moïse semble prendre peur et reculer astucieusement par une question concernant le nom. Même si sa réponse est quelque peu vague, le Seigneur se révèle tout de même (vv13-15). C’est un fait important, car, si on peut penser que les Hébreux connaissaient déjà Dieu, la tradition veut que c’est par Moïse qu’est venue la véritable révélation du nom de Dieu, « YAHVE ».

 

Le Seigneur est tendresse et pitié (psaume)

 

Ce psaume est une sorte d’hymne à Dieu, qui est amour et qui déploie sa puissance par son action. Le premier attribut qui lui est reconnu est sa sainteté, la sainteté de son nom. Ce qui rejoint bien la révélation de la première lecture. Et tout ce qui suit est comme une énumération de ce que le Seigneur fait. Puisque l’homme est pécheur, une de ses manifestations les plus importantes est le pardon des offenses. Non seulement « il fait œuvre de justice, mais il défend le droit des opprimés et révèle ses desseins à Moïse pour qu’il les transmette à Israël ‘(cf. vv3-7).

 

La finale poursuit dans la même ligne mais avec une progression notoire. La dimension positive domine tout le passage, mais nous notons tout de même le fait « qu’il est lent à la colère ». Ce qui est une mise en garde pour que nous n’abusions pas de cet amour de Dieu. En effet, il est un Père bon et, comme tout bon Père, il peut recourir au bâton comme correction.  Ce qui rejoint d’ailleurs Ex 20, 5-6. La finale indique que cet amour ne s’arrête pas à Israël seul mais s’étend à la terre entière, à tout homme qui le craint (cf.v11)

 

L’Ecriture a raconté l’histoire de nos pères pour nous avertir (2e lecture)

 

Pour comprendre le sens de cette page, référerons-nous à 1Co 9, 24-27, où l’apôtre se présente comme quelqu’un qui, pour obtenir une couronne impérissable, ne court pas à l’aventure. Dans ce qui suit (cf. 1Co 10, 14-22), saint Paul demande aux Corinthiens de fuir l’idolâtrie. Avant, nous avons l’expérience de nos pères, dans le désert, avec Moïse. Ils ont été témoins des merveilles du Seigneur, et pourtant, la plupart ont déplu à Dieu « et ils sont tombés dans le désert » (vv1-5). Maintenant, nous avons Jésus qui, avec l’eucharistie, reprend, mais de manière plus admirable, les merveilles du désert, pour nous permettre de continuer la route, jusqu’à la maison du Père cf. vv3-4). Tout ce qui leur est arrivé et qui a été consigné par écrit, c’était pour nous servir d’exemple, pour nous avertir (cf. vv6-11). Soyons comme des hommes avertis, ne nous vantons pas d’être meilleurs que nos pères, mais faisons attention pour  ne pas tomber (cf. v12)

 

Jésus nous demande de nous convertir (évangile)

 

Dans ces lignes, nous avons une reprise originale et presque globale de l’histoire du salut, de la théologie et de la christologie de Luc. Toute l’histoire du salut, dont le point de départ est Dieu le Père, est une réalité globale dont tous les épisodes et tous les protagonistes, spécialement de Moïse à Jésus Christ, sont inséparables. Après les Corinthiens, c’est nous, aujourd’hui, qui en sommes les protagonistes.

 

L’évangile, en trois parties, est introduit par des gens qui rapportent à Jésus un événement tragique survenu en Galilée (région lointaine), où des gens ont été massacrés au cours d’un sacrifice. Répondant de manière vraiment inattendue, Jésus pose une question à ceux qui lui apportent la nouvelle, et les invite à se convertir, « sinon ils périront tous comme eux » cf. vv1-3). Après être parti d’un élément dont il n’a pas eu l’initiative, Jésus reprend sa place de maître et leur rapporte à son tour un autre événement, tout aussi tragique, et qui a eu lieu, plus près d’eux, à Jérusalem. Reprenant le même procédé que tout à l’heure, Jésus les invite, une deuxième fois et dans les mêmes termes, à se convertir (cf. vv4-5).

 

A ces deux passages, qui sont des avertissements terribles, aussi bien pour les Corinthiens que pour nous-mêmes aujourd’hui, Jésus ajoute une parabole, à rapprocher avec Jn 15, 1-17, qui  commence de façon dramatique et pesante (cf.vv6-7), et finit par une lumière d’espérance inattendue (cf. v8). L’homme qui avait un figuier dans sa vigne, c’est le Père (cf. v6). Le figuier et la vigne, c’est chacun et chacune d’entre nous, c’est le monde, c’est le peuple choisi, dans la mesure où nous sommes sourds à l’appel de conversion que Dieu nous adresse par Jésus Christ et par les événements que nous vivons. Le vigneron, c’est Jésus lui-même.

 

Le dialogue entre le maître de la vigne et le vigneron se déroule en deux temps. Pendant trois ans, le propriétaire du figuier vient chercher du fruit sur le figuier, et il n’en trouve pas. Il en a assez et demande au vigneron de le couper. C’est comme si nous réécoutions les paroles de Jean Baptiste (cf. Lc 3, 7-8 et Jn 15, v18). Ce qui suit nous rappelle la célèbre intercession d’Abraham (cf. Gn 18, 17-33). Le vigneron se propose de redoubler d’efforts autour de ce figuier, qui lui est très cher, et qu’il ne veut pas arracher, avec l’espoir que cette année-là, il donnera du fruit. La finale mérite toute notre  attention. Le maître de la vigne lui a dit de la couper. Il dit à son maître de patienter. Si, après tous les efforts qu’il va déployer, le fruit n’arrive pas. Il ne dit pas – oh surprise ! – je (moi) le couperai, mais tu (toi) le couperas. C’est comme si, n’ayant pas le courage de couper lui-même ce figuier tant aimé, il en laisse la responsabilité au maître lui-même.

 

Ces passages nous invitent à nous réconcilier avec nos frères et avec Dieu, à entrer en communion avec lui, pour faire l’expérience de la patience de sa miséricorde et de son amour, mais un amour sans faiblesse qui nous invite, avec tendresse, à la conversion, laquelle passe nécessairement par la prière : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5).

 

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi