Laissons-nous réconcilier avec Dieu

 

Laissons-nous réconcilier avec Dieu (4ème Dimanche de Carême- Année C)

 

 

Textes : Jos 5, 10-12 ; Ps 33, 2-7 ; 2Co 5, 17-20 ; Lc 15, 1-3. 11-32

 

 

Les Israélites célébrèrent la Pâque (1ère lecture)

 

Ce petit texte, lié étroitement à la Genèse et à l’Exode, et donc à l’Alliance avec Abraham et à la personne de Moïse, montre que Dieu demeure fidèle à ses promesses, en particulier à la promesse d’une terre. Enfin, ils sont arrivés à Canaan, la terre promise. Ils campent et ils mangent la Pâque, en lien étroit avec la sortie de l’Egypte où a eu lieu la première Pâque. Le lendemain, c’est toujours la continuité, puisque qu’ils mangent du pain sans levain, mais avec une différence : « la manne », la nourriture du voyage, de la marche, « cessa de tomber » (cf. vv11-12). Il semble qu’il s’agit d’une nourriture qu’ils n’ont pas travaillée eux-mêmes. Et c’est le signe qu’ils doivent se mettre au travail pour produire eux-mêmes ce qu’ils doivent manger. Nous avons ici comme une annonce très lointaine et très suggestive de l’eucharistie où Jésus est l’agneau de Dieu, sous forme de pain. Nous notons qu’ici, effectivement, il n’est même pas question de viande mangée à la hâte, mais seulement de « pains sans levain » (cf. v11).

 

Je bénirai le Seigneur en tout temps (psaume 33)

 

Nous sommes en présence d’un psaume de louange, sous forme individuelle (cf. vv2-3. 5) et communautaire (cf. vv3. 4). L’auteur commence lui-même par louer le Seigneur et, par la suite, il invite les pauvres à magnifier avec lui le Seigneur. Il se base sur le fait que, quand il cherche le Seigneur, celui-ci lui répond et le délivre (cf. v5). Si le Seigneur fait cela pour lui, il le fera aussi pour tous les pauvres qui crient vers lui ; il les entend et il les sauve (cf. vv6-7).

Avec la même confiance, même si nous nous trouvons dans des contextes différents, nous sommes invités à nous tourner, avec confiance, vers le Seigneur, il ne manquera pas de nous répondre et de venir à notre secours, à condition que nous soyons humbles, que nous ayons une âme de « pauvre » (cf. vv3. 7).

 

Laissons-nous réconcilier avec Dieu (2e lecture)

 

Ici, l’apôtre Paul parle du ministère, qu’il a en commun avec les autres apôtres, même si ceux-ci contestent son caractère d’apôtre. Il a déjà parlé des difficultés inhérentes à ce ministère, mais également du futur glorieux qui sera le leur, « une masse de gloire éternelle » (cf. 2Co 4, 37). Une condition toutefois : vivre selon la voie tracée par le Christ, être dans le Christ, être une créature nouvelle (cf. v17). Dieu lui-même, dans le Christ, s’est réconcilié le monde (cf. v19) et nous a rassemblés par sa mort (cf. Jn 11, 51-52). C’est le même Dieu qui nous confie la même mission de réconciliation. Et c’est à ce titre et « au nom du Christ » qu’il appelle les Corinthiens à se réconcilier avec Dieu (cf. v20). Cet appel s’adresse à nous, aujourd’hui.

 

Après le deuxième synode africain, en octobre dernier, sur la réconciliation, nous sommes invités à accueillir avec une plus grande attention, une plus grande disponibilité, cet appel de l’apôtre Paul. Immergés dans la prière, illuminés par la Parole de Dieu, nous avons à prendre toutes les dispositions pour revaloriser le sacrement de réconciliation, pour nous-mêmes et pour les autres, à inventer toutes les possibilités de rencontre et de dialogue, dans la vérité et la justice, mais aussi dans le pardon. En effet, en tant que chrétiens laïcs ou prêtres, nous devons devenir des artisans de paix, des promoteurs de dialogue, pour que, dans l‘Eglise et dans la société, les hommes puissent vivre en paix, avec la grâce de Jésus, mort et ressuscité.

 

Un homme avait deux fils (évangile)

 

Cette page de Luc est une illustration admirable et bouleversante de l’amour miséricordieux de Dieu pour l’homme pécheur, pour nous les hommes d’aujourd’hui, parce que tous, nous sommes pécheurs. Tous, nous sommes pécheurs, « rapaces, injustes, adultères, hypocrites, menteurs » (cf. Lc 18, 11 ; Mc 7, 20-23). Pourtant, très peu de personnes dans la société, et même au sein de l’Eglise, se reconnaissent pécheurs. Et, d’autre part, ils sont d’accord pour dire que tous les autres sont des pécheurs. La parabole à trois tableaux (Lc 15, 1-32), nous concerne tous, parce que, très souvent, nous nous comportons comme les pharisiens et les scribes (vv1-3).

 

La meilleure approche de cet évangile, est de le considérer comme le troisième tableau d’une parabole unique, qui commence au v9 et finit au v32. Dans les deux premiers tableaux, sont présentés seulement deux protagonistes (vv4 et 8). Au troisième tableau, les principaux protagonistes sont trois : le père et les deux fils (cf. v11). Parcourons un peu  notre texte.

 

Dans la première partie (vv11-12), c’est la présentation globale. Le fils le plus jeune demande sa part d’héritage, et le père fait le partage. La deuxième partie (vv13-20) nous montre le fils qui sort de la maison, et quitte son père et son frère aîné. Il dépense tout son avoir comme un insensé et se retrouve dans la misère (cf. vv13-16) Rentrant en lui-même, reconnaissant sa misère et sa faute, il décide de repartir chez son père, non pas comme son « fils », mais comme un de ses « ouvriers » (cf. 17-20) Avec la troisième partie, nous avons la rencontre entre le père et le fils le plus jeune. Dès que le père voit son fils, il est « saisi de pitié » et le couvre de baisers. Le fils commence à confesser sa faute, mais le père, qui ne le laisse même pas finir le discours qu’il avait préparé (cf. vv18-19 et 21), commande de lui mettre une tenue de fête, de tuer le veau gras et de faire la fête, « car son fils que voilà était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé » (v24). Son fils demeure toujours son fils.

 

La quatrième partie, la dernière (vv25-32), nous montre la rencontre entre le père et son fils aîné qui, fâché de ce qui se passe, refuse de rentrer à la maison et de prendre part à la fête. Dans le dialogue qui s’ensuit, c’est le père qui a le dernier mot. En effet, il termine en disant à son fils : « ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé » (cf. vv31-32). Son frère demeure toujours son frère, et il doit se réjouir parce qu’il est retrouvé. Tout laisse supposer que, convaincu par son père, le fils aîné est rentré à la maison, et est entré dans la fête. Le père de l’évangile, le protagoniste principal, est le symbole de Dieu qui est bon et miséricordieux. Jésus, Fils de Dieu et notre frère aîné, lui, est l’image parfaite de son Père. Il est, lui aussi, amour et miséricorde. Il est venu appeler non pas le juste, non pas « ceux qui se prétendent justes », mais ceux qui sont pécheurs, se reconnaissent pécheurs et prennent le chemin de la conversion.

 

Ces lectures nous invitent à tourner notre cœur vers Dieu, et à suivre le chemin de la miséricorde, du pardon, pour ouvrir la voie à la réconciliation et à la véritable paix, qui commence par la paix avec Dieu, pour passer ensuite à notre prochain, dans nos familles, nos paroisses, nos diocèses, notre pays et notre monde. Ainsi, avec le secours de la Vierge Marie, notre Mère, nous arriverons, réconciliés et pleins de joie, à la fête de Pâque.

 

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi