Jésus a pris la condition de serviteur

 

Jésus a pris la condition de serviteur (Dimanche des Rameaux et de la Passion - Année C)

Textes: Is 50, 4-7; Ps 21, 8-9. 17-18a. 19. 23-24a; Ph 2, 6-11; Lc 22, 14-23, 56

 

Le Seigneur m'a donné le langage d'un homme qui se laisse instruire (1ère lecture)

Nous sommes dans le second Isaïe (ch. 40 à 55), le livre de la consolation, un peu différent du précédent (ch.1-39) qui contient beaucoup de menaces. Dieu est souvent présenté non seulement comme créateur, mais également comme Sauveur et libérateur. Cette œuvre de salut et de libération se réalisera par l'intermédiaire de son élu, son serviteur, dont il est question dans cette première lecture, connue sous l'appellation de troisième chant du Serviteur (50, 4-9. 10-11). Ce serviteur se fera remarquer par sa docilité (v4), ses souffrances (vv5-6) et sa confiance inébranlable en Dieu (v7). Bien que les trois éléments soient inséparables et tous importants, il est nécessaire de souligner leurs principales caractéristiques.

La première se présente en deux sections, insistant sur le fait que le serviteur est un homme d'écoute qui se laisse instruire. Il « est réveillé » et « se réveille chaque matin comme celui qui se laisse instruire ». Il se laisse instruire, non pour lui-même mais pour « réconforter celui qui n'en peut plus ». La deuxième nous montre quelqu'un qui est en proie à une violente persécution. Il est atteint dans son corps et dans son visage. Ces souffrances sont étroitement liées à sa mission d'enseignement et de consolation. La troisième et dernière partie est étroitement liée aux précédentes par la répétition de la personne du Seigneur qui « donne le langage » (v4), « réveille et ouvre l'oreille » (vv4-5). Ici, il est présenté comme celui qui « vient au secours de son serviteur » (cf. v7).

Tous ceux qui me voient me bafouent (psaume)

Ce psaume présente un homme persécuté, sans doute le psalmiste, symbolisant le peuple de Dieu, le Christ lui-même, l'Eglise et tout disciple du Christ. Il développe un thème de la première lecture, avec des termes très concrets, comme dans l'Evangile (cf. Lc 22, 63; 23, 34-35. 39). La finale rejoint la première lecture, en affirmant sa confiance en Dieu, mais aussi en invitant les autres à se joindre à la louange qu'il élève vers le Seigneur (cf. 20-24).

Jésus a pris la condition de serviteur (2ème lecture)

Ce passage de Philippiens, à rattacher à ce qui précède (cf.vv1-5), est comme une synthèse des idées contenues dans les textes précédents. De façon originale, il affirme la divinité du Christ Jésus (cf. v6), son abaissement (cf. 7-8), et son exaltation (cf. vv9-11). Nous sommes ainsi, avec le Christ Jésus, devant la réalisation définitive de notre salut. Par son dépouillement, il a pris la condition de serviteur, il est devenu semblable aux hommes, il s'est fait homme. Et il a été reconnu comme tel. Mais il est allé plus loin, il s'est abaissé lui-même par l'obéissance, jusqu'à la mort, et la « mort sur une croix » (cf. vv7-8).

Notons que « prenant la condition de serviteur » vient avant « devenant semblable aux hommes » (cf. v7). C'est là une invitation à nous reporter au passage du serviteur dont il est question à la première lecture et en Lc 22, 23-27. A rapprocher de Mc 10, 35-45, où le passage se situe entre la troisième annonce de la passion (Mc 10, 28-31 et l'épisode de l'aveugle de Jéricho (Mc 10, 46- 52). Comme la passion et la résurrection de Jésus-Christ se reproduit chez tout disciple du Christ, Paul disait qu'il complétait dans sa chair ce qui manquait à la passion du Christ.

Jésus a pris la condition de serviteur (évangile)

Nous sommes au dimanche des Rameux et de la Passion. C'est également la célébration de la 25ème Journée Mondiale de la Jeunesse. Parcourons dans les grandes lignes le récit de la passion que nous présente Luc, en passant d'abord en revue les différents protagonistes. Le plus important, c'est également Jésus, mentionné en lien avec le Père, les Apôtres, Judas, puis Simon, les serviteurs, le Père, la foule de gens avec les grands prêtres, les chefs des gardes du temple, les anciens, les prêtres, les scribes et les soldats, Pilate, Hérode, les femmes, Simon de Cyrène, les deux malfaiteurs, le centurion, Joseph d'Arimathie. Le protagoniste principal, c'est évidemment le Père, dont le plan de salut avait prévu ce passage mystérieux et douloureux (22, 22. 53). Jésus le sent vraiment présent – puisqu'il lui adresse des prières, (cf. 22, 42; 23, 46). 

Humainement parlant, Jésus est seul, les Apôtres le lâchent, Judas le trahit, Pierre le renie. Seul Jean le suivra pendant tout le parcours, mais Luc ne mentionne pas ce fait. Les femmes sont mentionnées trois fois (cf. 23, 27-31. 49. 55-56). Les deux malfaiteurs parlent, mais dans des rôles totalement différents. Joseph d'Arimathie arrivera pour la sépulture. Jésus est laissé à la merci de tous les autres qui en font ce qu'ils veulent, en référence à la première lecture et au psaume.

Il y a deux mille ans, Jésus a été condamné, mis à mort et enterré. Et il est ressuscité le troisième jour. Cet événement multiforme mais unique, dont les différentes phases sont inséparables,  plonge ses racines dans le plan mystérieux du Père, présenté dans le passé et dans les paroles même de Jésus. Lc 24, 6-7. 26-27. 44-48. Pendant toute la semaine sainte, les yeux fixés sur Jésus crucifié, essayons de revivre cet événement fondamental et central de notre salut. Pourquoi ne pas faire chaque jour, une visite à Jésus crucifié, en même temps que la visite au saint sacrement ? Ce que Jésus a vécu dans sa chair, dans le passé, il l'a vécu pour nous. Mais, lui et nous, depuis l'incarnation et surtout depuis sa mort et sa résurrection, nous formons un seul corps, l'Eglise. C'est devenu encore plus vrai depuis que nous parlons de l'Eglise comme de la famille de Dieu dont tous les membres sont frères.

Ce que Jésus a vécu de façon réelle et symbolique est pour nous un exemple, une prophétie et une invitation. Des millions et des millions d'hommes, de femmes le vivent aujourd'hui dans notre monde, dans nos pays, et peut-être dans nos propres familles, sans connaître Jésus et son message de salut. Beaucoup sont exploités, violentés, arrêtés. Ils croupissent dans les prisons et y sont parfois maltraités, sans avoir été jugés. Beaucoup sont sans travail, sans  nourriture, sans vêtements, sans logements. Beaucoup sont victimes de l'alcool, du tabac, des drogues et d'autres stupéfiants. Comment nous situons-nous par rapport à ces situations ? Est-ce que nous sommes nous-mêmes victimes de  ces maux? Est-ce que nous sommes des auteurs ou des complices de ces maux ? Engageons-nous, adultes et jeunes, pour la réconciliation, la justice et la paix.

Jésus est mort pour détruire notre péché, la haine, les divisions et la mort. A notre tour, nous devons les détruire en nous. Seuls, nous en sommes totalement incapables. Mais ensemble avec celui pour qui rien n’est impossible (cf. Lc 2, 37), cela est possible. Nous terminons par ce que nous avons déjà écrit les dimanches passés : vivons bien notre carême, pour être vraiment serviteurs ; fixons Jésus, pour le contempler dans l'eucharistie et sur la croix, sans oublier la dévotion à la Vierge Marie. Ainsi, nous aurons assez de force et de lumière pour analyser les situations qui nous paralysent, pour ensuite nous  en sortir.

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi