Par ses blessures, nous sommes guéris

 

Par ses blessures, nous sommes guéris (Dimanche de la Divine Miséricorde – Année C)

Textes : Ac 5, 12-16 ; Ps 117 (118) ; Ap 1, 9-11a.12-13.17-19 ; Jn 20, 19-31

Un enfant de dix ans, lors du temps de la catéchèse hebdomadaire, m’a posé la question de savoir pourquoi Jésus ressuscité avait encore les plaies de la crucifixion alors qu’il venait de vaincre la mort. Je lui ai répondu que ces plaies étaient le signe de son identification par ses disciples, comme pour dire que le Christ ressuscité n’est pas un fantôme, il est bien la même personne que Jésus le crucifié. L’évangile de ce dimanche nous le montre clairement : après le don de la paix, Jésus, pour se faire reconnaître de ses disciples auprès de qui la nouvelle de sa résurrection semble être une fable, leur montre ses mains et son côté transpercé. Aussitôt ils le reconnaissent et sont remplis de joie à la vue du Seigneur.

Thomas, que l’on présente communément à tort comme l’incroyant, va, si vous me permettez l’expression, enfoncer le clou en exigeant de voir et de toucher les marques laissées par la crucifixion sur le corps de Jésus, pour croire que son Maître est ressuscité et que ce n’est pas le fruit de leur imagination que ses amis lui ont rapporté. Heureux Thomas, ce témoin de la résurrection dont la tradition dit qu’il est allé jusqu’aux Indes annoncer la Bonne nouvelle de Jésus mort et ressuscité pour la vie et le salut de l’humanité tout entière. Heureux Thomas, l’homme plein de bon sens et qui fait au Christ la profession de foi qui fait vivre l’Eglise depuis deux millénaires : « Mon Seigneur et mon Dieu », en parlant de Jésus. La profession de foi de Thomas, précédée de son exigence de voir et de toucher les plaies de son Maître signifie que la mort du Christ en croix n’est plus un sujet de honte pour les apôtres, même s’il demeure scandale pour les Juifs et folie pour les païens. L’essentiel de la prédication des apôtres consiste à dire ce fondement de la foi chrétienne qui fait son originalité parmi toutes les religions : le Dieu Sauveur, auquel nous croyons, a une puissance d’amour infinie qui va le conduire jusqu’à une mort infâme, afin que nous recevions la vie en abondance.

Mais où est donc cette vie en abondance si les disciples du Christ, baptisés dans sa mort et sa résurrection, continuent à souffrir et à mourir ? Prenons garde, le Christ ne nous a jamais promis que nous n’allions plus souffrir ni mourir ; au contraire, il nous a prévenus que l’attachement à sa personne sera source de persécution ; il nous a dit que le disciple n’est pas plus grand que son maître et que le monde nous rejetterait comme il l’a rejeté, lui, le juste et l’innocent, préférant la grâce de Barrabas le meurtrier. Cette vie en abondance est là dans l’Esprit Saint qui est donnée aux disciples de Jésus Christ : Jésus ressuscité répand son souffle sur ses disciples ; ils boivent ainsi à la source de l’eau vive qui coule de son côté transpercé, et ils peuvent, à leur tour, dans la force de l’Esprit reçu, être les ambassadeurs du Christ qui enlève les péchés du monde et réconcilie l’humanité avec Dieu le Père ; c’est ce que signifie la mission de remettre les péchés ; nous comprenons forcément que les disciples n’ont pas le pouvoir tyrannique de maintenir les péchés, car ils sont eux-mêmes des pécheurs pardonnés qui n’ont pour seul pouvoir (mais quel pouvoir !) que l’amour de ceux vers lesquels ils sont envoyés. Par le sang du Christ versé sur la croix, par ses blessures, nous sommes guéris de nos blessures intérieures qui nous empêchent d’aimer et d’être aimés à fond. Tous nos péchés sont pardonnés, pourvu que nous ayons l’humilité de les confesser à la lumière de l’Esprit Saint qui nous révèle nos bassesses mais aussi et surtout la profondeur insondable de l’amour dont nous sommes aimés par le Père et le Fils. Le seul péché qui pourrait être maintenu est justement le péché contre l’Esprit, quand notre liberté refuse obstinément de reconnaître que nous sommes des êtres pécheurs et que c’est par grâce que nous sommes sauvés.

A la suite des témoins de la résurrection, tel Thomas, qui nous ont  transmis ce qu’ils ont vu, entendu et touché du Verbe de Dieu pour que nous soyons en communion avec eux et que notre joie soit parfaite comme la leur (1Jn1,1-4), accueillons ce dimanche de la miséricorde comme le temps de notre renaissance dans l’eau et l’Esprit ; nous sommes devenus des êtres nouveaux dans le Christ qui nous donne la paix ; cette paix ne veut pas dire absence de conflits de toutes sortes (intérieurs ou relationnels), mais elle est l’assurance, grâce à notre confiance en Jésus Christ, que nous partagerons la victoire du Crucifié sur toutes les forces de mort : le mensonge, l’orgueil, l’égoïsme, la cupidité, la haine... et la peur qui nous paralyse chaque fois que nous voulons nous débarrasser du vieil homme pour aller résolument vers Dieu et vers nos frères. Christ nous montre le chemin, il est le Chemin : engageons-nous sans crainte avec lui aujourd’hui, et nous découvrirons le bonheur qu’il promet à ceux qui croient sans avoir vu, parce qu’ils n’ont pas laissé mourir l’espérance sous le choc du rude et éprouvant combat quotidien.

Bonne fête de la Miséricorde, mon frère, ma sœur, et ne laisse jamais tes blessures assécher le puits d’amour et de vie que Dieu a mis dans ton cœur.

           Abbé Olivier MASSAMBA-LOUBELO