Livre: Je dois passer la frontière avant midi

 

Je dois passer la frontière avant midi   

  

 

Par Pierre Raudhel Minkala

 

Editeur : Mon Petit Éditeur

Genre : Roman

Date de parution : mai 2010

Prix : 18 €

Nombre de pages : 160

EAN n° 9782748353600 – Edition brochée

 

 

Résumé du livre

 

Loumoni, un jeune étudiant vivant dans une société en proie à la corruption et à la violence politique, ne rêve que de quitter son pays pour aller tenter sa chance ailleurs. Pourtant, pour réussir son projet d’émigration, il doit faire face aux différentes démarches administratives qu’exige, entre autres, l’obtention d’un passeport, d’un carnet de vaccination, d’un visa ou d’un laissez-passer. C’est au cours de ces démarches administratives qu’il va découvrir la réalité d’un mal très profond qui minait la vie sociopolitique dans son pays et dont les  symptômes les plus saillants sont la corruption et la dégénérescence de l’adversité politique en violence armée et en haine ethnique. Récit de voyage dans lequel alternent dialogues et monologues, où apparaissent des personnages aux profils variés, ce roman est une plongée dans les profondeurs de la réalité sociopolitique d’un pays corrompu et déchiré par la violence politique, et où l’on ne semble pouvoir survivre que par la débrouille. 

 

Notes sur l’auteur

 

Originaire du Congo-Brazzaville, Pierre Raudhel Minkala est un jeune écrivain et chercheur qui s’intéresse aux problèmes de société. Il a déjà publié un essai, Souffrance et foi chrétienne dans la société congolaise. Essai d'interprétation des orientations pastorales de Mgr Anatole Milandou (Société des écrivains, 2006 ; Edilivre, 2009), et un recueil de poèmes,   Cri du coeur  (Edilivre 2009). Il prépare actuellement une thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication.

 

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Quelques extraits du livre :

 

 

« […] Ça n’était pas un autre nom ; c’était bien Kibounsou-kia-mbi Indésiré. Pourtant il n’y crut toujours pas. Il se disait que ça devrait être une autre personne qui portait les mêmes nom et prénom que lui. Ce qui était très rare au Kahounga ! Car les cas les plus fréquents dans le pays, c’était plutôt le fait de retrouver plusieurs fois les mêmes nom et prénom sur une même liste d’affichage. On le voyait sur les listes électorales et sur les listes des examens d’État. Au niveau des listes électorales, les raisons de ces doublons n’étaient pas faciles à cerner. Par contre, en ce qui concerne les listes des examens d’État, cela s’expliquait simplement du fait qu’un même candidat pouvait être inscrit dans plusieurs centres d’examen afin de multiplier ses chances de réussite. Pourtant les examens d’État se déroulaient à la même date et aux mêmes heures dans tous les centres d’examen repartis sur l’ensemble du territoire national. Comment procédait alors le candidat multi-inscrit pour être présent partout où il s’était inscrit ? Eh bien, c’était très simple : il payait les services des autres compatriotes d’un niveau scolaire ou universitaire plus élevé que lui et qui composaient dans chacun des centres d’examen, avec chacun une pièce d’identité portant ses nom et prénom. Parfois, le candidat réel lui-même ne se présentait dans aucun centre le jour de l’examen, laissant tout simplement ses employés faire le travail à sa place. La multiplication des inscriptions et des pièces d’identité portant les mêmes nom et prénom était donc une stratégie de réussite aux examens d’État dans la République du Kahounga […] » pp.64-65

 

 

« […] L’attitude du contrôleur, qui paraissait très honnête puisqu’il avait fait son travail convenablement, ne plut pas du tout au commandant Nsakapele. Celui-ci se tourna vers le contrôleur qui était déjà sur le point de poursuivre son travail en direction d’autres voyageurs :

— Chef, vous voyez la pagaille que vous foutez dans ce train ?

— S’il vous plaît, mon commandant !

— Ah ! non, chef ! Ça, je n’accepte pas du tout ! C’est la pagaille, tout ça !

— Écoutez, mon commandant, on va arranger ça entre nous.

 

Le contrôleur revint sur ses pas et s’adressa à Loumoni :

— Excusez-moi, monsieur, vous ne pouvez pas avoir une bière pour le commandant ?

— Une bière ?

— Soyez coopératif, s’il vous plaît, monsieur !

— Mais votre commandant ne m’a pas demandé de bière, sinon je la lui aurais déjà offerte ! Je sais tout de même être généreux quand je le peux. S’il avait besoin d’une bière, il n’avait qu’à me la demander ouvertement. Il m’aura donc proféré toutes ses menaces rien que pour avoir une bière ?

 

Quand le milicien entendit parler Loumoni avec cette désinvolture, il devint très furieux. Il pointa son arme sur lui. Et tous ceux qui étaient à côté retinrent leur souffle lorsqu’il menaça :

— Hé ! Toi là ! Je vais te foutre une balle dans la tête ! Tu penses que je suis un mendiant, moi ? Je suis un commandant, moi ! J’ai combattu dans ce pays ! Et simultanément sur quatre fronts différents ! Un couillon comme toi qui as d’ailleurs l’air d’un infiltré étranger, tu veux me ridiculiser devant mes « cabris » et devant tout le monde, hein ? Tu vas le payer très cher ! Est-ce que le Président de la République te connaît même, hein ? Tu as déjà franchi le portail du palais présidentiel, toi ? Espèce d’amphibie ! D’ailleurs, qu’est-ce que tu es venu faire à bord de ce train ? Tu penses que c’est pour ton père, hein ? Infiltré va !

 

Le commandant Nsakapele se déchaîna, et personne ne pouvait l’arrêter. Il fut prêt à ouvrir le feu avec sa Kalachnikov qu’il continuait toujours à pointer sur Loumoni. Il vida sur lui toute sa colère sans que sa victime ne lui dise mot. Il l’injuria de tous les noms d’oiseaux. Tous dans cette voiture du train, y compris le contrôleur de train lui-même, étaient dans la frayeur totale. Personne, même pas un bébé, n’osait plus bouger ni tousser. Quant à Loumoni, il était perdu, ne sachant pas ce qui lui arrivait ce jour-là. Son grand français ne se faisait plus entendre. L’heure était très grave pour lui qui venait de s’attirer les foudres d’un « commandant de guerre ». Tout ce qu’il savait faire à ce moment précis, c’était de prier intérieurement pour que le bon Dieu le délivre de cette heure qui semblait déjà sonner pour lui le glas de sa vie sur terre. Il remit le sort de sa vie entre les mains de Dieu. Au bout de quelque cinq minutes d’acharnement sur lui, le milicien baissa son arme, puis la remit en bandoulière. Il se fit un silence de tombes pendant au moins deux minutes. Ensuite, le milicien se tourna vers le contrôleur :

— Chef, dites à votre client de payer les dommages et intérêts qu’il vient de causer par sa désinvolture à l’égard d’un commandant de l’armée kahoungaise.

 

Le contrôleur ne put sortir une parole de sa bouche. Il fit simplement signe de la tête à Loumoni. Celui-ci s’exécuta sans broncher. Il plongea sa main dans la poche de son pantalon et y sortit un billet de 5000 francs Cfa qu’il tendit directement au commandant Nsakapele. Ce dernier ravit violemment le billet de banque des mains de Loumoni :

— Donne-moi ça, pauvre type ! Tu voulais jouer au dur mais tu as rencontré un commandant de la République ! Tu as rencontré la République ! On ne blague pas avec la République ! Allez, chef, on continue le boulot ! Il ne faut pas s’occuper de ces pauvres types-là ! On doit servir la République ! Ce n’est pas pour rien qu’on a combattu. Vive la République ! Vive le premier président de la République kahoungaise élu au suffrage universel !

 

Tout d’un coup, le milicien se mit à chanter et à danser avec son fusil en bandoulière :

— Militaire asekaka mikolo mibale : mokolo ya lifouta, mokolo ya mouasi (Un militaire ne sourit qu’à deux occasions : quand il perçoit sa solde et quand il est avec une femme) ! […] » pp.99-102

 

    

      « [...] L’infirmier lui délivra le carnet de vaccination qu’il antidata alors qu’il ne lui administra même pas une seule dose des vaccins qu’il y avait mentionnés. Dès qu’il reçut son carnet de vaccination, Loumoni fila droit vers la frontière. À peine eut-il quitté les dernières maisons de la ville qu’il aperçut derrière lui le pick-up Lander Rover qui vrombissait à toute à allure en direction de la frontière. Il s’écarta de la route et agita sa main droite pour faire signe au chauffeur de s’arrêter. Arrivé à sa hauteur, le véhicula s’arrêta et Loumoni sauta dedans. C’est ainsi qu’il put atteindre la frontière avant la fermeture des bureaux des postes de police et de gendarmerie. Étant donné qu’il avait déjà fait toutes ses formalités au niveau des services des frontières du Kahounga, il n’eut qu’à prendre son sac dans le bureau du sergent-chef Baïlo Loubitou qu’il remercia vivement en passant. Il franchit à nouveau le petit portique en bois moisi pour se représenter aux gendarmes Nagonais. Ces derniers lui donnèrent cette fois-ci le quitus d’entrée sur le territoire nagonais, moyennant le paiement d’une somme de 7500 francs Cfa. Les gendarmes Nagonais ne se posèrent aucune question sur ce monsieur qui s’était déjà présenté à eux il y a au moins une heure et demie et qui disait ne pas avoir de carnet de vaccination. Pourtant il leur présenta cette fois-ci un carnet de vaccination dont les dates d’administration des vaccins remontaient à plus de deux semaines. Ce qui importait pour ces gendarmes, c’est plutôt le fait pour l’étranger sollicitant l’entrée sur le territoire nagonais d’avoir obligatoirement son carnet de vaccination à la main que d’avoir les doses des vaccins dans son corps et manquer de papiers pouvant justifier cette éventuelle immunité du corps. Ce n’étaient pas des agents des services d’hygiène, après tout ! De toute façon, un gendarme ou un policier c’est fait pour vérifier des papiers, et non pas pour ausculter des corps humains afin de savoir s’ils sont immunisés ou pas, n’est-ce pas ? […] » pp.157-158