Et la vie était la lumière des hommes

 

Et la vie était la lumière des hommes (Noël  2010 - Messe du jour)

 

 

Textes : Is 52, 7-10; Ps 98; He 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18 

 

 

Quand on aborde les textes de Noël avec les synoptiques, tout paraît simple. Mai, avec l’Évangile de Jean, il faut certainement relire plusieurs fois le texte pour comprendre. La terminologie, pourrait-on dire, devient plus savante. Pourtant, c’est le même mystère de l’enfant de Bethléem que Jean proclame. Il tente d’en approfondir la signification. Que serait la crèche, les bergers, voire Marie et Joseph,  si le mystère de l’Emmanuel ne prenait pas sa source dans la relation du Fils avec le Père? En tout cas, après l’exubérance, Jean nous invite à faire une pause pour méditer et réfléchir sur le mystère de celui que nous avons vu, touché et contemplé.

 

«Au commencement était le Verbe

 et le Verbe était avec Dieu

et le Verbe était Dieu.

Il était au commencement avec Dieu.

Tout fut par lui,

Et sans lui rien ne fut.

Ce qui fut en lui était la vie,

Et la vie était la lumière des hommes,

Et la lumière luit dans les ténèbres,

Et les ténèbres ne l’ont pas arrêté...» (Jn1, 1-5)

 

La richesse de ce bout de texte du Prologue johannique est telle que des thèses colossales y ont reçu leur marque. Des théologiens et exégètes de renom ont lu ce Prologue et l’ont interprété avec hardiesse. Il n’est pas nécessaire de reprendre ici les résultats de leurs recherches. Posons une question préalable : pourquoi l’approche du mystère Christ, chez Jean, soit si singulière? Le rédacteur ou les «rédacteurs» johanniques, un scribe ou des scribes, néanmoins disciples de l’Apôtre Jean lui-même, ont été moulus dans la culture grecque du Logos ou Verbe.  Plutôt qu’une envolée métaphysique, c’est la profondeur de la prédication orale de Jean, fils de Zébédée, qui trouve ici son couronnement. Relisons brièvement le texte en allant de questions en réponses.  

 

Qui est le Verbe? Réponse : celui qui  était au commencement

Où était-il ?Réponse: il était avec Dieu

Était-il Dieu ? Réponse : il était Dieu

Qu’avait-il en lui? Réponse:  la vie

Qu’est-ce que la vie ? Réponse : la vie était la lumière des hommes

Que fait la lumière? Réponse : la lumière luit dans les ténèbres

 

Proposons une synthèse. Le mystère du Verbre incarné prend sa source en Dieu lui-même. La création ne l’a point précédé, puisque tout fut par lui et sans lui rien ne fut (Jn1, 3). La caractéristique essentielle du Verbe est de porter la vie en lui. Le Verbe est cette vie même qui illumine les hommes. La vie et la lumière se donnent à lire comme l’identité fonctionnelle du Verbe. Elles disent ce qu’est le Verbe et ce que fait le Verbe. La suite du texte expose cette  relation de salut que le Verbe a inauguré sur la terre des humains. De plus, pour dire le Verbe, Jean commence par désigner celui qui n’est pas le Verbe : Jean le Baptiste qui, tout autant, lui rend témoignage. D’un trait, l’évangéliste Jean confesse clairement le Christ Jésus comme le Verbe qui était au commencement avec Dieu et Fils Unique du Père. Mais, toujours, on ressent, chez lui, cettte prudence à ne pas tirer, à la démesure, sur la divinité du Verbe et oublier son humanité ou faire le contraire. Jean résume ce point d’équilibre dans sa proclamation-synthèse. Celle-ci retrace la quintessence même du mystère de l’Emmanuel : Et le Verbe s’est fait chair (Jn 1, 14). La relation du Verbe au Père et du Verbe à l’humanité trouve un lieu commun: la question du salut. Partant, la question du début requiert une nouvelle réponse. Qui est le Verbe? C’est celui qui est venu dans le monde mais que le monde n’a pas reconnu, sous-entendu a refusé le salut. Mais tout n’est pas que refus; l’accueil de la vie et de la lumière est réalisé par ceux qui croient et acceptent de devenir enfants de Dieu par le Christ Logos.

 

En somme, dans le Prologue johannique, la foi christologique de la crèche éclate dans toute sa splendeur. Mais Jean nous la livre sous un autre regard. Le récit de la Nativité du Seigneur aurait été sans saveur s’il n’avait pas reçu cette profondeur de vue qu’il retrouve chez lui. Son Évangile se reporte autant sur le tout du mystère de l’humain que sur le tout du mystère de Dieu. C’est ce que la théologie classique désigne sous le vocable de l’incarnation. Le Prologue de l’Épître aux Hébreux en donne une saisie mêmement remarquable.

 

«Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes,

Parlé jadis aux Pères par les prophètes,

Dieu, en ces temps qui sont les derniers,

Nous a parlé par le Fils,

Qu’il a établi  héritier de toutes choses,

Par qui aussi il a fait les siècles...» (He, 1-3).  

 

Ce texte a été suffisemment exploré par le Concile Vatican II, à la suite des Conciles dits  christologiques. Le Concile de Nicée, en 325, en avait fait l’étalon mesure pour réfuter les vues erronées d’Arius sur les relations du Verbe avec le Père. On sait qu’Arius faisait subordonner le Fils au Père sous le label du démiurge grec ou demi-Dieu. La conséquence désastreuse était que le Christ apparaissait comme un Dieu créé puis adopté. En condamnant Arius, Nicée réaffirmait la vérité des Écritures sur l’égalité du Père et du Fils. Le Dieu qui a parlé par les prohètes devenait par conséquent le même Dieu qui se révélait en plénitude en Jésus Christ. L’auteur de l’Épître aux Hébreux nous fait entrevoir dans le Christ Verbe du Père l’unité de compréhension de l’Ancien et du Nouveau Testament. C’est dans ce contexte qu’il nous faut relire le texte d’Isaïe.

 

«Qu’ils sont beaux, sur les montagnes,

les pieds du messager qui annonce la paix,   

du messager qui annonce le salut ...» (Is52, 7)

 

La nouvelle qui fait vibrer d’ardeur le prophète Isaïe n’est certainement pas celle de l’enfant de Marie. Il s’agit plutôt de l’annonce de la libération de Jérusalem. Celle-ci préfigure le retour de l’exil. Cependant, la symbolique de l’annonce du salut, chez Isaïe, est toujours en lien avec son messianisme royal. Les relectures chrétiennes n’ont pas hésité à identifier ses allusions messianiques à la plénitude du dévoilement du salut manifesté en Jésus Christ.    

 

Quels messages se dégagent de ces textes?

 

Premier message :

 

La fête de Noël n’a pas seulement pour but de nous faire revivre un évènement. Elle nous ramène à la relation de vie et de lumière qui s’est établie désormais entre Dieu et l’humanité dans le Christ. Cet aspect du mystère chrétien n’a jamais fini de s’imposer à nous, malgré les situation de refus. D’où la nécessité du choix- un oui ou un non - et de l’option fondamentale pour le Christ.

 

Second message:

 

Il n’y a pas de salut en Jésus Christ si l’on n’a pas commencé par le confesser comme sujet et objet du salut. Nous sommes en droit de construire et de légitimer nos propres messianismes. Mais toujours est-il que la confession du Christ se présentera à nous comme unique, insurpassable et incomparable.  

 

                              Abbé Luc Augustin SAMBA