La vie consacrée, sel de la terre et lumière du monde

 

La vie consacrée,  sel de la terre et lumière du monde

En octobre 2009, s’est tenu à Rome, l’Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique. C’est le deuxième synode africain, après celui tenu en 1994 et convoqué par le Serviteur de Dieu, de vénérée mémoire, Jean Paul II. Cette assemblée synodale avait pour thème : « L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. "Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde" (Mt 5,13.14) ». En novembre prochain, comme le fit son prédécesseur Jean Paul II, en 1995, à Yaoundé, le Pape Benoît XVI se rendra au Benin pour la publication de l’Exhortation post-synodale. Il nous semble ainsi intéressant de lire la vie consacrée, dans notre Eglise-famille de Dieu au Congo, à la lumière de la réalité du sel et de la lumière, pour emboiter le pas à ce deuxième synode africain. C’est à cet exercice que cette réflexion veut se livrer.

Quarante jours après la naissance de Jésus, Marie et Joseph portèrent l’Enfant au Temple, afin de le présenter au Seigneur selon la loi de Moïse. Aussi l’Eglise célèbre-t-elle, le 2 février, la Présentation du Seigneur au Temple, qui clôture les solennités de l’Incarnation. Cette fête est aussi la journée de la vie consacrée.

Lors de la 1ère journée de la vie consacrée, en 1997, Jean-Paul II soulignait les trois buts de cette journée. Celle-ci est placée, en premier lieu, sous le signe de l'action de grâce, parce qu’« il est beau et juste de remercier le Seigneur pour le grand don de la vie consacrée, qui enrichit et réjouit l'Eglise par la multiplicité des charismes et le dévouement de tant de vies totalement données au Seigneur et aux frères ». L'objectif de cette journée est aussi de mieux connaître et apprécier la vie consacrée. « En contemplant le don de la vie consacrée, l'Eglise contemple sa vocation la plus profonde, celle de n'appartenir qu'à son Seigneur », soulignait Jean-Paul II. « La vie consacrée a pour mission prioritaire de garder vivante dans l'Eglise la forme historique de vie assumée par le Fils de Dieu quand il est venu sur cette terre ». Cette journée est enfin une invitation pour toutes les personnes consacrées « à célébrer ensemble et solennellement les merveilles que le Seigneur a accomplies en elles. Pour cela elles sont conviées à réfléchir sur le don reçu, à découvrir, dans un regard de foi toujours plus pur, le rayonnement de la beauté divine diffusé par l'Esprit dans leur forme de vie, à prendre conscience de leur mission incomparable dans l'Eglise pour la vie du monde ».

Du 18 au 20 novembre 2011, le Saint-Père  visitera le Benin. Le Souverain Pontife a l'intention de remettre aux représentants des Conférences épiscopales de tout le continent africain une Exhortation apostolique, qui sera le fruit de l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Evêques, qui s'est tenue au Vatican, en octobre 2009. Ce document, qui est une élaboration du thème du Synode, L'Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 13.14), sera un guide pastoral pour l'Eglise en Afrique, pour les prochaines années. Célébrer cette journée de la vie consacrée dans ce contexte, c’est se laisser interpeller par les intuitions du second synode pour l’Afrique. Dans une Eglise-Famille de Dieu où la vie religieuse demeure encore "du côté masculin, languissante, et du côté féminin, dans un brouillard étouffant"(Mgr Ernest Kombo), la clameur de toute l’Afrique qui cherche à se réconcilier avec elle-même, doit susciter l’émotion du cœur et devenir un don total de soi pour tous ceux qui ont été appelés à être dans l'Eglise et dans le monde, par les conseils évangéliques, Sel de la terre et Lumière du monde.

Le sel a une grande valeur pour l’humanité. D’après la manière dont vous l’employez, il peut causer du tort ou faire du bien. Le sel peut détruire complètement un sol riche et le rendre tout à fait stérile. Il n’était pas rare d’ailleurs, dans les guerres d’autrefois entre clans rivaux, entre villages ou royaumes, qu’un groupe se serve du sel pour neutraliser les terres ennemies ; ce qui revenait pratiquement à condamner les adversaires à la famine et à la soumission. Si vous avez faim et que vous mangez du sel, vous pouvez vous faire mal. Et ceux qui souffrent d’hypertension artérielle savent qu’ils doivent faire très attention à leur consommation de sel. Mais le sel a aussi d’excellentes qualités. On n’a pas besoin d’être médecin ou infirmier pour savoir que, si vous mélangez du sel à l’eau, vous pouvez utiliser la solution ainsi obtenue pour combattre la déshydratation. Et bien sûr, l’usage le plus courant du sel est d’être mélangé aux aliments pour leur donner de la saveur. Toutes les ménagères et tous les cuisiniers le savent. Bref, le sel a besoin d’être mélangé avec quelque chose d’autre pour faire ressortir tout son goût, toute sa puissance.

Ainsi, lorsque Jésus dit à ses disciples et à nous, « Vous êtes le sel de la terre », c’est en réalité une interpellation qu’il nous lance pour nous engager dans la transformation du monde, pour nous impliquer dans la construction d’une société plus juste et plus fraternelle. Il s’agit de redonner du goût, de reproduire dans l'Eglise et dans le monde, par les conseils évangéliques, « les traits caractéristiques de Jésus chaste, pauvre et obéissant » (VC  n°1). L’évangile, c’est du sel, et vous en avez fait du sucre, disait Paul Claudel. Les images que Jésus utilise doivent non seulement nous faire réfléchir, mais aussi nous stimuler à l’action. A ceux qui s’affadissent, aux personnes consacrées qui sont en train de se dissiper dans le monde et devenir un obscur et vague résidu sans saveur, sans odeur et sans couleur, les paroles du Christ sont fermes: « Vous devez être différents du monde si vous voulez être pour lui du sel, si vous voulez être pour lui une lumière ». Ce n’est point à des gens exceptionnels que Jésus s’adresse ; il s’agit des gens ordinaires dont on ne fait pas de publicité, mais qui ont un potentiel énorme, celui d’être le sel de la terre et la lumière du monde. Ils ont une capacité d’être extraordinaires. En d’autres termes, la communauté des croyants travaillant ensemble a une capacité inouïe d’apporter au monde la vision, l’esprit et les valeurs qui lui manquent.  

Raphaël BAZEBIZONZA sj
Hekima College (Theology) - Kenya