Pour un Congo uni, laborieux et prospère, l’éducation reste un défi majeur

 

Pour un Congo uni, laborieux et prospère, l’éducation reste un défi majeur

 

Lorsque nous méditons sur l’histoire récente de notre pays, en exerçant ainsi nos sens et notre jugement, ce qui s’offre à nous, ce n’est pas tant le souvenir des périodes sombres et meurtrières, des moments troubles et de grandes peines qu’a connus notre cher pays, que le sentiment d’être en perte de repères moraux. Car, en revisitant ces quelques années passées, il nous vient clairement à l’esprit que ces événements sombres et meurtriers ont fait de notre pays un « enfer », c’est-à-dire un « désert d’affection, de partage et d’amour du prochain ».

 

En effet, à cause de la dépravation des mœurs ayant accompagné ces événements, nous avons le sentiment d’avoir démissionné devant l’urgence de la consolidation et du perfectionnement d’un « vivre-ensemble-différent ». Sans pour autant nous emprisonner dans le pessimisme, un tel sentiment nous pousse plutôt à réfléchir sur le mot « éducation », une éduction pour un Congo où l’unité, le travail et le progrès ne devront plus être un simple slogan, mais un projet national. En effet, qu’est-ce qu’être éduqué ?

 

Au Congo, comme ailleurs, nous avons besoin avant tout de l’éducation. De l’instruction devrions-nous plutôt parler ? Non, il s’agit bien de l’éducation ! L’éducation est différente de l’instruction, cette dernière étant une simple acquisition des « connaissances » ou des « informations » au moyen de procédés pédagogiques. Et l’instruction ne « rend » pas l’homme « bon ». Les hommes « instruits », nous en avons nombreux au Congo, mais ceux qui sont éduqués sont très peu ! Quand l’instruction fait acquérir des savoirs, l’éducation induit un savoir-vivre.

 

Eduquer, c’est conduire de la « nature » à la culture. La culture est entendue ici comme l’ensemble de significations que nous donnons à nos comportements. Eduquer, c’est donc apprendre sa propre culture et celle des autres, pour en faire un référent devant nous  amener à un «vivre-ensemble-différent». Certes, par notre corps, nous sommes chacun différents les uns des autres - le corps étant considéré comme le « principe d’individuation » -, mais, par lui, nous apprenons aussi à vivre avec les autres car il est également « ce principe de communion ».

 

Eduquer, c’est donc perfectionner le sens moral inné en chacun de nous. Ainsi, pourrons-nous dire, éduquer c’est apprendre à être responsable et libre. Nous parlons ici, bien entendu, d’une « liberté raisonnable », c’est-à-dire la capacité de s’auto-positionner dans notre existence par rapport à l’autre, en s’arrêtant chaque fois là où commence l’existence de l’autre. C’est cela, apprendre à vivre ensemble différemment, qui implique l’acceptation de l’autre dans sa totale différence.

 

S’éduquer, dans un contexte congolais, c’est faire sien les trois mots qui composent notre devise nationale : « unité, travail, progrès ». S’éduquer serait, pour les Congolais, apprendre à aimer, à travailler et à se développer. L’unité, chère à notre pays et qui est le premier mot de notre devise nationale, n’est pas une uniformisation, non ! Elle est plutôt accueil et acceptation de l’autre. L’autre est un frère, celui avec qui je suis appelé à vivre et qui mérite mon attention. Ma relation à l’autre devra être vécue comme un lieu où chacun se sent accueilli et valorisé comme un frère. Travailler signifie, pour nous, être capable de créer des conditions devant nous permettre de sortir de la misère et de la dépendance. Nous consommons - et peut-être trop -, mais nous ne travaillons pas assez. Enfin, se développer, c’est créer des structures humanisantes pour un Congo où le  bien-être et le bien-vivre seraient notre fierté à tous.

 

Bref, l’éducation, qui consiste dans le perfectionnement du sens moral en nous, devient alors le socle de la paix et la condition préalable à toute construction nationale. On n’a jamais fini d’éduquer ni de s’éduquer. Toute notre vie est en effet un apprentissage au savoir-vivre, mais un savoir-vivre différent. Que ces mots de notre devise cessent d’être un simple slogan, pour devenir enfin des projets et des programmes de vie.

 

 

                          Adret Claudel BAKATOULA sj

                          C.E.R.C.L.E de Ouagadougou (Burkina-Faso)