Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice

 

Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice (8ème dimanche ordinaire – Année A)

Textes: Is 49, 14-15; 1 Co 4, 1-5; Ps 61, 2-3. 6-7.7. 8-9ab; Mt 6, 24-34

Premier texte : est-ce qu'une femme peut oublier son petit enfant?

Voici un petit texte d'une admirable beauté et d'une très grande profondeur. Tout y renvoie à l'alliance que Dieu a conclue avec son peuple. Une alliance qui, de la part de Dieu, ne sera jamais désavouée. C'est vrai que la relation entre Dieu et son peuple a connu des hauts et des bas. Le peuple a connu de nombreuses défections et beaucoup de souffrances. Souffrances tellement accablantes qu'il a parfois perdu confiance en la présence agissante de Dieu (v14). En prenant l'image de la relation entre une femme et son enfant, Dieu exprime d'une manière très concrète, à la fois émouvante et bouleversante, la relation avec son peuple. Il laisse supposer effectivement que, parfois, une femme peut, malheureusement, oublier « son petit enfant, le fils de ses entrailles ». Si un tel cas est possible, de son côté, cela est totalement impossible. Le Seigneur n'a jamais abandonné ni oublié son peuple. Au contraire, il s'est toujours souvenu de lui, a toujours été proche de lui et usé de sa puissance paternelle pour l'accompagner. Il continue et il continuera de le faire.

Dans notre vie de tous les jours, dans notre société, dans nos familles, dans notre Eglise, les difficultés ne manquent pas. Difficultés qui viennent de nous-mêmes ou de l'extérieur. Mais dans toutes ces circonstances, nous devons rester vigilants: maintenir notre relation avec Dieu, ne jamais douter de sa présence agissante, et ne jamais oublier de penser au sort de nos frères et sœurs en difficulté.

Psaume : je n'ai de repos qu'en Dieu seul

Ce texte se base sur une foi profonde en Dieu et respire une totale confiance en lui. Pour le psalmiste, Dieu est un « rocher », une « citadelle inébranlable », en qui il peut se réfugier, car il sauve en permanence et conduit à la gloire. En parlant de Dieu comme d'un rocher imprenable, le texte nous oriente vers notre histoire à la fois individuelle et collective, où les difficultés, sous forme d'agressions multiformes, ne sont pas rares. Dans de tels cas, la tentation est vraiment grande de recourir à des hommes en qui nous pensons trouver notre salut. Et, malheureusement, beaucoup y succombent. Ils recourent à des hommes aussi périssables et fragiles qu'eux. Et, à la fin, c'est souvent la désillusion. Le seul et vrai salut se trouve en Dieu seul. Voilà pourquoi, en finale, le psalmiste invite ses confrères, le peuple, à ne compter que sur Dieu seul.

Deuxième texte : il faut que l'on nous regarde seulement comme les serviteurs du Christ

Jésus nous a aimés jusqu'à la mort. Par le baptême et la foi, il a fait de nous ses héritiers et les intendants du mystère de Dieu. Il nous demande, et surtout à ceux qui tiennent la place de pasteurs dans la communauté, de mériter confiance. Saint Paul a été victime de jugements offensants de la part de certains chrétiens de Corinthe qui se sont enlisés dans des divisons internes, comme cela est dit en 1 Co 1, 1-17. Le seul et le vrai juge, c'est le Seigneur lui-même. Il faut lui faire justice en lui laissant ce rôle que nous cherchons toujours à jouer et auquel nous ne sommes pas du tout habilités. Une chose est certaine, le cœur de chacun de nous est un gouffre qui cache beaucoup de choses. Puisque tout cela sera mis au clair par le Seigneur en toute justice, attendons seulement le jugement qu'il rendra à la fin pour chacun et chacune d'entre nous.

Evangile et conclusion : cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice

La page de l'évangile, qui est une invitation à croire en la providence divine, continue l'idée développée dans les textes précédents. Encore une fois de plus, en deux temps, Jésus va à la racine de notre être, le cœur et ce que nous avons dans notre cœur, nos pensées et nos différentes préoccupations. Dans un premier temps, parlant des deux maîtres qui exercent leur autorité sur tous les hommes, Dieu et l'argent, Jésus présente le monde en deux groupes, ceux qui servent Dieu, d’une part, et ceux qui servent l'argent, d’autre part. Chaque groupe consacre à son maître toutes ses énergies, pour le servir. Impossible, dit Jésus, d'aimer, de servir les deux à la fois, et de s'attacher à eux; il faut faire un choix entre les deux. Et ce choix, pourtant fondamental, n'est pas facile.

Dans un deuxième temps, Jésus ne présente pas une alternative, comme tout à l'heure, mais il montre la bonne option que nous devons prendre. Ainsi ciblé, son enseignement se poursuit de façon plus claire, plus développée et plus directe. Du singulier, il passe au pluriel, signe qu'il adresse son appel à tous, mais pas de façon anonyme; ce qu'il dit à tous, il le dit également à chacun d'entre nous. Ce dont il est question ici, ce n'est pas d'une chose abstraite ou lointaine, mais de notre vie et de notre existence même : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture ?» (Cf. v25). Et Jésus d'illustrer son propos en montrant le Père céleste qui nourrit les oiseaux.

Sachant tous que les oiseaux luttent chaque jour pour trouver de quoi manger, nous voyons que Jésus ne nous invite pas à la paresse ou à l'insouciance. Mais ce qui est vrai, c'est que c'est dans la nature que les oiseaux trouvent une nourriture qu'ils n'ont pas semée. Nous ne pouvons pas ne pas évoquer cet autre passage de Jésus où il nous dit: « Il faut vous mettre à l'œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l'homme vous donnera » (Jn 6, 27). En parlant des vêtements, Jésus, discrètement, mais de façon tout de même claire, aborde plus directement la question du travail: « Observez comment poussent les lys des champs: ils ne travaillent pas, ils ne filent pas. Or je vous le dis que Salomon dans toute sa gloire n'était pas habillé comme l'un d'eux » (v29).

Jésus nous invite d'abord à avoir une foi profonde en Dieu; une foi qui débouche sur la foi en la providence (Cf. v30). Ensuite, il nous invite à lire le livre de la nature, d'une manière contemplative, pour y voir le travail de Dieu. Enfin, nous somme invités à orienter notre pensée vers l'eschatologie, quand Jésus viendra dans toute sa gloire pour juger les vivants et les morts. Par la foi, apprenons à découvrir, dans l'histoire et dans notre vie, la présence permanente et agissante de Dieu. Il est vrai que des événements comme les sécheresses, les inondations, les tremblements de terre, les violences mettent à l'épreuve notre foi en Dieu. Mais ce sont des occasions qui nous invitent à mettre également notre capacité en branle pour résoudre certains de nos problèmes, tels que ceux liés au réchauffement climatique, par, exemple. Ces situations nous invitent surtout à la conversion. La contemplation de la nature nous permet de voir le travail de Dieu, de le louer, mais aussi de l'imiter dans le travail. Rappelons-nous la tradition monastique dont le leitmotiv est « Ora et labora » (Prie et travaille).

L'aspect eschatologique, très présent ici, doit nous aider à préparer notre entrée dans le Royaume des cieux, dans la gloire où Jésus nous a précédés. Et cette gloire, liée au jugement, comme nous l'a rappelé l'apôtre Paul, est liée justement à la façon dont nous sommes attentifs aux besoins de nos frères et sœurs : « Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire... il dira à ceux qui seront à sa droite: "Venez les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous... Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais nu, et vous m'avez vêtu" » (Mt 25, 31-36). L'invitation que nous lance Jésus, « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice », est également un rappel de l'importance du dimanche et du repos que nous devons observer. Cela nous permet justement de mieux nous adonner à la prière, à la contemplation, aux loisirs, et de nous libérer, pendant un temps, des contraintes du travail des six jours de la semaine. C'est également un appel à lutter pour que le droit du repos hebdomadaire soit une réalité pour tous.

 

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi