La vraie rencontre avec Jésus se fait dans le silence

 

La vraie rencontre avec Jésus se fait dans le silence  (2ème Dimanche de Carême – A)

 

Textes: Gn 12, 1-4a; Ps 32; 2 Tm 1, 8b-10; Mt 17, 1-9

 

Premier texte: pars de ton pays... va dans le pays que je te montrerai

 

Ce petit passage montre comment Dieu vient à la rencontre de l'homme, pour lui révéler le plan qu'il a sur lui. Le point de départ est nécessairement triple: Dieu, le contexte où l'homme se trouve et l'homme lui-même. Nous avons ici le prototype des principaux éléments de toute vocation. C'est Dieu qui, incontestablement, occupe presque toute la scène. Il est mentionné au début et à la fin. Entre les deux, c'est lui seul qui, prenant la parole, donne un ordre et fait une promesse dans laquelle domine la bénédiction: « Je te bénirai...tu deviendras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront...En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Cf. vv2-3). Abraham, après avoir écouté, réagit: sans rien dire, il part, c'est-à-dire qu'il se détache de son pays, de sa famille et de la maison de son père (Cf. v1). Il abandonne tout ce qui faisait, sa sécurité, et il va, un peu à l'aventure mais avec la force de la foi en Dieu qui lui montrera un autre pays. Comptant sur Dieu seul, il est  vraiment le père des croyants. « Grâce à la foi, Abraham obéit à l'appel de Dieu: il partit vers un pays qui devait lui être donné comme héritage. Et il partit sans savoir où il allait » (He 11, 8).

 

Psaume: que ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi

 

La parole du Seigneur est une parole sûre, parce que Dieu  est toujours fidèle. Sachant qu'il ne sera pas déçu, le psalmiste met sa foi et son espoir en lui, qui est un appui, un bouclier, et qui est amour. Après avoir passé en revue un ensemble d'éléments qui caractérisent Dieu et son action par rapport à ceux qui croient en lui, le psalmiste termine par une prière dans laquelle il inclut toute la communauté: « Que ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi ». Il ne  nous reste qu'à lui emboiter le pas et à mettre, nous aussi, notre espoir dans le Seigneur.

 

Deuxième texte: Dieu nous a sauvés, et il  nous a donné une vocation sainte

 

Ces mots de l'apôtre Paul à son collaborateur constituent la base de sa pensée. De là, vient le développement qui suit et qui rejoint ce qui est dit dans d'autres passages. Nous nous rappelons cette parole célèbre: « Quand je suis faible, c'est alors que je suis fort » (Cf. 12, 10). S'il peut parler ainsi, c'est parce qu'il compte sur « la force de Dieu » (v8). Dans son « amour », qui se manifeste par le don gratuit de sa grâce, dont nous a parlé le psaume (Cf. vv5. 18. 22), il « nous a sauvés, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce qui nous a été donnée dans le Christ Jésus... lequel s'est manifesté en détruisant la mort » (Cf. vv10-11). 

 

Evangile et conclusion: celui-ci est mon Fils bien-aimé…

 

Cet évangile, nous pouvons le diviser en quatre parties: (1) Jésus, Pierre, Jacques et Jean (vv1-2); (2) Jésus, Moïse, Elie, Pierre, Jacques et Jean (vv3-4); (3) Jésus, Pierre, la nuée, Jacques et Jean (v5); (4) Jésus, Pierre, Jacques et Jean (vv6-9. Dans la première partie, nous avons les trois disciples qui seront encore mentionnés lors de l'agonie de Jésus a Gethsémani (Mt 26, 37), lors de la résurrection de la fille de Jaïre (Mc 5, 37), lors de la pêche miraculeuse (Lc 5, 3. 10; Jn 21, 2). Nous pouvons faire un rapprochement avec Moïse qui va sur la montagne (Ex 24, 1, 16); quand il  descend, son visage est rayonnant (Ex 34, 29); l'alliance conclue avec les pères est renouvelé (Ex 33, 1). La montagne symbolise aussi la Loi et commandements (Ex 24, 12), et annonce un prophète comme Moïse qu'il faudra écouter (Dt 18, 15). Ces éléments nous permettent de faire un rapprochement très significatif avec la passion de Jésus. Là, Jésus « est transfiguré devant eux ». Cette expression, vraiment mystérieuse pour nous, est comme explicitée par les mots « briller, soleil, blancheur, lumière », qui symbolisent la gloire, le triomphe, la victoire et même de la résurrection (Cf. Mt 28, 3; Lc 24, 4). 

 

Dans la deuxième partie, deux autres s'ajoutent à eux. Ils parlent avec Jésus de ce qui allait arriver à Jérusalem et que Jésus vient d'annoncer (Mt 16, 21). Moïse est un double symbole, celui de la Loi, mais aussi du prophète qui viendrait (Cf. Dt 18, 15). Et Elie représente les prophètes. Ici, nous vient à l'esprit ce que Jésus lui-même nous dit: « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais accomplir (Mt 5, 17). C'est également un témoignage sur la résurrection et sur le bonheur qui nous attend, comme le suggèrent les paroles de Pierre (v4). La troisième partie évoque encore Moïse et la nuée lumineuse, signe de la présence Dieu (Cf. Ex 24, 15). Nous sommes également ramenés au baptême de Jésus par Jean Baptiste, avec les paroles qui viennent des cieux (Cf; Mt 3, 17). Ici, laissons-nous surprendre par ce que cette voix ajoute et par son insistance sur l'écoute de la parole de Dieu (Cf. v5). La quatrième partie nous ramène en fait à la première, avec exactement les mêmes personnages. Nous notons cependant une grande différence par la présence d'un verbe: « écoutez-le ». Et nous sommes de nouveau renvoyés au « shema Israël », « écoute Israël ». C'est l'attitude fondamentale de toute personne que le Seigneur rencontre, parce qu'il a toujours un message à lui transmettre. L'homme, à son tour, peut répondre par la parole, mais pas nécessairement. Le plus important pour lui est d'écouter, de bien saisir le message et d'obéir, comme a fait Abraham autrefois.

 

Jésus est le nouveau Moïse, notre guide et libérateur; le nouveau et le dernier prophète, celui qui nous parle au nom de son Père, comme le Père lui a dit de parler, le vrai et dernier révélateur du Père. Non seulement il parle de son Père, mais il est la parole elle-même, le Verbe. Désormais, pour être en communion avec Jésus, Fils de Dieu, il faut être en communion avec sa parole, il faut fréquenter sa parole et la méditer chaque jour. Et cette parole, comme cela ressort de la rencontre des deux disciples d'Emmaüs, nous conduit à connaître la parole de Dieu, à découvrir Jésus-Christ mort et ressuscité, gage de notre propre résurrection.Ici, c'est clair, nous sommes nécessairement invités à regarder, à contempler Jésus dans sa gloire,  signe de sa divinité, gloire qu'il avait depuis la fondation du monde, gloire comme Fils unique, gloire désormais étroitement liée à la croix : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela et qu'il entrât dans sa gloire ? » (Lc 24, 26).

 

La transfiguration, mystère de la gloire divine, a lieu dans un endroit à l'écart, comme dans un certain désert. Ainsi, nous comprenons que toute vraie rencontre avec Jésus a besoin d'une certaine solitude, un certain isolement, un certain silence. Un silence que même Dieu lui-même a respecté avant de faire entendre sa voix au v5. Comme le dit si bien le pape Benoît XVI: « Ces paroles nous invitent à quitter la rumeur du quotidien pour nous plonger dans la présence de Dieu: il veut nous transmettre chaque jour une parole qui nous pénètre au plus profond de l'esprit, là où Dieu discerne le bien et le mal et affermit notre volonté de suivre le Christ ». Suivre le Christ jusqu'à la croix, c'est très dur et au-dessus de nos forces; voilà pourquoi Jésus a voulu cette transfiguration, une sorte d'anticipation de la résurrection, pour que, quand arrivera le moment de l'épreuve, les trois disciples aient le courage de la supporter. Dans notre vie, les épreuves ne manqueront jamais, mais nous devons toujours nous rappeler que c'est la voie incontournable pour parvenir au salut, à la gloire.

 

Mgr Bernard NSAYI

Evêque émérite de Nkayi