Pour comprendre Africae Munus…

 

Pour comprendre Africae Munus

Le voyage apostolique du pape Benoît XVI au Bénin avait un triple objectif : remettre l'Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus, fêter le 150ème anniversaire de l'évangélisation du Bénin et rendre hommage au cardinal Gantin. Les lignes qui suivent s’intéressent à l’Exhortation apostolique, pour en saisir les grandes articulations et l’essentiel du message qu’il adresse à l’Eglise-famille de Dieu qui est en Afrique.

Le titre de cette Exhortation est provocateur Africae Munus – l’engagement de l’Afrique –. De quoi s’agit-il ? Africae Munus a été rédigé par Benoît XVI à partir des 57 propositions finales du second Synode pour l’Afrique, qui a eu lieu en octobre 2009, sur le thème de la réconciliation, la justice et la paix. Il se situe dans une sorte d’herméneutique de la continuité d’Ecclesia in Africa, fruit de la première Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques, qui a donné une grande impulsion au développement de l’Eglise en Afrique, en développant, entre autres, l’idée d’Eglise-famille de Dieu, au bénéfice de l’Eglise universelle. Africae Munus entend renforcer ce dynamisme ecclésial, indiquer le programme de l’activité pastorale, dans les prochaines décennies, de l’évangélisation du grand continent africain, soulignant le besoin urgent de réconciliation, de justice et de paix.

Sa structure et l’essentiel

Africae Munus est divisé en deux parties :

La première examine les structures portantes de la mission ecclésiale du continent qui aspire à la réconciliation, la justice et la paix, et qui a, comme source, la personne de Jésus-Christ. Ceci est motivé par le présupposé que « l’Afrique a besoin d’entendre la voix du Christ qui proclame aujourd’hui l’amour d’autrui, y compris de l’ennemi » (AM 13). En l’écoutant, les chrétiens sont invités à se laisser réconcilier avec Dieu, à devenir saints pour construire un ordre social juste, dans la logique des Béatitudes, en s’engageant dans le service fraternel pour l’amour de la vérité, source de paix. Pour cela, «une attention préférentielle doit être accordée au pauvre, à l’affamé, au malade, au prisonnier, au migrant, au réfugié ou au spolié» (AM 27). L’Eglise doit contribuer à former une Afrique nouvelle, se faisant l’écho «du cri silencieux des innocents persécutés ou des peuples dont les dirigeants hypothèquent le présent et le futur en raison d’intérêts personnels» (AM 30). C’est pourquoi, les chantiers pour la réconciliation, la justice et la paix, sont aussi indiqués, dans une authentique conversion, la célébration du sacrement de réconciliation, une spiritualité de communion, l’inculturation de l’Evangile, la protection de la vie, les migrants, les réfugiés, la bonne gouvernance des États, le dialogue œcuménique et interreligieux, surtout avec les religions traditionnelles et l’Islam.  

La seconde partie est une invitation pressante à tous les membres (évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées, séminaristes, laïcs et catéchistes) de l’Eglise, pour qu’ils contribuent à la communion et à la paix dans l’Eglise et dans la société. Africae Munus invite les évêques à la sainteté de vie, en union avec le Successeur de Pierre, en communion avec les prêtres. Ils doivent résister à la tentation du nationalisme s’engager dans l’éducation des laïcs. Les diocèses doivent être des « modèles quant au comportement des personnes, à la transparence et à la bonne gestion financière » (AM 104). Les laïcs, quant à eux, doivent vivre la sainteté dans le monde, montrant que le travail, avant d’être un moyen de faire du profit, est le lieu de la réalisation personnelle et du service du prochain. Pour ceux qui œuvrent dans les champs politique, économique, culturel et social, il est en outre fondamental de connaître la Doctrine sociale de l’Eglise (AM 128). Sont aussi indiqués les champs de l’apostolat : l’Église comme présence active et efficace de Jésus-Christ, le monde de l’éducation, de la santé et des moyens de communication sociale. L’exhortation ouvre un horizon d’espérance à l’Afrique qui, en accueillant Jésus-Christ, doit s’émanciper des forces qui la paralysent. Le mot espérance figure d’ailleurs plusieurs fois dans l’Exhortation apostolique post-synodale Africae munus. Parler de l’espérance, c’est parler de l’avenir, et donc de Dieu ! L’avenir s’enracine dans le passé et le présent. Le passé, nous le connaissons bien, regrettant ses échecs et saluant ses réalisations positives. Le présent, nous le vivons comme nous le pouvons. C’est sur ce terreau composé de multiples éléments contradictoires et complémentaires qu’il s’agit de construire avec l’aide de Dieu. Conscient du patrimoine intellectuel, culturel et religieux du continent, mais également des défis actuels que l’Afrique doit affronter, le Pape encourage le continent à accueillir toujours plus le Christ, se libérant de ce qui le paralyse et trouvant en soi-même les forces pour relancer sa propre vie et son histoire.

En gros

L’Eglise, sacrement d’union avec Dieu et avec les hommes, doit être un lieu de réconciliation, don de Dieu, pour être un instrument efficace de la justice et de la paix dans la société tout entière. Le moyen le plus efficace est une vie d’intime communion avec Dieu et avec les autres (AM 152). La réconciliation vient du mystère de Jésus-Christ ressuscité, présent dans son Église à travers la Parole de Dieu et les sacrements, surtout ceux de la réconciliation (AM 155) et de l’Eucharistie. En effet, autour de la table du Seigneur sont réunis des hommes et des femmes d’origines, de cultures, de races, de langues, et d’ethnies différentes. Ils forment une seule et même unité grâce au Corps et au Sang du Christ. À travers le Christ-Eucharistie, ils deviennent consanguins, et donc authentiquement frères et sœurs, grâce à la Parole, au Corps et au Sang de Jésus-Christ lui-même. Ce lien de fraternité est plus fort que celui de nos familles humaines, celui de nos tribus (AM 152). Dans son œuvre d’évangélisation et d’éducation à la foi chrétienne, l’Eglise doit mettre l’accent sur une catéchèse vécue qui conduise à une conversion profonde et à un engagement effectif à vivre l’Evangile au niveau personnel, familial et social. La doctrine sociale de l’Eglise vient en soutien à la promotion humaine.

Quelques pistes pratiques

Reprenant certaines des propositions finales du Synode, l’Exhortation apostolique suggère quelques propositions concrètes pour favoriser la réconciliation, la justice et la paix dans le continent :

·         augmenter la Lectio Divina et l’apostolat biblique, car la Parole de Dieu donne vie à la communion fraternelle (à ce sujet, il est intéressant de lire « La lecture de la Parole de Dieu, une exigence de l’Eglise et de la foi », de Ildevert Mathurin Mouanga, sur le Site Web : http://diocesedekinkala.free.fr

·         célébrer un Congrès eucharistique continental, car l’Eucharistie établit une fraternité nouvelle qui dépasse les différences de langue, de culture et d’ethnie, ainsi que le tribalisme, le racisme et l’ethnocentrisme.

·         suggérer, de la part des Eglises particulières, de nouveaux candidats à la canonisation, car les Saints sont des défenseurs exemplaires de la justice et des apôtres de la paix. (une bonne nouvelle pour les Congolais, pour que soit relancé le processus de béatification et de canonisation du bien-aimé cardinal Biayenda)

·         soutenir, de la part des évêques, le SCEAM (Symposium des Conférences épiscopales de l’Afrique et de Madagascar), structure de solidarité et de communion ecclésiale au niveau continental.

·         encourager les pays africains à célébrer chaque année un jour ou une semaine de réconciliation, particulièrement au cours de l’Avent ou du Carême.

·         contribuer, de la part du SCEAM, en accord avec le Saint-Siège, à la réalisation d’une « Année de la réconciliation » pour tout le continent.

Pour conclure

Dans le sillage d’Ecclesia in Africa, publiée le 14 septembre 1995, à Yaoundé, par le bienheureux Jean-Paul II, Africae Munus approfondit le thème de la réconciliation, don de Dieu à l’Eglise et au monde, pour que la communauté des disciples de Jésus Christ devienne toujours plus promotrice de la justice et de la paix sur le cher continent africain. L’exhortation contient donc un appel pressant à tous les chrétiens, et de façon particulière aux membres de l’Eglise catholique, afin qu’ils deviennent toujours plus le sel (cf. Mt 5, 13) d’une société africaine multiethnique, multiculturelle et pluri-religieuse. Africae Munus offre à l’Eglise en Afrique un guide pratique pour l’activité pastorale des prochaines décennies. L’évangélisation ad gentes en Afrique reste une priorité avec l’annonce de l’Evangile à ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ. Cette priorité pastorale doit engager tous les chrétiens d’Afrique. Il faut, en outre, mieux animer l’évangélisation ordinaire dans les diverses Eglises locales, en s’engageant à promouvoir la réconciliation, la justice et la paix.

Raphael BAZEBIZONZA sj
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Hekima College – Nairobi (Kenya)