Dieu a sauvé le monde par les abaissements de son Fils

 

Dieu a sauvé le monde par les abaissements de son Fils (Dimanche des Rameaux et de la Passion de

Notre Seigneur Jésus Christ, 20112 – Année B)

 

Textes : Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Ph 2,6-11 ; Mc 14,1-15,47

 

En ce dimanche des Rameaux et de la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ, la liturgie nous propose de méditer un des chants du serviteur de Yahvé d’Isaïe. Dans ce cantique, l’écoute joue un grand rôle. Le serviteur écoute l’instruction pour se fortifier lui-même et pour fortifier celui qui n’en peut plus. S’il ne tend pas l’oreille pour écouter Dieu qui lui parle, il ne saura accomplir sa fonction. Sans écoute de la parole qui vient de Dieu, on ne peut être sans serviteur. Si ce serviteur doit être considéré dans sa dimension communautaire, on peut donc dire qu’Israël est serviteur de Dieu dans la mesure où il écoute son Seigneur.

La dimension de la souffrance n’est pas exclue de la vie du serviteur. La tradition a pris l’habitude d’appeler ce serviteur un serviteur souffrant. Dans ce sens, le texte d’Isaïe se présente bien comme une préfiguration du Christ. La tradition chrétienne n’a pas hésité d’y voir une annonce de la souffrance du Christ par obéissance à son Père. Evidemment, le serviteur affronte la violence, l’oreille tendue vers celui qui lui donne l’instruction. La force qu’il reçoit de cette écoute de la Parole de Dieu lui permet de garder confiance et sérénité dans la douleur, et malgré elle. Les expressions sont assez fortes pour le dire. Il présente le dos et les joues, le visage aux outrages et aux crachats. Mais le Seigneur lui vient au secours. Il n’est pas atteint par les outrages. Il a rendu son visage dur comme pierre. Il ne peut être confondu. C’est cela qu’on pourra lire dans le récit de la passion du Christ, lorsque celui-ci oppose à ses détracteurs un silence à la limite implacable.

Le salut du monde n’est possible que parce que le Christ s’est abaissé. C’est ce que retrace l’hymne du début de la Lettre aux Philippiens. Une prière de la liturgie reprendra que Dieu a sauvé le monde par les abaissements de son Fils. Cet abaissement est nécessaire pour comprendre le mystère incommensurable de l’amour de Dieu et l’obéissance du Christ à son Père. C’est cela qui rend le salut du monde possible. La conséquence pour l’homme est presque automatique : devant le Christ, tout homme doit s’agenouiller en signe d’adoration et doit reconnaître dans son cœur le Christ comme Seigneur du ciel et de la terre, Seigneur de la vie et de l’histoire, celui qui a reçu, comme le dira Matthieu, tout pouvoir, toute autorité au ciel et sur la terre. La célébration de la veillée pascale nous fera revivra cela dans le rite de bénédiction du cierge pascal.

Le récit de la passion du Christ peut tourner autour d’une question principale qui concerne son identité. Elle lui est posée d’abord par le grand prêtre : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? ». Elle lui sera posée de nouveau par Pilate : « Es-tu le roi des Juifs ? ». Aujourd’hui encore, notre foi ne va pas sans poser cette question, et le chrétien doit y répondre. Devant le grand prêtre, Marc, qui est pourtant si discret sur la révélation de l’identité de Jésus, n’hésite pas de répondre par l’affirmatif : « Je le suis… ». Mais cette réponse si claire ne suscite pourtant que désapprobation : il a blasphémé. Jésus, de son côté, gardera une vraie maîtrise de la situation depuis le commencement. Quand il envoie ses disciples préparer la pâque, quand il institue l’eucharistie, quand il se met en prière dans une agonie profonde à Gethsémani, etc. Il est le Seigneur qui se livre pour le salut du monde. Tout le monde l’abandonnera, mais lui, confiant et obéissant à son Père, assumera jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur la croix.

Sur la croix se réalisera une autre révélation, sous forme de profession de foi, la deuxième de ce récit de la passion du Christ, la profession de foi du centurion romain : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu ». L’ironie, lorsqu’on compare avec l’attitude du grand prêtre, c’est que c’est un païen qui confesse la divinité du Christ. Certes, il se peut que cette affirmation n’ait pas encore toute la teneur que lui donnera la théologie chrétienne dans la suite, mais une telle confession de la bouche d’un romain ne peut pas laisser le lecteur de la Parole de Dieu indifférent.

La lecture de la passion de Notre Seigneur, qui a lieu en ce dimanche des Rameaux (elle retentira encore le Vendredi Saint), en appelle à une autre, celle de milliers de personnes dans le monde, surtout sur le continent africain, qui souffrent de violence, d’injustice, de toutes sortes de maux. La passion de toutes ces personnes ne peut pas ne pas nous faire penser à celle du Christ, le frère universel qui continue de souffrir dans la chair et l’esprit de tous ses frères et sœurs. Le Congo traverse des moments douloureux avec les explosions du dépôt d’armes du Camp des blindés, à Mpila. Les milliers de sinistrés dans les sites organisés à travers la ville, continuent de nous faire penser à ce Christ en souffrance encore aujourd’hui dans le monde, et sollicitent notre compassion et notre solidarité. Mais il y a plus, ils ont besoin aussi de notre prière. Celle-ci rejoint celle du Christ en agonie à Gethsémani.

Encore une fois, comme l’a reconnu le Pape Benoît XVI dans la dernière Exhortation apostolique qu’il a adressée particulièrement à l’Eglise d’Afrique, le Christ est l’antidote efficace à tous les maux de l’Afrique d’aujourd’hui. L’unique nom qui ait été donné aux hommes, par lequel ils peuvent être sauvés, est le nom du Christ. Encore et de manière toute spéciale aujourd’hui, il faut l’annoncer, le porter à l’Afrique, l’aimer et le servir, pour la plus grande gloire de Dieu et pour le salut de l’humanité.

Abbé Ildevert M. MOUANGA.