La foi de Pâques a besoin de la chaleur communautaire

 

La foi de Pâques a besoin de la chaleur communautaire (2ème Dimanche de Pâques – Année B)

Texte : Ac 4, 32-35 ; Ps 117 ; 1 Jn 5, 1-6 ; 20, 19-31

Dans un de ces premiers sommaires du livre Actes des Apôtres, Luc tourne son attention vers la communauté primitive, après avoir déjà parlé de certaines actions des apôtres, comme la guérison de l’impotent de la Belle porte du Temple, par Pierre et Jean (3, 1-26), mais aussi des premières persécutions (4, 1-31). La communauté chrétienne mène une vie modèle, faite d’union des cœurs et de communauté des biens, du témoignage des apôtres au sujet de la résurrection du Seigneur. La conséquence, c’est qu’aucun d’entre eux n’était dans l’indigence. Ce que le Seigneur recommandait à Israël par la bouche de Moïse, « qu’il n’y ait aucun pauvre au milieu de toi » (Dt 15,4), Luc le voit se concrétiser dans la première communauté chrétienne.

Dans ce résumé de la vie de la première communauté chrétienne, on peut noter certains points essentiels, nécessaires à toute communauté qui se veut chrétienne : union des cœurs, mise en commun des biens matériels, témoignage des apôtres qui est comme au centre de toutes ces activités d’ordre matériel. Ce témoignage rejoint ce qui est appelé, ailleurs, enseignement des apôtres (2, 42-44). Sans ce témoignage de la résurrection, la communauté postpascale ne peut pas vivre, ne peut pas survivre. Par ailleurs, l’union des cœurs précède la mise en commun des biens. C’est cette union que l’on doit chercher, que l’on doit cultiver, avant tout. Cette union est purifiée par la foi en Christ ressuscité et l’action de l’Esprit de la Pentecôte, le Dieu Trinité autour duquel la communauté croyante se rassemble.

Aujourd’hui, dans beaucoup de pays africains, on parle de lutte contre la pauvreté. Le livre des Actes des Apôtres nous suggère ici comme un modèle basé sur l’événement pascal, c’est-à-dire la mort et la résurrection de Jésus. Avant tout, l’union des cœurs, la concorde, puis la mise en commun des biens, avec un partage équitable selon les besoins de chacun. Au centre de tout cela, le témoignage de la résurrection de notre Seigneur, qui vient des apôtres. La foi chrétienne ne s’arrête pas seulement à une dimension cultuelle, liturgique ; elle s’étend jusqu’à l’organisation de la vie sociale, à la prise en charge des besoins individuels, sous l’impulsion de la résurrection du Christ et de l’action de l’Esprit Saint dans nos cœurs. La communauté chrétienne peut lutter contre la culture de la mort, qui se manifeste dans nos pays à plusieurs niveaux, pour insuffler comme une haleine de vie, selon le modèle biblique de la création de l’homme.

Dans ce sens, la méditation que propose la première lettre de Jean tombe bien à propos. Le chrétien de Pâques est né de Dieu, parce qu’il aime Dieu. Il aime ses frères (les enfants de Dieu). Et c’est cela qui est vainqueur du monde. C’est cela qui est vainqueur de la léthargie présente dans le monde. C’est cela qui est vainqueur des pesanteurs de toute sorte, qui nous gardent encore dans nos tombeaux. La foi est capable de vaincre le monde. La foi en Dieu, Un et Trine, est un antidote de la mort. Le Pape Benoît XVI l’a si bien dit dans l’exhortation apostolique post synodale Africae Munus : « Cependant, pour se tenir debout avec dignité, l’Afrique a besoin d’entendre la voix du Christ qui proclame aujourd’hui l’amour de l’autre, même de l’ennemi, jusqu’au don de sa propre vie, et qui prie aujourd’hui pour l’unité et la communion de tous les hommes en Dieu (Cf. Jn 17,20-21) » (AM, 13). Plus loin, un peu avant la conclusion, il ajoute : « L’accueil de Jésus offre à l’Afrique une guérison plus efficace et plus profonde que tout autre » (AM, 149).

La foi de Pâques a besoin de la chaleur communautaire pour se réchauffer, pour se consolider. Elle n’est pas une foi solitaire. Même lorsque c’est chaque individu qui doit prononcer sa profession de foi, c’est seulement l’Eglise, la communauté des croyants, qui l’authentifie. C’est ce qui peut ressortir du passage de l’Evangile de ce deuxième dimanche. Thomas a beau être courageux, à tel point qu’il sort tandis que les autres s’enferment et verrouillent les portes du lieu où ils sont, c’est seulement lorsqu’il rejoint la communauté rassemblée qu’il peut faire l’expérience du Christ ressuscité, qu’il peut, à son tour, faire sa profession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ». La profession de foi individuelle se nourrit à la sève de la foi de la communauté. Elle en a besoin pour se maintenir. L’Eglise aujourd’hui, surtout dans notre Afrique, doit être le lieu où l’on rencontre le Christ mort et ressuscité, vivant et marchant au milieu de son peuple. Le Christ ressuscité de Jean apparaît très volontiers à la communauté. En dehors de l’apparition à Marie de Magdala (Jn 20, 11-18), le Christ ressuscité n’apparaît qu’à des groupes. C’est le cas de ce passage, et de l’apparition au bord du lac (Jn 21). C’est la communauté qui se porte garant de la foi en la résurrection avant que les individus singuliers la propulsent, mais toujours avec l’aide de la communauté et de l’Esprit Saint jusqu’aux confins de la terre.

Le chrétien, qui écoute résonner dans son cœur l’évangile de Pâques, prend conscience que c’est au sein de la communauté qu’il vit sa foi, qu’il rencontre le Christ ressuscité, fait son expérience et consolide son adhésion à lui et à son message.

Le Christ, quant à lui, donne l’Esprit Saint à la communauté rassemblée pour la rémission des péchés, et envoie jusqu’aux confins de la terre. Dorénavant, c’est l’Esprit Saint qui va guider son Eglise. Cet Esprit, donné le soir de la résurrection, montre que Pâques est un événement qu’il faut considérer en un seul mouvement : la mort, la résurrection, la glorification, l’envoi de l’Esprit Saint et, enfin, le témoignage des apôtres.

Abbé Ildevert Mathurin MOUANGA