La Pentecôte est la solennité du témoignage

 

La Pentecôte est la solennité du témoignage (Dimanche de Pentecôte – Année B)

 

Textes : Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Ga 5, 16-25 ; Jn 15, 26-27 ; 16,12-15

 

Cinquante jours après Pâques, l’Eglise célèbre la Pentecôte, la fête de la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres et l’ouverture de l’Eglise au monde. Dans la législation de l’Ancien Testament contenue dans le Pentateuque, on peut retrouver la célébration de fêtes liturgiques importantes après Pâque. En partant d’Ex 23,14-17 ; 34,18-23, on peut mentionner trois fêtes principales : les pains sans levain, qui dure sept jours (rattachés à la sortie d’Egypte, donc la Pâque), la fête de la Moisson, qui est aussi appelée fête des Semaines et qui se célébrait sept semaines ou cinquante jours après Pâque, à laquelle on avait rattaché plus tard le souvenir de la promulgation de la loi du Sinaï, et la fête de la récolte. Pendant ces fêtes, on se présente devant le Seigneur avec quelque chose à lui offrir, pas les mains vides. La Pentecôte, cinquante jours après Pâques, viendra s’insérer dans ce contexte d’organisation liturgique de la vie du peuple d’Israël.

Dans le texte des Actes que nous propose la liturgie de ce dimanche, on peut constater que le miracle de la Pentecôte se produit de deux manières. La première, c’est que les apôtres, remplis de l’Esprit Saint, se mettent à parler en d’autres langues selon le don de cet Esprit (Cf. Ac 10,46). Plus loin, on dira que ce sont les merveilles du Seigneur qu’ils proclament ainsi. Le parler en langues est une caractéristique de la présence de l’Esprit Saint dans les Actes des Apôtres et dans les premières communautés chrétiennes. Paul en fera mention lorsqu’il abordera le problème des charismes au sein de la communauté de Corinthe (1 Co 12,10 ; 13,1). Comme à l’acte de la création, le Seigneur fit usage de sa parole (Gn 1), au point que  Jean dira, dans son prologue, qu’au commencement était la parole. La Pentecôte, qui est la nouvelle création par le souffle de l’Esprit (Cf. Gn 1,7), libère la parole, à travers l’œuvre du, don de cet Esprit et la prédication des apôtres qui fait naître la première communauté chrétienne.

La deuxième manière, c’est que tous ceux qui se sont rassemblés autour du lieu où étaient les apôtres ont commencé à les entendre, chacun dans sa langue, proclamer les merveilles de Dieu. La Pentecôte est vraiment l’ouverture à l’universalisme. Dans ce sens, on parle de la Pentecôte comme l’antithèse de la tour de Babel (Gn 11,1-9). Là où est l’Esprit de Dieu, la multitude de langues se rassemblent dans un concert des nations. En même temps, le centre d’intérêt se déplace du temple de Jérusalem, où les différents pèlerins montaient, vers le cénacle, le lieu où naît l’Eglise sous le souffle de l’Esprit. Désormais, c’est à partir du lieu où ont eu lieu l’Eucharistie et le don de l’Esprit que la communauté des croyants se rassemblera et se dispersera jusqu’aux confins de la terre, pour annoncer la Bonne Nouvelle du salut.

Ces dernières années, l’Afrique en général, notre pays en particulier, souffre beaucoup de la diversité de nos langues, mais surtout de l’instrumentalisation des ethnies, des tribus (si elles existent encore). Célébrer la Pentecôte devient alors synonyme de s’engager dans le défi que nous lance ce phénomène. Il nous faut abattre les barrières du micro nationalisme, pour entrer dans la fraternité universelle que nous propose l’Eglise de la Pentecôte.

La deuxième lecture est une exhortation à se laisser conduire par l’Esprit de Dieu qui produit en nous des fruits d’amour, de joie, de paix, de patience, etc. S’il vit toujours sous la mouvance de l’Esprit, le chrétien transforme sa vie en une pentecôte perpétuelle. C’est cela la nouveauté de vie qu’apporte l’Esprit qui tombe à profusion sur les apôtres. A partir de ce moment, la communauté chrétienne adopte, en effet, des comportements inspirés par la présence de l’Esprit de Dieu en son sein : écoute de la parole de Dieu, de l’enseignement des apôtres, mise en commun des biens, fraction du pain, etc. (Ac 2,42-47). C’est en cela qu’une prière traditionnelle d’invocation à l’Esprit Saint, inspirée par les Psaumes (104,30), lui attribue le rôle de renouveler la face de la terre. L’Esprit Saint crée et consolide en nous l’homme nouveau. C’est pour son avènement que le Christ a donné sa vie sur la croix.

L’Evangile, de son côté, nous propose une des promesses johanniques concernant l’Esprit Saint, le Paraclet. Pour bien comprendre la fin de ce chapitre 15 de Jean, il faut le relire avec ce qui précède. Le Christ exhorte les disciples pour qu’ils soient vraiment unis à lui, comme la vigne et ses sarments. Et pour que cette unité réussisse, il leur a dit tout ce qu’il a reçu de son Père. Pour cela, ils ne sont plus ses esclaves, mais ses amis. Mais en réalité, cette unité est celle que lui-même le Seigneur a avec son Père. Et le Défenseur qu’il promet est aussi partie prenante de la même unité. C’est là le point de départ. Une première mission de cet Esprit qui vient d’auprès du Père consiste à rendre témoignage. Dans le même sillage, les disciples aussi rendront témoignage. La Pentecôte est la solennité du témoignage. La vie chrétienne est liée au témoignage, à la mission. Mais il n’y a pas de témoignage sans unité.

Une autre mission de l’Esprit dans cet Evangile consiste à conduire les disciples à la vérité tout entière. La vérité, c’est Dieu. Et le Christ est la révélation par excellence de Dieu. Conduire à la vérité entière peut donc avoir le sens de conduire à croire en Jésus qui révèle pleinement le Père, puisque c’est lui qui dit la Parole qui vient de Dieu. C’est ce que Jésus semblait d’ailleurs dire dans l’entretien avec Nicodème (Jn 3, 20.33). Pour cette raison, l’Esprit dit ce qui vient du Christ, ce qui vient de Dieu. L’Esprit Saint sera le maître intérieur pendant le temps de l’absence du Christ pour nous apprendre la vérité de Dieu et la vérité de l’homme en Dieu. En prenant les paroles de Jésus pour les faire connaître aux disciples, l’Esprit le glorifie.

Paul le dira autrement dans la première aux Corinthiens : « Personne, s’il parle par l’Esprit de Dieu, ne peut dire de Jésus qu’il soit maudit, et personne ne peut dire que Jésus est Seigneur, si ce n’est par l’Esprit de Dieu » (1 Co 12, 3). L’esprit Saint est ainsi protagoniste dans la révélation du Père aux hommes. Sans lui, l’homme ne peut connaître qui est le Père et ce que Jésus a dit. C’est pour cela qu’une pratique traditionnelle de l’Eglise, la lectio divina (la lecture priante de la Parole de Dieu), commence toujours avec l’invocation de l’Esprit Saint. C’est cet Esprit que nous devons toujours invoquer pour nous faire comprendre la Parole de Dieu, lui qui prend ce qui est du Christ pour nous le faire connaître. La Pentecôte va ainsi aboutir à cette dimension que le Pape Benoît XVI a vivement recommandée à l’Eglise qui est en Afrique : la lecture assidue dans la méditation et la prière de la Parole de Dieu (Africae Munus, 150-151).

 

Abbé Ildevert M. MOUANGA

Grand Séminaire E. BIAYENDA