Dieu prend en charge la croissance de son œuvre

 

Dieu prend en charge la croissance de son œuvre (11ème  Dimanche ordinaire – Année B)

 

Textes : Ez 17, 22-24 ; Ps 91 ; 2 Co 5, 6-10 ; Mc 4, 26-34

 

La Parole de Dieu de ce dimanche nous propose de méditer sur le thème de la croissance du royaume de Dieu et de ses valeurs en nous et dans notre monde. Le texte de la prophétie d’Ezéchiel est un oracle de salut qui annonce l’avènement d’une réalité nouvelle dont Dieu lui-même a la charge. L’image qui est prise par le prophète, est celle d’un jeune rameau prise sur la cime d’un cèdre, et planté sur la montagne d’Israël. Là il se développera, produira des branches, donnera du fruit, et servira d’ombrage à tous les oiseaux du ciel.

Dans cet oracle, on peut noter la capacité de croissance que Dieu donne à une réalité insignifiante et qui exige probablement patience, un rameau de cèdre. Un rameau prélevé d’un arbre et de nouveau planté, nécessite beaucoup d’attention, de soins, de patience pour qu’il devienne à son tour un grand arbre comme celui duquel il avait été coupé. Mais Dieu donne cette garantie qu’il fait ce qu’il dit. Comme à la création, sa parole produit l’effet voulu. Deux idées majeures peuvent êtres relevées de la nouvelle réalité annoncée par le prophète : grandeur et rassemblement. Le cèdre est un des arbres du climat méditerranéen qui atteint une certaine hauteur. Cette grandeur est telle que tous les arbres se rendent compte que quelque chose d’exceptionnel a été fait. Rassemblement, par ailleurs, dans la mesure où les passereaux viennent y faire leurs nids, et tous les oiseaux du ciel viennent s’abriter à son ombre. Les deux (grandeur et rassemblement) vont ensemble et sont l’un pour l’autre. Si le cèdre du Seigneur atteint une telle hauteur, c’est pour qu’il serve à abriter les oiseaux, mieux encore, pour que tous les oiseaux viennent vers lui.

Le prophète Ezéchiel exerce son ministère à une période particulière de l’histoire de Juda. Israël, le royaume frère du nord, a déjà connu sa chute depuis 721 av. J. C. Il ne reste, en réalité que Juda, mais qui lui aussi est pris dans un tourbillon tel que en 587 av. J. C., il sera déporté en exil par les troupes de Nabuchodonosor. C’est de cette période qu’est Ezéchiel. Il attire l’attention du peuple sur l’imminence de la catastrophe, et il l’encourage aussi à savoir espérer en Dieu qui est capable de nouvelle création. Mais il faut pour cela que ce peuple prête attention à la parole du prophète, qu’il adresse au nom de Dieu. En effet, Israël sera souvent désigné par Ezéchiel comme un peuple à la nuque raide, un peuple de rebelles qui ne prête pas attention à la parole de Dieu (2,3.4.5).

En poursuivant cette piste ouverte par la première lecture, celle de l’attention et de la confiance en ce que Dieu dit et fait, la deuxième lecture nous montre que l’attitude qui doit caractériser l’homme, pendant qu’il est en exil, c’est-à-dire, hors de sa patrie (la communion avec Dieu), c’est de savoir plaire à Dieu. C’est ce que Saint Paul demande aux Corinthiens. En effet, le vrai but de la vie humaine, ce n’est pas cette terre, mais le ciel. Et l’entrée dans cette patrie que nous avons perdue à cause du péché, nous retrouvant ainsi comme en exil, exige que l’on apprenne à se rapprocher du Seigneur. Dans ce sens, le séjour sur la terre devient un apprentissage de ce que nous allons vivre auprès de notre Dieu. Chacune de nos actions devient une occasion offerte de quitter la terre pour le ciel. Il faut donc savoir lui donner une valeur de ciel. C’est en faisant le bien, en effet, que l’on peut plaire au Seigneur. Par ailleurs, lorsqu’on a conscience que la terre n’est qu’un passage pour l’homme, on s’exerce à la rendre plus conforme à ce qu’est la vraie patrie, le ciel. Vivre sur la terre ne peut pas être sans objectif, auquel cas la vie perd de sens. C’est dans cette mesure là que l’homme est pris dans la logique de la croissance du royaume de Dieu.

L’image de la croissance de l’arbre revient dans les paraboles que nous propose Marc. Il s’agit de deux paraboles de Jésus à la foule, et non exclusivement aux disciples. Marc, en effet, a regroupé au chap. 4 un enseignement en paraboles, comme Matthieu l’a fait pour le chap. 13. Celles-ci concernent toutes le royaume de Dieu. La première (4,26-29) est propre à Marc, la seconde est commune à la tradition synoptique. On peut noter dans la première parabole le dynamisme interne du grain semé dans le champ. Et peu importe la situation du semeur (qu’il dorme, qu’il veille, auquel correspond parallèlement la nuit et le jour), ce grain germe, pousse, grandit, devient mûr. Et alors on peut le moissonner. Dynamisme interne, mais aussi discrétion, presque secret. Personne ne sait, ne voit, ne comprend comment d’un état de grain probablement minuscule, on est arrivé à un épi de blé. De la même manière agit le royaume de Dieu. Il est probablement insignifiant lorsqu’il commence. Il est parfois discret. Il peut même arriver que le semeur ignore que ce qu’il fait, est un ensemencement des valeurs du royaume de Dieu. Mais celui-ci germe, pousse, grandit et donne du fruit. Il ne faut pas s’empêcher de vivre des valeurs du royaume de Dieu. Le Seigneur lui-même s’occupe de leur germination, de leur croissance. Ce n’est pas tellement à l’homme de s’en préoccuper. Ce qui lui revient c’est de semer. Pourvu qu’il sème.

De nos jours, on parle de plus en plus de nouvelle évangélisation. Celle-ci consiste aussi à respecter la discrétion du royaume, le silence de sa germination, qui est aussi le silence de Dieu. Sans cela, l’homme s’arrogera toute la part du travail, même celle de Dieu, en pensant que c’est uniquement par son effort que les choses se réalisent. Le royaume de Dieu est une réalité mystérieuse au sens noble du terme, qui exige une grande part du silence de l’homme qui sème, pour laisser Dieu agir. Sinon, on risque de tomber dans de l’agitation inutile.

La deuxième parabole est celle du grain minuscule qui devient un arbre qui étend de longues branches, de sorte que les oiseaux du ciel viennent s’y abriter. Nous rejoignons ici l’image de la prophétie d’Ezéchiel. Cette parabole nus donne d’observer la transformation qui est survenue entre l’étape de départ (un petit grain) et l’étape d’arrivée (un grand arbre qui étend les branches). Entre les deux se déroule une activité de laquelle Dieu n’est pas étranger, mais un grand protagoniste. Il n’est pas impossible que l’Eglise primitive se soit préoccupée du fait d’être minoritaire au sein du vaste empire romain dans lequel elle est née. Elle a dû développer la conscience que cette situation n’était pas si défavorisée que cela. L’Eglise a grandi, s’est étendue jusqu’au bout du monde.

Ce qui est vraie de la communauté chrétienne en général, l’est aussi de chaque individu qui reçoit le grain de l’Evangile. Le grain semé dans le cœur de l’homme, germe, pousse, grandit et produit des vertus. Il faut y croire, et y travailler, sans se laisser désarmer ni abattre ; l’expansion du royaume de Dieu est à ce prix aussi.

De manière concrète, lorsqu’on regarde l’Eglise universelle ou l’Eglise locale, on peut se rendre compte de l’insignifiance de certaines actions qu’elle mène, de certains moyens, et même le péché qui nous mine toujours. On peut être tenté de mieux apprécier plutôt les nouvelles assemblées chrétiennes apparemment charismatiques, drainant des foules, réalisant de grandes œuvres, radios, chaînes de télévision, etc. Mais il ne faut pas oublier qu’il reste malgré tout important de prendre au sérieux ces moyens considérés comme dérisoires. Ils servent aussi à semer le grain du royaume de Dieu et, tôt ou tard, il germera et donnera du fruit.

Ces deux paraboles ont donc en commun le fait que c’est Dieu qui prend en charge la croissance de son œuvre. Celui qui travaille à son service, doit absolument lui faire confiance. Le grain semé, finit par germer. La croissance de tout cela se trouve avant tout dans le projet de bienveillance de Dieu pour les hommes. Il le fait parvenir à son plein épanouissement. Entre temps, l’homme doit apprendre à entrer dans l’intimité du mystère de Dieu pour se rendre compte de la croissance de cette œuvre. Sa part, c’est de semer, de ne pas se lasser de semer, malgré l’insignifiance et l’inefficacité apparente de certains de nos moyens. Dieu s’occupe de la croissance. Nous n’avons qu’à lui faire pleinement confiance, et nous mettre au travail.

Abbé Ildevert M. MOUANGA

Grand Séminaire E. BIAYENDA.