Tout chrétien est appelé à l’humilité

 

Tout chrétien est appelé à l’humilité (Solennité de la nativité de Saint Jean Baptiste)

 

Textes : Is 49, 1-6 ; Ps 138 ; Ac 13, 22-26 ; Lc 1, 57-66.80

 

La célébration de la nativité de Jean Baptiste, le précurseur, est presque liée historiquement à celle du Seigneur. Sa date (24 juin) est assez caractéristique. C’est ce qu’on appelle le solstice d’été. A partir de cette date (on le constate surtout dans l’hémisphère nord et très moins, sinon presque pas du tout chez nous), le jour dure beaucoup plus longtemps que la nuit. Et le 25 décembre, lorsque nous célébrons la nativité du Seigneur, c’est le contraire qui se produit (solstice d’hiver). Symboliquement, le précurseur fait progressivement place au Christ, vrai soleil qui chasse les ténèbres du péché et de la mort. Jean Baptiste est considéré comme un prophète. Mais il est plus qu’un prophète, parce qu’il a désigné le Sauveur qu’on attendait. Il l’a montré du doigt comme l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1, 36). Avec la Bienheureuse Vierge Marie, Jean Baptiste est le seul saint dont on célèbre aussi bien la naissance que le martyre.

La liturgie de la Parole nous propose d’abord le deuxième chant du serviteur du Seigneur, du prophète Isaïe. En fat, la deuxième partie du livre de ce prophète comprend des oracles qui font allusion au retour de l’exil. Et les chants du serviteur du Seigneur peuvent bien s’insérer dans cette perspective. De la même manière que le départ en exil était considéré comme la conséquence de l’abandon de Dieu, de même le retour sera compris comme le retour miséricordieux de celui qui a choisi Israël comme son peuple.

On peut considérer brièvement certains éléments que le poème met en exergue. La prédestination : le serviteur a été choisi dès le sein de sa mère, comme on le voit pour la vocation de Jérémie (Jr 1, 5). La vocation du serviteur remonte à plus loin que sa naissance; elle est dans le projet de Dieu. Sa mission est assez spécifique : sa bouche est une épée, elle est lui-même une flèche acérée. C’est une caractéristique de la parole prophétique. La Lettre aux Hébreux dira de la Parole de Dieu qu’elle est une épée à double tranchant (He 4, 12). Le serviteur du Seigneur est au service de sa Parole qui est tranchante comme une épée, qui perce comme une flèche. C’est pour cela qu’il est dans la main du Seigneur, qu’il est une flèche dans son carquois. Un autre élément de l’identité de ce serviteur, c’est sa mission envers Israël et Jacob. Le serviteur doit ramener Israël à Dieu. Il est un serviteur de la conversion du peuple. Enfin, il est choisi pour être lumière des nations. La mission du serviteur s’ouvre à l’universel. D’ailleurs ceux à qui le chant s’adresse, ce sont les îles, les peuples lointains. Que le serviteur du Seigneur soit un individu, qu’il soit une communauté, sa mission est destinée aux confins de la terre, parce que le Dieu dont Israël a fait l’expérience en exil est le Dieu de toute la terre, de tous les peuples. Jean Baptiste peut s’inscrire dans ce cadre dessiné par le prophète Isaïe.

La lecture des Actes des Apôtres montre, dans un discours de Paul devant des Juifs à Antioche de Pisidie, le ministère de Jean Baptiste, tel qu’il était compris dans la communauté primitive. Dès le départ, il est reconnu comme précurseur du Christ. La fonction de Jean a été celle de préparer la venue du Christ par le baptême de conversion qu’il administrait et la prédication de l’avènement du royaume de Dieu. Comme il est mentionné également dans les évangiles, Jean est celui qui se rabaisse devant le Christ, qui n’est même pas digne de lui délier les sandales. Un tel service réservé aux esclaves, Jean s’en juge bien indigne. C’est ainsi que Jésus dira de lui, dans l’évangile de Luc, qu’il est le plus grand des enfants nés de la femme (Lc 7, 28). Jean entre dans la mission du serviteur du Seigneur non seulement en prêchant la conversion (le retour au Seigneur) et en baptisant, mais aussi en marchant humblement, devant à la face du Seigneur, pour lui préparer le chemin. C’est ainsi que tout chrétien qui prétend montrer, porter le Christ, doit s’effacer devant lui pour lui faire toute la place qui lui revient.

L’Evangile rapporte le récit de la naissance de Jean Baptiste. D’une maman considérée longtemps comme stérile, d’un âge avancé, Jean Baptiste est aussi précurseur de Jésus dans la naissance, comme il le sera dans le ministère et même dans la mort. A l’annonciation, c’est Elisabeth, sa mère, que l’ange prendra comme preuve pour porter Marie à comprendre que ce qui se passait en ce moment là était une action de Dieu, et que ce qui se jouait en ce moment là était le dessein divin de sauver tous les hommes. Luc mentionne avec soin tous les détails. La joie autour d’Elisabeth qui a reçu grâce de la part de Dieu, et de l’enfant, le jour de la circoncision, le don du nom, la louange du père de l’enfant, etc.

La naissance du précurseur met en exergue deux réalités essentielles : la grâce que le Seigneur a manifestée vis-à-vis d’Elisabeth et la louange de Zacharie qui retrouve la parole. L’élément de la grâce apparaît à travers deux réalités : la joie de l’entourage d’Elisabeth est due au fait que le Seigneur lui a manifesté sa miséricorde. La tradition d’Israël connaît ce Psaume où on rend grâce au Seigneur parce qu’il est bon et que sa miséricorde est éternelle (Ps 136). Aussi le nom de l’enfant ira-t-il dans le même sens. Jean signifie : le Seigneur a fait grâce. Et lorsque l’homme se rend compte de la miséricorde de Dieu, de sa grâce, il ne peut pas ne pas se réjouir. La suite n’est alors que question de logique. La langue de Zacharie se délie et il peut bénir le Seigneur. Devant la merveille opérée par le Seigneur, aucun mutisme ne peut plus être possible. Tout le temps que Zacharie est resté muet, c’était en vue de ce jour où la miséricorde de Dieu est perçue par tout le monde. Il est étonnant de constater qu’Elisabeth et Zacharie (privé de parole) disent le même nom pour l’enfant. Les deux étaient donc sensibles à l’action du Seigneur dans leur vie.

La naissance de Jean Baptiste, c’est finalement aussi l’attention de ses parents à l’œuvre de Dieu, à tel point qu’ils savent lui rendre grâce, qu’ils savent chanter ses louanges. Le cantique attribué à Zacharie est devenu aujourd’hui une pièce importante de la prière chrétienne. C’est donc avec un cœur plein de reconnaissance au Seigneur que l’Eglise peut célébrer aujourd’hui la nativité du précurseur. En célébrant cette fête, on s’ouvre à Dieu qui appelle à lui les confins de la terre, on accepte de le servir dans l’humilité, celle de Jean qui ne se considérait pas digne de délier ne serait-ce que les sandales du Christ.

Abbé Ildevert M. MOUANGA

Grand Séminaire E. BIAYENDA