Dieu pardonne et libčre

 

Dieu pardonne et libère (11ème Dimanche ordinaire - Année C)

 

Textes : 2 S 12, 7-10.13 ; Ps 31 ; Ga 2, 16.19-21 ; Lc 7, 36-8, 3

 

La parole de Dieu de ce dimanche nous place au cœur du pardon de Dieu. Autant l’homme se manifeste comme pécheur, autant le Seigneur se révèle comme pardon et miséricorde. Le Christ est Fils de Dieu qui pardonne ; il est l’image du Dieu pardon.

L’histoire de David, comme toute histoire humaine, est marquée par la crise du péché. Comme pour beaucoup d’hommes de pouvoir, du passé ou d’aujourd’hui, David a eu des abus de pouvoir. Le récit de la faute de David avec Bethsabée est un des textes bien connus de la Bible. Ce que le roi aura certainement considéré comme une manœuvre de palais, est perçu par Dieu comme une faute grave, commise par un roi, qui plus est oint par le Seigneur lui-même.

La faute de David, à regarder le texte, se situe à un double niveau : d’abord, de l’adultère contre Bethsabée, femme d’Urie le Hittite, et un meurtre contre l’époux, qui plus est un étranger, un non Israélite. La morale de l’alliance avec Dieu, stipulée par le décalogue, interdit l’adultère et le meurtre. Et le roi de la communauté de l’alliance n’est pas au-dessus de la loi de Dieu. Lui aussi, sinon lui le premier, est appelé à la vivre. Par ailleurs, en dénonçant le meurtre d’un étranger qui était au service du roi, le texte de la Bible se situe sur la ligne de l’enseignement du Deutéronome et des prophètes, qui défendent la vie de l’étranger et la protègent (Dt 24, 17 ; 27, 9). Toute faute commise contre son semblable touche Dieu directement. Tout meurtre est un mépris du Seigneur et de sa loi. Le Seigneur est en effet est l’ultime garant de la vie humaine, de la vie sociale, de la vie morale. Il ne saurait y avoir une vie de relation avec Dieu (le Dieu de la révélation biblique) sans une vie morale qui s’y réfère et y adhère.

Le monde du pouvoir, aujourd’hui comme hier, est un monde où des abus de toutes sortes peuvent être perpétrés, mais souvent couverts par des dispositions juridiques, ou par la seule force du pouvoir, au grand dam de la justice. Mais à Dieu aucun acte n’est caché, aucun ne passe inaperçu, aucun mal ne passe sans être réprouvé. La conscience, sauf dans les cas où elle est obscurcie, est le premier témoin et le premier dénonciateur. Ceux qui exercent l’autorité publique devraient être les premiers à la respecter. Un des attributs du roi est de rendre la justice. Pour cela, le roi consacré par le Seigneur est la première personne à devoir vivre la justice, à devoir la pratiquer.

David sera porté, par la dénonciation du prophète Nathan, à reconnaître son péché à le confesser. Et Dieu, plein de tendresse et d’amour, ne reste pas insensible à l’aveu de la faute. Il accorde son pardon, il applique sa miséricorde.

Ce même pardon se manifeste dans l’Evangile avec l’épisode de la femme pécheresse, à qui Jésus pardonne. Cette péricope, propre à Luc, montre une femme courageuse, qui brave plusieurs obstacles pour arriver près de Jésus. Elle est reconnue comme pécheresse, mais elle entre dans un milieu qui est censée la dédaigner et peut-être la refouler. Devant Jésus, elle ne parle pas ; elle agit en manifestant sa misère (c’est le sens des larmes) mais aussi son amour. En fait, c’est toutes ses capacités qu’elle déploie pour obtenir ce dont une personne humaine a le plus besoin de la part de Dieu, le pardon. Et Dieu ne peut pas ne pas se laisser toucher par une telle démarche. Le même David dira dans le Psaume : « Le sacrifice qui plaît à Dieu est un cœur brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé » (Ps 51, 19).

Ici, deux courages se rencontrent : le courage de la femme, qui fait irruption dans cette maison de pharisiens, et le courage de Jésus, qui prononce la parole libératrice du pardon, au risque de susciter le murmure, la désapprobation ou le désaveu de l’assistance. Mais il y a plus cher pour Dieu, plus cher pour le Christ : c’est le salut de l’homme, sa vie pleine et épanouie. Et pour cela, Dieu n’épargne aucun effort, si on peut le dire, aucune ressource de sa nature divine. Il va jusqu’au bout, là où l’homme ne peut parvenir de ses propres forces. Et c’est là pour tant qu’il est libéré. Le Seigneur va jusqu’au bout de la mort sur la croix, pour obtenir, une fois pour toutes, le pardon des péchés de l’homme, son salut.

Cet épisode montre aussi combien la femme peut toujours être victime de mauvaises considérations, de diverses humiliations de la part de la société. Et cela se traduit de plusieurs manières. Aujourd’hui encore, la femme peut subir de manière subtile le sort du préjugé social. Combien de publicités – sur quoi que ce soit – n’usent-elles pas d’images sensuelles de la femme ? Le Christ, de son côté, veut accorder à la femme une vraie libération, celle de l’engrenage du péché ; un péché qui est parfois imposé à sa condition sociale, et parfois subi. Le Christ veut accorder à la femme sa vraie dignité de fille de Dieu. Dans l’Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus, le Pape Benoît XVI a voulu reconnaître, pour la revaloriser, la place de la femme dans la société et dans l’Eglise en Afrique. Il a commencé par reconnaître son apport au niveau de la famille, de la société et de l’Eglise. Il n’a pas hésité, à dénoncer certaines humiliations dont elle est aussi victime et à l’appeler à prendre la place qui est la sienne au sein de l’Eglise (Cf. Africae Munus, n°s 55-59). C’est ce chemin de libération qu’il nous faut suivre.

Le Christianisme est une religion du pardon. De ce fait, il est une religion de l’aveu du péché, de l’aveu de sa misère. Le schéma de la célébration de la messe le montre assez bien. La reconnaissance et la confession du péché y occupent une grande place, et il ne pouvait pas en être autrement. Mais à côté de la reconnaissance du péché, se trouve l’effort de la conversion, qui consiste à conformer sa vie à celle du Christ, à le confesser comme l’auteur de sa vie et de son salut, à l’accepter comme Seigneur de sa vie par une foi qui va toujours grandissant et se fortifiant, et à lui rester attaché jusqu’à la mort. C’est ce que nous révèle la lettre de Paul aux Galates. Il ne nous suffit pas seulement de nous reconnaître pécheurs, encore faut-il que nous nous appliquions à nous amender, à réparer les torts commis, etc. C’est de cette manière que le pardon imploré du Christ s’actualise dans notre cœur, dans notre vie. C’est cela qu’on appelle, en d’autres termes, la conversion. C’est ce que nous apprend le sacrement de la pénitence.

En lisant ce passage de la lettre aux Galates, que la liturgie nous propose ce jour, on ne peut pas ne pas y entrevoir le témoignage de l’expérience propre de Paul. C’est d’ailleurs par là que nous avons commencé dimanche dernier. Quand il passe de l’ignorance à la connaissance du Christ, Paul va s’attacher à lui, y conformant sa vie, au point où il peut affirmer cette identité entre la vie du Christ et la sienne : « Je vis, écrit-il, mais ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ». C’est à cette conscience que nous sommes appelés ; elle seule peut nous donner de progresser.

 

Abbé Ildevert M. MOUANGA

Grand Séminaire Emile Biayenda

Brazzaville