Le renoncement à soi et l’attachement au Christ

 

Le renoncement à soi et l’attachement au Christ (12ème Dimanche ordinaire – Année C)

 

Textes : Za 12, 10-11 ; 13, 1 ; Ps 62 ; Ga 3, 26-29 ; Lc 9, 18-24

 

La prophétie de Zacharie se situe dans la période qui suit le retour de l’exil. Le prophète réconforte le peuple et ses dirigeants (surtout Zorobabel, le gouverneur et Josué, le grand prêtre) pour reconstruire Jérusalem, pour reconstruire le temple. Dans cette perspective, le prophète annonce le salut, dans une atmosphère messianique. L’action du Seigneur fait que la maison de David et les habitants de Jérusalem s’attachent à lui, qu’ils lèvent les yeux vers lui, qu’ils s’attachent aussi à son envoyé, le mystérieux Transpercé.

Cette partie du texte de Zacharie a été comprise en deux sens, dans l’histoire de son interprétation. Dans le premier sens, il s’agit de regarder vers Dieu qui a été transpercé, donc offensé. Dans ce cas, le transpercement est pris dans un sens métaphorique. Mais on ne comprendrait pas le deuil qui est fait. Serait-ce sur Dieu, ou une allusion à une divinité païenne ? Le deuxième sens est celui d’avoir transpercé concrètement une autre personne. Mais l’identification historique reste difficile et vague. On peut alors voir ici un parallèle avec le serviteur souffrant d’Isaïe (Is 53), ou alors, dans une certaine mesure, la situation de violence qui est évoquée en Za 11, 4-17, dans laquelle pasteurs et brebis sont évoqués. Mais qu’à cela ne tienne, la tradition chrétienne, suivant le deuxième sens, y lira une véritable préfiguration du Christ.

L’action, que le Seigneur entreprend, suscite avant tout une double attitude intérieure. C’est à l’intérieur de la personne humaine que Dieu agit. Ce que montre cette attitude, c’est une véritable repentance. Le premier aspect en est la grâce, qui vise les relations interpersonnelles, chacun cherchant à plaire à l’autre. Le deuxième aspect est celui de la supplication pour des méfaits commis, pour chercher la faveur de Dieu. C’est à travers ces attitudes intérieures que Dieu veut agir.

La dernière action, qui vient de la part de Dieu, est une action de purification. Le péché du peuple est lavé, de sorte qu’il puisse se présenter devant lui avec un cœur qui lui plaise. On comprend alors ce qu’était cette repentance qui attire vraiment la miséricorde de Dieu. En effet, lui, Dieu, met tous les moyens en jeu pour que la reconstruction de l’homme soit complète ; il en arrive jusqu’au pardon des péchés. En se reconstruisant ainsi, cet homme peut rebâtir la vie autour de lui.

La première lecture peut être mise en lien avec l’Evangile, qui donne la confession de foi de Pierre en Jésus qu’il reconnaît comme Christ, Messie de Dieu. Et le sens de cette messianité, qui est faite de rejet, est peut-être déjà dans cette annonce de violence.  

L’enquête de Jésus auprès de ses disciples sur son identité est présente dans les trois évangiles synoptiques. Partout, la question est posée aux disciples, pas exclusivement aux douze. C’est chacun qui doit donner la réponse à la question de savoir qui est Jésus. Et l’on peut même dire que chaque réponse donne aussi des indications sur la qualité du rapport avec le Christ. Mais pour tous, c’est Pierre qui répond et confesse Jésus comme celui qui a été oint par Dieu (Messie). Au demeurant, Jésus n’est pas un quelconque messie, il est de provenance divine, de nature divine, comme le comprendra la tradition chrétienne postpascale.

Toutefois, lorsque Pierre confesse cela, il manque toujours de savoir ce que cela peut signifier vraiment. Le Christ lui-même doit le préciser. Le contenu de cette onction divine est fait de beaucoup de souffrances, de rejet, et de mort. Ceci, quitte à scandaliser, à démobiliser les disciples eux-mêmes qui, comme les deux disciples d’Emmaüs s’en retournent chez eux tristes et abattus, leur espoir ayant tout simplement déçu. Mais au bout de la chaîne se trouve la résurrection qui vient donner la preuve suprême de l’origine divine de Jésus que Pierre a confessée. C’est de ce Christ qu’ils sont disciples, comme nous aujourd’hui.

Le disciple d’un tel Christ doit apprendre le renoncement à soi et la conversion continu. C’est presqu’une conséquence de ce qui précède. Etre disciple, c’est suivre un maître, du point de vue moral, du point de vue intellectuel, etc. Etre disciple, c’est imiter un maître. Et lorsqu’on veut imiter le Christ qui a souffert, qui a été rejeté par les siens, qui a porté sa croix, etc., on se rend compte que l’attitude qui y correspond, c’est le renoncement à soi et le port de sa croix. Le port de sa croix devient le critère avec lequel on évalue l’attachement à Jésus Christ. C’est dans ce sens que la conversion se place au centre des exigences de la vie chrétienne.

La croix est, dans ce sens, le signe qui caractérise aussi bien le Christ que le chrétien. Mais aussitôt il sied de préciser, et ceci est important, qu’avec l’affirmation de la souffrance, le christianisme n’est pas un dolorisme. La croix pour le Christ est signe de cet amour qui va jusqu’au bout et qui ne s’épargne pas pour le salut du monde. Le chrétien en prenant sa croix, participe à son salut et au salut du monde par amour pour Dieu et pour les autres.

Ce qui donne plus de sens à la vie, c’est lorsqu’on la donne pour le bien des autres. Nous pouvons faire l’expérience de ceux qui sacrifient leur vie pour des idéaux nobles. Pour ceux-la, nous sommes pleins de respect et d’admiration. Si tel est le cas pour une cause tout à fait humaine, à plus forte raison pour le Christ. Une vie n’a de la valeur que lorsqu’elle est donnée. C’est ce que le Christ attend, que nous soyons des « donneurs » de vie les uns pour les autres. Et pour cela, un attachement à lui est nécessaire.

Le moyen pour s’attacher à Dieu, c’est la foi. Celle-ci est engagement pour le Christ, qui est né avec le baptême. Par lui, on devient enfant de Dieu, et on lui est uni pour toute la vie. Cette foi nous ouvre à des horizons plus larges. C’est le cas de la communauté dans laquelle elle nous insère, dans laquelle nous vivons, malgré nos différences dans une égalité soutenue par une unité profonde. C’est une telle idée que les pères synodaux de 1994 avaient voulu faire passer, lorsqu’ils proposaient à l’Eglise qui est en Afrique le paradigme de la famille, non comme exclusion, mais comme intégration de tous les enfants de Dieu unis par le baptême et la foi en Jésus Christ (Cf. Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n° 63). C’est cela qui construit une Afrique que nous voulons engagée sur le chemin du développement.

 

Abbé Ildevert M. MOUANGA

Grand Séminaire Emile Biayenda

Brazzaville