Le Christ nous enseigne à vivre la liberté intérieure |
Le Christ nous enseigne à vivre la liberté intérieure (13ème Dimanche ordinaire – Année C)
Textes : 1 R 19, 16b.19-21 ; Ps 15 ; Ga 5, 1.13-18 ; Lc 9, 51-62
L’histoire de la vocation d’Elisée, quelque peu insolite dans la Bible, renferme une grande richesse d’enseignements. L’usage du manteau dans les récits de vocation n’apparaît qu’ici. Le manteau, dans la culture biblique, est symbole de la personnalité et des droits de son possesseur. Certains passages du code de l’alliance dans l’Exode et du code deutéronomique vont dans ce sens. En jetant son manteau sur Elisée, Elie marque le dévolu qui a été jeté sur lui. En plus, le manteau d’Elie sera doté d’une efficacité miraculeuse dont Elisée lui-même fera la preuve (Cf. 2 R 2, 8). Se sentant ainsi choisi, il marque son passage à un nouvel état, en se détachant complètement du premier. Il immole les bœufs qui lui servaient pour le labour. Elisée, de son côté, n’hésite pas à se mettre à la suite d’Elie. Il court aussitôt vers lui. Il va se mettre en quelque sorte à son école, jusqu’à l’accompagner au moment de son enlèvement au ciel (2 R 2). A sa suite, il se mettra au service du Dieu d’Israël, celui qu’Elie servait et dont il était le prophète intrépide. La vocation d’Elisée préfigure déjà celle des autres hommes et femmes que Dieu va solliciter à son service, dans le même esprit de détachement qui marque le passage d’une vie à une autre ; une vie dans laquelle on expérimente la dépendance à Dieu dans la liberté intérieure. En immolant les bœufs qui servaient d’outils de travail, Elisée coupe les amarres de sa vie précédente pour se lancer dans une aventure avec le Dieu d’Israël. C’est la même liberté intérieure que le Christ exigera à tous ceux qui voudront le suivre, à tous ceux qui voudront se mettre au service du Dieu de la nouvelle alliance. C’est à cette liberté que Paul appelle tous ceux qui sont dans le Christ, et non seulement ceux qui reçoivent une mission particulière au sein de l’Eglise. Cette liberté nous a été acquise par la mort et la résurrection du Christ. A cette liberté s’oppose l’esclavage du péché. C’est celle là la nouvelle condition des baptisés. L’adhésion au Christ doit provenir et provoquer en nous une liberté telle qu’on ne sache s’attacher qu’à lui. Il est l’unique nécessaire de notre vie. Et à partir de lui, se tourner vers les autres pour les aimer d’un amour qui est au préalable purifié par la liberté que le Christ procure. Dans ce sens, cette liberté peut bien être considéré comme un des dons de l’Esprit dans notre vie. Certes, St Paul ne citera pas la liberté dans la liste de Ga 5,22-23, sur le fruit de l’Esprit, mais elle ne le reste pas moins. L’Evangile de ce dimanche semble aller dans le même sens de la liberté intérieure, aussi bien pour Jésus qui s’engage résolument vers Jérusalem, la ville dans laquelle il va mourir, que pour les différents types de vocation qui se dégagent dans son enseignement. La liberté de Jésus se manifeste de deux manières. D’abord du fait qu’il prenne le courage de se rendre à Jérusalem. L’expression grecque utilisée par Luc peut être traduite par « durcir le visage pour marcher en direction de Jérusalem ». Ceci marque la décision, la résolution coûte que coûte. Et lorsqu’on sait ce qui l’attend au bout du chemin, on peut convenir qu’il s’agisse ici d’un acte de véritable liberté intérieure. Une liberté qui se veut dépendance totale vis-à-vis de Dieu et qui se lance au devant. Grâce à une telle liberté le Christ peut se donner pour le salut du monde. L’autre manière par laquelle se manifeste cette liberté, c’est son attitude devant le refus de l’accueillir. Le Christ ne fait pas peser sur les autres sa toute puissance, comme le demandent ses disciples. Il s’en va pour une autre direction, mais sans se détourner de son chemin vers Jérusalem. L’enseignement qui suit sur la vocation nous semble suivre le même sillage. Dans le premier cas, il s’agit de la personne qui demande de suivre Jésus. Le terrier est pour les animaux, l’endroit qui assure la sécurité contre le froid, qui protège contre une éventuelle prédation. Le Fils de l’homme, lui, n’en a pas. Il est libre même vis-à-vis de ce qui peut assurer sa propre sécurité, de ce qui peut lui procurer un peu de « chaleur ». C’est aussi cela qu’il suggère à qui veut le suivre. Quiconque a besoin d’un peu de cette sécurité, de cette « chaleur » dans sa vie, même pour le service de Dieu, et parfois cela devient une préoccupation majeure, un motif d’anxiété. Face aux appels incessants de recherche effrénée de sécurité, de « chaleur », le disciple doit apprendre à vivre la condition de liberté intérieure. En Ph 4,2, Paul dira qu’il savait vivre aussi bien dans la gêne que dans l’abondance. Dans les deux autres cas de figure qui suivent, la sépulture du père et l’adieu aux personnes de sa maison, on semble atteindre un point névralgique : celui de la relation affective familiale. Dans notre contexte congolais, enterrer son père, c’est le dernier acte d’honneur des parents qu’un enfant doit poser. Ne pas enterrer son père alors qu’on le pouvait, ou encore ne pas assister à l’enterrement de son père, montre une brisure grave de la relation, et peut aboutir à une malédiction pour le fils. Mais encore là, le Christ propose que la préséance soit accordée à l’annonce du royaume. Devant l’urgence de l’annonce du royaume, rien d’autre ne peut se placer avant. Il y a, en fait, un ordre de mérite qui apparaît. Il y a ce qu’on fait en premier, à quoi on donne la préséance. Ce « d’abord » apparaît dans les deux dernières interventions : enterrer d’abord son père et faire d’abord les adieux aux siens. Le Christ veut renverser la logique. Ce qui vient d’abord, c’est ce qui concerne le royaume. Il convient que le disciple apprenne à respecter cet ordre. Mais pour y parvenir, il faut une vraie éducation de soi à la liberté intérieure ; liberté qui nous détache progressivement de tous nos types de sécurité et qui nous conforme au Christ. Toutefois, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette liberté ne se réalise que dans une entière dépendance au Seigneur. Abbé Ildevert M. Mouanga Grand Séminaire Emile Biayenda Brazzaville
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