Présentation de la lettre encyclique Lumen Fidei du Pape François

 

Présentation de la lettre encyclique Lumen Fidei du Pape François

 

 

Introduction

 

La lettre Encyclique Lumen Fidei est la première du Pape François. Elle a été publiée à l’occasion de l’Année de la Foi promulguée par son prédécesseur Benoît XVI[i]. Lorsqu’on regarde la liste de ceux à qui elle est adressée, c’est une lettre qui concerne l’ensemble de l’Eglise, depuis la hiérarchie jusqu’aux fidèles laïcs. Par ailleurs, le moment où elle a été publiée, au milieu de l’Année de la foi, ne manque pas de suggérer son intérêt particulier. C’est donc pour accompagner la marche de l’Eglise pendant le reste du parcours de cette Année de la foi, mais aussi bien au-delà.

 

I – Présentation générale de l’encyclique

 

Le contexte historique récent de ce document peut nous révéler son sens profond. C’est alors que s’ouvrait l’Année de la Foi que se tenait concomitamment, à Rome, l’Assemblée ordinaire du Synode des Evêques sur La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi. On peut donc sentir la grande préoccupation de ces derniers temps pour la foi. Evidemment, dans la lettre apostolique, Porta Fidei, le Pape Benoît XVI notait qu’une crise de la foi avait touché de nombreuses personnes[ii]. Ceci est  aussi vrai pour les pays de vieille tradition chrétienne que pour les pays de nouvelle évangélisation. L’Eglise se trouve en quelque sorte à une croisée des chemins, et elle doit se redynamiser pour poursuivre sa marche.

 

De lecture assez aisée, ce document est structuré en quatre grands chapitres. Après une introduction, qui donne quelques aperçus sur la foi (nn. 1-7), le chapitre I (nos 8-22) présente son enracinement historique. Le chapitre II (nos 23-36), de son côté, s’occupe du lien entre foi et intelligence. Le chapitre III (nos 37-49), quant à lui, aborde les problèmes liés à la transmission de la foi. Enfin, dans le chapitre IV (nos 50-60), le Pape aborde le problème de l’impact de la foi dans la vie concrète.

 

Pour conclure cette partie, il sied de dire un petit mot sur quelques caractéristiques de cette encyclique. Outre le fait qu’elle a été écrite par deux papes, tous les titres font appel à des textes bibliques, et les références en sont données[iii]. Une autre remarque, c’est l’usage abondant des Saintes Ecritures (Ancien et Nouveau Testament)[iv].

 

II – Message de l’encyclique

 

La lettre encyclique du Pape François est capable d’étonner le lecteur qui chercherait à savoir ce que c’est que la foi à travers une définition ou un théorème. En effet, la lettre ne donne pratiquement aucune définition de la foi, elle préfère proposer plutôt des « considérations » (LF, 7). Le Pape a opté de prendre le parcours historique, pour enfin aboutir à l’impact dans la vie concrète. « C’est pourquoi, si nous voulons comprendre ce qu’est la foi, nous devons raconter son parcours, la route des hommes croyants, dont témoigne en premier lieu l’Ancien Testament » (LF, 8). Ce ne sont pas les définitions qui font comprendre l’essence de la foi, mais plutôt la considération de la réalité historique.

 

1 – Le titre

 

Pour parler de la foi, le Pape a choisi l’image de la lumière, une image très parlante. Dans la Bible, Dieu est considéré comme lumière. Les chrétiens, de manière particulière, attribueront ce titre au Christ, lumière sans déclin. La liturgie chrétienne, en effet, est pleine de références à la lumière. La veillée pascale en est une des meilleures illustrations. Le symbole de la lumière est au centre de la célébration liturgique. C’est de là donc que part le Pape François: le Christ est lumière. C’est lui qui est au cœur de la foi, comme au cœur de la vie. Cette lumière n’est pas une illusion. La lumière de la foi est l’unique qui peut briller là où la raison s’arrête : au-delà de la mort. Depuis la résurrection du Christ, les chrétiens ont compris leur Seigneur comme la lumière qui ne s’éteint pas. De cette manière, les premiers chrétiens ont transformé « le Jour du Soleil » en « Jour du Seigneur ». Ce que le Christ est Lumière éternelle, c’est ce que la foi est aussi pour la vie de l’homme ; elle illumine la personne qui la reçoit la route pour la conduire jusqu’à Dieu.

 

2 – La manifestation de la foi dans l’histoire : Ancien et Nouveau Testaments

 

Le chapitre I commence par l’histoire d’Abraham. Celui-ci répond à un appel de Dieu, à une parole qui lui est personnellement adressée (Cf. LF, 8). Ainsi se dégage une manière de comprendre la foi : elle est réponse à la parole que Dieu, en premier, adresse à l’homme. Cette parole appelle à passer d’une situation à une nouvelle, dans la confiance. En adressant une parole à l’homme, Dieu prend le risque de se servir d’un moyen éphémère (LF, 10). Et pourtant c’est sur cette parole que va se fonder toute la confiance de l’homme.

 

D’Abraham descend un peuple qui sera aussi bénéficiaire d’une action prévenante de Dieu : la libération d’Egypte. Israël fera de cette libération une profession de foi. Mais il lui faudra marcher à la suite de Dieu. Alors, il fera l’expérience de tant d’infidélités. La tentation la plus grande à laquelle il devra faire face, c’est celle de l’idolâtrie, la possession immédiate de Dieu, pour se servir de lui à sa guise. En même temps, il fera l’expérience de la miséricorde de Dieu qui le maintiendra en vie. Au sein de ce peuple, se dégage la figure de Moïse, médiateur entre Dieu et l’homme. La médiation de Moïse, rendu nécessaire par la transcendance de Dieu et la finitude de l’homme, devient aussi canal à travers lequel la foi se réalise dans l’histoire.

 

Mais toute cette histoire est orientée vers le Christ. Il est ainsi le fondement sur lequel s’appuie notre foi. L’histoire du Christ manifeste au grand jour l’amour de Dieu pour l’humanité pécheresse. C’est lui, le Christ, qui porte notre adhésion de foi à toute sa plénitude. Sa mort et sa résurrection montrent la fiabilité totale de l’amour de Dieu (Cf. LF, 16, 17). Il est celui en qui nous croyons et « celui auquel nous nous unissons pour pouvoir croire » (LF,  18). Si le Christ est ainsi l’ancrage de notre foi, croire en lui devient gage de salut. Ici, il nous faut prêter attention à l’aspect ecclésial de la foi. De ceci découle aussi le caractère ecclésial de notre vie. Plus loin, le pape écrira que l’Eglise est mère de notre foi (Cf. LF, 37).

 

3 – Le lien entre foi et raison

 

Ce thème avait auparavant fait objet d’une encyclique du Pape Jean Paul II[v] et constitué un des champs de bataille de Benoît XVI. Dans l’encyclique, le Pape François exploite une variante grecque d’Is 7, 9, qui contient un texte différent par rapport au texte hébreu, pour introduire la relation entre foi et connaissance. Celle-ci, ainsi que le besoin de vérité, sont nécessaires pour l’homme (LF, 24). La foi a besoin de dialoguer avec la raison, dans la mesure où la première annonce la vérité de Dieu et ouvre à la puissance de son amour (Cf. LF, 32). Puisque Dieu est fiable, s’appuyer sur lui ne peut être déraison.

 

Notre monde connaît une crise de la vérité (LF, 25), et même la vérité divine, la vérité de son existence, etc., n’est acceptée pas par tous. La foi elle-même a besoin de l’apport de la vérité. A ce propos, le pape affirme que « la foi sans la vérité ne sauve pas, ne rend pas sûrs nos pas (…) » (LF, 24) ; la foi resterait alors de l’ordre du sentiment individuel, liée à nos états d’âme, sans pouvoir soutenir la marche de la vie.

 

La connaissance de la vérité en appelle à son tour à l’amour. Celui-ci a besoin de la vérité pour qu’il dure dans le temps, sinon il devient un leurre (LF, 27). Et dans ce sens, le cœur prend de plus en plus d’importance, parce que c’est le centre de l’homme où se croisent toutes les dimensions de sa vie. C’est dans la mesure où la foi s’ouvre à l’amour qu’elle transforme la personne tout entière (Cf. LF, 26). Si l’amour manque, « la vérité se refroidit, devient impersonnelle et opprime la vie concrète de la personne » (LF, 27). En contrepartie, l’amour est aussi connaissance et source de connaissance.

 

4 – La transmission de la foi

 

La foi est un trésor qu’il ne faut pas cacher, mais qu’il faut faire passer à tous. Dans cette mission, l’Eglise est importante ; elle est le lieu ordinaire de la vie et de la transmission de la foi (Cf. LF, 40). Elle est mère (Cf. LF, 38). Comme telle, elle engendre et fait grandir. Elle enseigne à garder la lumière de la foi, à la transmettre aux autres, etc. C’est sur elle d’abord que brille la lumière du Christ.

 

Si l’Eglise est si importante, on comprend que la foi n’est pas de l’ordre du privé et, en conséquence, celui qui croit n’est pas seul (Cf. He 12,1). L’Eglise accompagne la personne qui croit avec les moyens dont elle dispose, notamment les sacrements. On ne peut parler de réveil de la foi, aujourd’hui où sévit une grande crise, sans parler de réveil au sens des sacrements. C’est à travers eux que les différents membres acquerront, exprimeront, vivront et témoigneront de la foi.

 

Les sacrements ne vont pas seuls, il faut toujours y ajouter l’élan de la prière et une vie morale conforme à la volonté de Dieu. Pour nous chrétiens, la balise qui nous indique l’orientation morale est le décalogue (LF, 46). Il nous montre le chemin de la double relation avec Dieu et avec le prochain. Mais la foi est une, comme l’Eglise est une, et elle doit être conservée dans son intégrité. Cette unité n’est autre que l’unité de Dieu lui-même, une unité que l’Eglise reconnaît et confesse. La foi est aussi une parce qu’elle vise un seul Seigneur, Jésus Christ, Fils de Dieu, sans être un autre Dieu. C’est une mission de l’Eglise de conserver l’unité, l’intégrité et la pureté de la foi.

 

5 – Foi et vie concrète

 

Le dernier chapitre cherche à dégager l’impact de la foi dans la vie concrète. Ici, le premier point est le lien avec la recherche du bien commun (LF, 50). La foi doit avoir un impact dans la consolidation du bien commun. Pour cela, l’allié de la foi est la charité (LF, 51). Et c’est alors que naissent la justice et la paix. C’est dans ce sens là que la foi sert à la consolidation de la société actuelle.

 

Un autre champ d’application que choisit le pape pour la concrétisation de la foi, c’est la famille. Celle-ci est déjà saisie dans sa formation, dans l’union entre un homme et une femme, laquelle union est scellée par l’amour qui est appelé à devenir signe de l’amour dont Dieu aime les hommes’ Puis, de cette union fondée sur l’amour, naissent des enfants. Les parents engendrent, éduquent à la foi, en lien avec la communauté ecclésiale.

 

De la famille, on passe aux rapports sociaux de manière générale. « Assimilée et approfondie en famille, la foi devient lumière pour éclairer les rapports sociaux » (LF, 54). En fait, la foi nous aide à considérer chaque homme comme une bénédiction pour soi, et comme un reflet du visage de Dieu. De la même manière, grâce à elle, on peut respecter la nature, y voyant une grammaire écrite par le Créateur qui nous la confie pour en prendre soin (LF, 55). C’est avec le même esprit que nous construisons nos villes, nos diverses communautés.

 

Le dernier point sur l’impact social de la foi que présente le Pape François, avant de proposer le modèle de la Bienheureuse Vierge Marie, est celui de la souffrance. C’est dans l’épreuve, la faiblesse et la souffrance que se manifeste la puissance de Dieu (Cf. 2 Co 4, 7-12). La foi n’écarte pas la souffrance, mais elle donne une lumière qui nous fait espérer en Dieu. Et cette espérance, comme le dira Saintt Paul, ne déçoit pas (Rm 5, 5).

 

Conclusion

 

La lettre Encyclique Lumen Fidei, comme l’a reconnu le pape François lui-même tout au début, en parlant du ministère pontifical qui consiste à consolider les autres (LF, 7), jouera vraiment ce rôle, à la fin de cette Année de la foi. C’est en approfondissant les différents thèmes qu’elle aborde que le peuple chrétien y trouvera de la nourriture qui vient de la Tradition vivante de l’Eglise dont notre vie a besoin.

 

Abbé Ildervert Mathurin MOUANGA

Grand Séminaire Emile Biayenda

Brazzaville

 

 



[i] Cf. Benoît XVI, Lettre apostolique en forme de Motu Proprio Porta Fidei, 11 octobre 2011.

[ii] Ibidem, n. 2.

[iii] Une telle organisation, nous la rencontrons aussi dans l’Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus, où les deux grandes parties sont indiquées par des passages bibliques : « Voici, je fais l’univers nouveau (Ap 21,5) » et « A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun (1 Co 12,7) ».

[iv] On peut compter au total 116 citations explicites et renvois aux passages bibliques, parmi lesquels l’Evangile de Jean occupe la première place avec un total de 25 références dont 9 citations et 16 renvois. Il est suivi de la Lettre aux Romains avec 21 références (8 citations et 13 renvois).

[v] Jean Paul II, Lettre encyclique Fides et Ratio, 14 septembre 1998.