Et si l’on se réjouissait… |
Et si l’on se réjouissait… (3ème Dimanche de l’Avent – Année B)
Textes : Is 61, 1-2a.10-11 ; Luc 1, 46b-48, 49-50, 53-54 ; 1 Th 5, 16-24 ; Jn 1, 6-8.19-28
À mi-parcours de notre marche vers Noël, la liturgie de ce dimanche nous invite à être dans la joie. « Soyez toujours dans la joie du Seigneur, le Seigneur est proche », nous lance Saint Paul dans l’antienne d’ouverture. C’est le Gaudete, le dimanche de la joie qui nous rassure que : a) même au milieu de tous les problèmes, les souffrances et les peines que nous rencontrons dans notre vie, la joie existe car Dieu est avec nous ; b) le Seigneur est proche de nous et dans quelques jours, lors de la nuit de Noël, nous célébrerons la promesse et l'accomplissement, la prophétie du rédempteur qui devait venir et l'événement historique de Jésus qui y correspond. C’est cela l’objet de notre joie.
Cet appel à la joie résonne fortement dans la première lecture où Isaïe, bien avant l’arrivée du Messie, annonce déjà la bonne nouvelle du salut : la libération des captifs, la guérison des cœurs brisés et l’inauguration d’un temps de grâce. Le contexte de cette prophétie vétérotestamentaire d’Isaïe, c’est le retour du peuple d’Israël de l’exil à Babylone. Le peuple était démoralisé et abattu qu’il ne savait plus comment parler, tant les humiliations des Babyloniens avaient dépassé son entendement. Le temple de Jérusalem, qui était le symbole de son orgueil et le lieu de sa rencontre avec Yahvé, était détruit. Alors, le peuple s’imaginait que Dieu l’avait abandonné. C’est dans ce contexte de confusion qu’Isaïe vient leur redonner l’espoir. Il leur dit que Dieu ne les a pas abandonnés, mais qu’il relève Israël son serviteur, il accorde surtout une année de bienfaits qui correspond à la remise des péchés ayant entraîné la déportation à Babylone. Cette prophétie trouvera son accomplissement en Jésus lorsque, dans la synagogue de Nazareth, il dira : « Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture » (Lc 4, 21). En effet, le Messie a été envoyé pour « proclamer une année de grâce de la part de Yahvé », c'est-à-dire ôter le péché du monde. Jésus-Christ est lui-même cette grâce d’en haut : le rencontrer signifie rencontrer la bonté de Dieu, retrouver la joie et le bonheur d’être sauvé. Fort de cette espérance, le peuple, dans la 2e partie de la 1ère lecture, exprime déjà sa joie car il retrouvera bientôt sa splendeur.
Dans la seconde lecture, Saint Paul vient renforcer cette invitation à nous réjouir dans le Seigneur, qui est proche de nous et ne nous abandonne jamais. Il nous invite ensuite à être dans l’action de grâce constante, pour tout le bien que nous recevons chaque jour. Ainsi la joie grandit en nous ; c’est ce que Dieu attend de nous. Voilà pourquoi le Pape François le répète : le chrétien ne doit pas avoir un air de carême sans Pâques, mais il doit être une personne joyeuse qui tire sa joie de l’Évangile (Evangelii Gaudium). C’est la joie qui se vit dans les petites choses de l’existence quotidienne : un petit bonjour, un sourire, une attention à ceux qui sont en manque, un bel accueil dans nos bureaux, une visite à un membre de la famille, et bien d’autres gestes capables de remuer les consciences et d’ouvrir les cœurs à la joie de vivre.
Mais l’on peut se poser la question : comment être dans la joie alors que, dans ma vie, j’ai des difficultés à joindre les deux bouts ? Comment être joyeux quand je manque de quoi assurer la scolarité de mes enfants ? Comment être joyeux quand je vis des situations dramatiques et tragiques, tels que le manque d’amour, la stérilité, la déception, l’incompréhension, la faim, la solitude, l’injustice et la désunion en famille ? Comment être joyeux quand tout ce que j’entreprends échoue alors que les autres autour de moi (et qui ne sont peut-être pas des croyants) prospèrent ? Devant ces situations difficiles et bien d’autres, la tendance naturelle est de penser comme le peuple d’Israël : Dieu m’a abandonné ; il ne voit plus mes larmes. Mais dans le cantique responsorial (le Magnificat), aujourd’hui, Dieu nous assure de sa présence au cœur de nos vies. Même dans les situations dures que nous traversons, il se penche sur nous et fait des merveilles. Voilà pourquoi notre âme doit l’exalter, voilà pourquoi nous devons être joyeux. Nous n’allons pas sous-estimer nos soucis, mais la joie du Seigneur nous est toujours donnée ; elle s’adapte et se transforme, et elle demeure toujours au moins comme un rayon de lumière qui naît de la certitude personnelle d’être infiniment aimé, au-delà de tout. C’est l’expérience de notre Église africaine et congolaise. Avec toutes nos larmes et nos peines, nous expérimentons toujours la joie d’être chrétiens, le fait d’être soutenus par le bonheur intérieur de connaître le Christ et de le servir.
Le secret du Gaudete, de la vraie joie, le renoncement à soi, l’oublie de ses propres souffrances pour se donner pour les autres. La figure et la prédication de Jean-Baptiste nous invitent à ce témoignage, comme nous l’écoutons dans l’Évangile. Jean s’est retiré dans le désert pour vivre une vie très austère et inviter ainsi, également à travers sa vie, les personnes à se convertir. Il n’est pas le Messie, ce n’est pas la lumière. Ce n’est pas Élie revenu sur terre, ni le grand prophète attendu. C’est le précurseur, simple témoin, entièrement soumis à Celui qu’il annonce ; une voix dans le désert. Vivant aujourd’hui dans le désert d’un monde flou et brisé par les attentes déçues, nous avons également besoin de voix qui nous annoncent simplement que Dieu est là, toujours proche, même s’il semble absent. Jean-Baptiste est une voix dans le désert et un témoin de la lumière. Telle est précisément la mission du temps de l’Avent, la clef de la joie parfaite : être témoins de la lumière, et nous ne pouvons l’être que si nous portons en nous la lumière, si nous sommes non seulement sûrs qu’il y a la lumière mais que nous avons vu et touché la lumière que le Christ nous donne dans sa Parole et dans ses sacrements. Jean-Baptiste ne communique pas sa propre lumière mais celle du Seigneur. Les gens qui pensent être des porteurs de lumière, sans pourtant avoir été illuminés par le Christ, l’unique vraie lumière, ne créent pas quelques paradis terrestres mais, au contraire, ils instaurent des dictatures et des systèmes totalitaires dans lesquels même la plus petite étincelle d’humanité vraie est étouffée.
La joie du Seigneur remplit le cœur de ceux et celles qui s’oublient et se passionnent pour la mission d’éclairer les périphéries, de se faire la voix des hommes et des femmes pris en otage par des idéologies tissées de mensonge et de terreur. Prions au cours de cette messe pour que le Seigneur nous donne la grâce d’être des témoins joyeux de sa présence parmi nous, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen ! Père Raphaël Bazebizonza, sj.
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