Ils n’osaient pas encore y croire

 

Ils n’osaient pas encore y croire (3ème Dimanche de Pâques - Année B) 

Textes : Ac 3, 13-15. 17-19 ; Ps.4 ; I Jn 2, 1-5a ; Lc 23, 35-48

Nous connaissons l’expression « C’est trop beau pour être vrai ». Et quand on la connaît, non pas  pour l’avoir entendue de la bouche des autres mais pour l’avoir expérimentée soi-même, parce qu’on vit un bonheur complètement inespéré, alors on peut aisément se mettre à la place des disciples et comprendre leur balancement entre la frayeur et la joie, le doute et l’évidence, à la vue de Jésus qui se tient devant eux en chair et en os, lui qui, trois jours auparavant, était mort crucifié.

Jésus parle et donne des signes pour chasser le doute et la peur

La déception des disciples était totale, au sortir de ce vendredi où leur Maître venait d’être mis à mort. Leur rêve s’est brisé au pied de la croix, eux qui, pendant trois ans à suivre Jésus, espéraient qu’il serait le libérateur d’Israël. Ils avaient vu la force des actes et des paroles de cet homme. Mais pour eux, tout cela était désormais rangé dans les placards de l’histoire. Ils avaient l’impression d’avoir été floués par leurs propres illusions. Et quand Jésus leur apparaît après sa mort, ils résistent à l’évidence pour ne pas se laisser tromper de nouveau, même s’ils veulent bien  croire que l’histoire rebondit et que l’avenir est ouvert.  Alors Jésus lui-même intervient pour chasser le doute et la peur ; il multiplie les paroles et les gestes pour ouvrir les yeux de ses disciples à la réalité inédite de la résurrection dans la chair : « la paix soit avec vous…Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi… ». Il mange même devant eux, preuve qu’ils ne sont pas en présence d’un esprit.

Dans notre culture bantou, où les récits de rencontre avec les revenants sont récurrents, nous sommes invités à recevoir les récits évangéliques de la résurrection et des apparitions de Jésus  comme la révélation que notre corps de chair est appelé à la vie avec Dieu pour l’éternité.  Mais la vérité est que la résurrection n’est pas une affaire de voir, ni de toucher, car l’essentiel est invisible pour les yeux et échappe à l’expérience sensible. N’est-ce pas ce que nous enseigne le disciple bien aimé qui, devant le tombeau ouvert et vide, croit que le Seigneur est vivant avant même qu’il l’ait vu ?

La vie  de Jésus est l’accomplissement du projet de Dieu annoncé par les prophètes

La déception des disciples à la mort de Jésus ne vient-elle pas du fait qu’ils n’ont pas su interpréter les Ecritures pour qu’ils comprennent que la croix n’était ni un incident de parcours, ni un échec dans la mission du messie ? Déjà, Jésus a invité les  disciples d’Emmaüs à ouvrir leur cœur à ce qu’ont annoncé les prophètes et à comprendre que toute sa vie est l’accomplissement des Ecritures. Il utilise la même pédagogie avec les onze apôtres : ses souffrances, sa mort et sa résurrection étaient inscrites dans le projet salvifique de Dieu. C’est une nouvelle interprétation des Ecritures que Jésus inaugure.

Dans nos communautés chrétiennes et dans notre vie personnelle, le Christ nous appelle à évaluer la place que nous accordons à la Bible comme source de la connaissance de Dieu ; non pas seulement connaissance intellectuelle, mais aussi et surtout découverte du Dieu Père, Fils et Esprit, qui nous enveloppe de son amour et  nous offre la vie en plénitude. Sans la Bible lue, écoutée et méditée, nous en resterons à une foi qui n’est  en réalité qu’un ramassis d’idées que nous nous faisons de Dieu. Il faut qu’à notre propre intelligence s’ajoute celle que donne le Christ, c’est-à-dire l’Esprit Saint, pour que nous évitions de travestir les Ecritures au gré de nos propres idées ou ambitions, mais qu’elles nous convertissent en véritables disciples envoyés pour proclamer que Dieu aime tellement le monde qu’il lui a donné Jésus comme Parole qui libère de la peur  et éclaire dans le doute. Autant la Bible nous révèle qui est Dieu, autant elle nous révèle ce que nous sommes : des êtres marqués par la finitude et le péché, mais êtres follement aimés par Dieu car nous avons un défenseur devant lui : Jésus, le Juste (Cf. Deuxième lecture)

Frères et sœurs, heureux sommes-nous parce que nous croyons en Jésus et nous l’aimons sans le voir. Heureux sommes-nous encore parce que son absence physique nous ouvre le chemin de la foi, qui consiste à le trouver présent, vivant et agissant dans les « actes-signes » précieux datant des premières communautés chrétiennes : la sainte Eucharistie, les saintes Ecritures, la prière et l’amour fraternel que j’aime bien appeler « le sacrement du frère ». Puisons-y l’énergie qui nous fait passer de la mort à la vie, de la peur à la joie, afin d’être les témoins du Ressuscité, aujourd’hui.

 

                                                                   Abbé Olivier MASSAMBA-LOUBELO