Ce qui m’a touché de notre rencontre avec le Pape

 

Ce qui m’a touché de notre rencontre avec le Pape

Ce 4 mai 2015, vers 10 heures, mon téléphone portable sonne. C’est l’abbé Maslow – co-organisateur de la visite – qui m’appelle : « On a besoin de quelques prêtres pour accompagner les évêques qui rencontrent le Saint-Père ». La rencontre avec le Successeur de Saint Pierre est l’un de trois objectifs d’une visite ad limina apostolorum (pèlerinage aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, partage fraternel sur la situation de l’Église locale). Le Pape François, depuis un certain temps, encourage les évêques à se faire accompagner par quelques prêtres de leurs diocèses, en signe de communion ecclésiale. On y va donc.

Au total, nous sommes 12 prêtres : les abbés Joseph, Ghislain, Rodrigue, Hermann, Kelly, Éric Béranger, Maslow, Farel… et moi-même. On forme une couronne. On parle la même langue. C’est l’émotion. Pour rejoindre les évêques, il faut franchir plusieurs barrières : les gardes suisses, les escaliers interminables, les portes lourdes... Mais la consolation spirituelle à venir nous fait oublier le poids de toutes ces tracasseries protocolaires. On contemple aussi les beaux tableaux du palais apostolique, dans les salons où le pape accorde accueille. C’est l’enthousiasme. Finalement, on est là, là où se trouvent déjà les évêques.

     Le Pape François avec les prêtres congolais

               Le Pape François avec les prêtres congolais

Le protocole nous instruit sur le modus procedendi. Tout est fignolé, stylé : de la position à tenir en face du Saint-Père aux mouvements à exécuter. Les évêques et nous-mêmes, on écoute attentivement et on obéit. Les évêques sont alignés, et chacun d’eux est accompagné d’un prêtre de son propre diocèse ou d’un autre diocèse, sauf pour Nosseigneurs Daniel Mizonzo et Yves Monot qui, eux, se sont fait accompagner de leurs prédécesseurs : Mgr Bernard Nsayi et Mgr Hervé Itoua. Le Saint-Père est prêt, et nous entrons dans la salle de la rencontre. Le climat est détendu. Chaque évêque salue le pape et se présente. Il s’ensuit une petite séance de photo. Juste après, s’avance le prêtre accompagnateur ; il accomplit, lui aussi, le même rituel, mais en présence de son évêque qui achève la présentation. Progressivement, les évêques prennent place, alors que les prêtres se dirigent dans un coin vers la sortie. En dehors de l’Abbé Brice Ibombo, secrétaire général de la Conférence épiscopale, les prêtres ne sont pas concernés par la réunion. Mais à la fin de la cérémonie d’accueil, avant de rejoindre les évêques, le Pape nous fait une surprise : il vient vers nous et nous dit, sur un ton amusant : « Voi siete tanti. Fate una passeggiata. Prendete un caffé. E dopo venite riprenderle (Vous êtes nombreux. Faites une petite promenade. Allez prendre un café et revenez les (évêques) reprendre après ».  

Au-delà de leur caractère humoristique, les quelques mots du Pape aux prêtres peuvent se lire comme un signe que nous adresse la Providence, au moment où s’ouvrent devant nous des chemins politiques et religieux nouveaux. Par le biais de ces moments d’exaltation avec François, le Seigneur nous parle et interroge le degré de notre charité envers le prochain, croyant ou incroyant. Il nous rappelle que cette mission que nous avons reçue, c’est d’abord et fondamentalement une marche, un chemin – fare una passeggiata. Il nous rappelle que c’est Lui qui nous a appelés et établis afin que nous partions, sans bâton, ni sandales, en gardant les yeux fixés sur Lui, pour porter du fruit, un fruit qui demeure, un fruit fondé et destiné uniquement à la « philanthropie » – prendere un caffé –, à la charité, à la suite de la « philanthropie de Dieu lui-même manifestée dans le Don de son fils pour le salut du monde ».

Cet engagement, pour embraser le Congo de l’amour de Dieu, comporte de nombreux risques, car on s’y heurte au « monde », à ces « puissances et principautés » qui font régner dans le monde l’injustice, l’oppression, la corruption et qui n’aiment pas être démasqués (Pape François). Mais en toutes choses et quelles qu’en soient la situation et les circonstances, notre engagement se voudra sans pusillanimité, sans crainte, mais aussi sans imprudence, comptant uniquement sur la Sagesse de Celui qui, dès l’origine, accompagne son Église. Et parce que nous sommes nombreux, nous sommes ou voulons être une équipe solide.

À la fin, le Pape nous a dit : « Revenez pour les reprendre ». Encore cette communion ecclésiale ! Le prêtre sait que sur le chemin du sacerdoce, ses pas devrontnt être affermis par le Seigneur, à travers la sollicitude de son pasteur, exercée selon la prudence du serpent et la bonté de la colombe, dans un monde flou et brisé par des attentes déçues. Finalement, cette rencontre du Pape nous a réconfortés dans nos missions respectives, vécues souvent dans des conditions d’austérité et de précarité qui, sans la grâce venant d’en haut.                                           

                                                                             Raphaël BAZEBIZONZA, sj.